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L’Irak 10 ans après - Une moindre dépendance à l’égard de l’aide alimentaire

A farmer in Sulaimaniya, Iraq Lachicaphoto/Flickr
Un agriculteur du gouvernorat de Sulaimaniya
La sécurité alimentaire s’est améliorée en Irak au cours de la dernière décennie. L’invasion menée par les États-Unis a en effet mis un terme aux sanctions et permis le rétablissement de relations ouvertes entre l’Irak et le reste du monde.

Historiquement, la vulnérabilité de l’Irak à l’insécurité alimentaire est largement due aux obstacles au commerce international qui ont entravé l’exportation de pétrole et l’importation de denrées alimentaires. Ces obstacles, causés par deux décennies de guerre et de sanctions, ont également affecté la capacité de l’Irak à moderniser le secteur agricole et à utiliser les nouvelles technologies. Dans ce contexte, la production locale n’est pas parvenue à satisfaire les besoins alimentaires croissants du pays.

Ainsi, même pendant les années noires de la violence sectaire de la dernière décennie, l’accès à la nourriture s’est en moyenne amélioré par rapport aux années des sanctions.

Histoire récente

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en 1980, 4 pour cent seulement des Irakiens étaient sous-alimentés ou souffraient de « privation alimentaire », c’est-à-dire qu’ils consommaient moins que l’apport énergétique minimum, qui est actuellement estimé à 1 726 kilocalories par personne par jour en Irak. Malgré plusieurs années de guerre avec l’Iran dans les années 1980, les subventions agricoles et les importations de denrées alimentaires en provenance des États-Unis et de l’Europe ont contribué à maintenir un faible niveau de privation alimentaire.

Toutefois, quand les Nations Unies ont imposé des sanctions à l’Irak en août 1990 et que le gouvernement américain a supprimé les subventions aux exportations agricoles vers l’Irak, le pays – qui dépendait presque entièrement des importations pour combler ses besoins alimentaires – a vu son taux de sous-alimentation augmenter et atteindre 15 pour cent en 1996, selon la FAO. Il a continué d’augmenter dans les années 1990, atteignant un sommet correspondant, selon certaines estimations, à près d’un tiers de la population à la fin des années 1990.

Si les denrées alimentaires humanitaires distribuées dans le cadre du programme « Pétrole contre nourriture » des Nations Unies, lancé en 1995, ont permis d’atténuer le problème, le système de distribution publique (SDP) – un programme de subventions gouvernementales créé en 1991 – est cependant resté, entre le début et la moitié des années 2000, « de loin, la principale source de nourriture » pour les populations pauvres et en situation d’insécurité alimentaire, selon un rapport publié en 2006 par le gouvernement et le Programme alimentaire mondial (PAM).

Après 2003

Les taux de sous-alimentation ont commencé à diminuer au tournant du XXIe siècle et le déclin s’est accentué avec le renversement de l’ancien président Saddam Hussein. À la suite de cet événement, l’Irak a en effet pu recommencer à importer librement. Au cours de la dernière décennie, le pays a connu une « transformation majeure », comme l’a souligné un observateur.


En 2003, quelques mois après l’invasion, une étude du PAM a découvert que 11 pour cent des habitants ne bénéficiaient pas d’un accès sécuritaire à la nourriture, ce qui représente une diminution importante par rapport au sommet atteint dans les années 1990.

Une étude publiée en 2005 par le gouvernement et le PAM a révélé que l’insécurité alimentaire avait augmenté légèrement pour atteindre 15,4 pour cent et qu’elle avait ensuite diminué peu de temps après.

Les termes de « sécurité alimentaire » et de « privation alimentaire » sont souvent utilisés indistinctement, mais ils font référence à la même chose mesurée avec des méthodes différentes. La sécurité alimentaire est souvent mesurée à partir de la fréquence et du coût des habitudes alimentaires des gens (les études de 2003 et de 2005, par exemple, examinaient la somme d’argent que les familles consacraient à l’achat de nourriture), tandis que la privation alimentaire est généralement mesurée à partir du nombre de kilocalories qu’une personne consomme par jour.
Selon une analyse des données tirées d’une étude datant de 2007 et réalisée conjointement par le gouvernement et les Nations Unies, 7,1 pour cent des Irakiens étaient sous-alimentés à cette époque ; ce pourcentage a ensuite diminué pour atteindre 5,7 pour cent en 2011, selon l’enquête de l’Iraq Knowledge Network (IKN).

Le gouvernement attribue cette baisse à l’amélioration de la sécurité, à la croissance économique et à l’accroissement de l’aide humanitaire.

SDP

Alors qu’environ 60 pour cent de la population dépendait de l’aide alimentaire pendant le règne de Saddam Hussein, selon les travailleurs humanitaires, seuls les pauvres ont maintenant réellement besoin du SDP.

Sa’ad al-Shimary, un fonctionnaire de Bagdad, a dit que sa famille dépendait auparavant du SDP. « Je n’ai même plus besoin des denrées alimentaires que nous pouvons obtenir grâce à la carte de rationnement », a-t-il dit. « Maintenant qu’on peut trouver de tout, je peux acheter de la nourriture de bonne qualité sur les marchés. »

Si la valeur du panier du SDP a diminué pour la plupart des Irakiens (elle représente maintenant seulement 8 pour cent de la valeur totale en espèces des dépenses alimentaires), il demeure malgré tout une source importante de blé et de riz pour 72 pour cent et 64 pour cent des ménages respectivement, selon l’enquête IKN de 2011. Selon l’Agence des Nations Unies pour le développement international (USAID), le SDP irakien est le plus important au monde. Il fournit en effet des rations alimentaires de base pratiquement gratuites à tous les Irakiens qui le souhaitent ; il n’est pas seulement utilisé par les pauvres.

Le SDP fournit plus d’un tiers de l’apport calorique des Irakiens, et plus de la moitié de celui des pauvres.

La nourriture continue d’être le principal poste de dépenses des ménages irakiens. Elle représente en effet 35 pour cent de leur budget. Près d’un quart des répondants à l’enquête IKN ont dit avoir utilisé des stratégies d’adaptation pour manger à leur faim en 2011. Par ailleurs, si 5,7 pour cent des Irakiens sont aujourd’hui considérés comme sous-alimentés, 14 pour cent de plus pourraient souffrir de privation alimentaire si le SDP n’existait pas, selon l’enquête IKN.

Malnutrition

Le tableau est plus flou en ce qui concerne la malnutrition.


Si le pourcentage des enfants de moins de cinq ans de poids insuffisant est passé de 15,9 pour cent en 2000 à 8,5 pour cent en 2011, selon les enquêtes en grappes à indicateurs multiples (Multiple Indicator Cluster Surveys, MICS) menées par le gouvernement et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), les indicateurs de la malnutrition chronique et aiguë semblent cependant moins positifs.

Les pourcentages des enfants de moins de cinq ans qui présentent un retard de croissance modéré ou grave (qui sont trop petits pour leur âge) ou une émaciation (qui ont un poids trop faible par rapport à leur taille) ont tous deux augmenté – ne serait-ce que légèrement – au cours de la même période, une tendance considérée comme « inquiétante » par les travailleurs humanitaires en raison des conséquences à long terme de la malnutrition sur le développement intellectuel.

Selon l’UNICEF, un enfant irakien sur quatre souffre d’un retard de croissance dû à la malnutrition. Les niveaux élevés de malnutrition chronique et aiguë montrent que les mères et les enfants n’ont pas accès à une nourriture de qualité. L’accès à la nourriture s’est amélioré, mais les retards de croissance et l’émaciation des tendances qui sont difficiles à renverser sur une courte période. Ainsi, il faudra peut-être attendre plusieurs années avant que l’amélioration de l’accès à la nourriture se reflète dans les taux de malnutrition.

Impact de la violence

Si la sécurité alimentaire s’est améliorée au cours de la dernière décennie, les violences sectaires de 2006-2007 ont cependant eu un impact négatif. Par exemple, un rapport du PAM basé sur des données de 2007 révèle que les niveaux de privation alimentaire variaient d’une région à l’autre : dans le gouvernorat de Diyala, l’un des plus instables pendant le conflit, 51 pour cent des habitants étaient considérés comme sous-alimentés, contre seulement 1 pour cent de la population de la région autonome du Kurdistan irakien, dans le nord du pays, une région qui a été largement épargnée par les conséquences de l’invasion.

Il y a eu des changements à ce niveau aussi. Alors que l’insécurité avait une incidence déterminante sur la sécurité alimentaire en 2007, ce sont essentiellement les groupes traditionnellement vulnérables, comme les analphabètes, les chômeurs, les déplacés et les ménages dirigés par des femmes, qui sont aujourd’hui en situation d’insécurité alimentaire.

Selon Edward Kallon, directeur du PAM en Irak, la sécurité alimentaire en Irak est également confrontée à de nouvelles menaces, notamment l’augmentation des cours mondiaux des denrées alimentaires, la pauvreté, le changement climatique, la désertification et la sécheresse.

Pour en savoir plus, consultez cette fiche d’information sur la sécurité alimentaire préparée par les Nations Unies et cette présentation de l’UNICEF, qui compare les indicateurs infantiles de l’Irak des 30 à 50 dernières années. L’essentiel des statistiques vient d’études réalisées par le PAM et le gouvernement en 2003, 2005 et 2007; et d’études menées par l’UNICEF et le gouvernement en 2000, 2006 et 2011. Ce rapport sur la privation alimentaire, qui date de 2010, analyse des données qui ont été collectées en 2007 dans le cadre d’une etude menée par le gouvernement et la Banque mondiale. Publié en 2012, ce rapport analyse quant à lui les données en matière de sécurité alimentaire collectées dans le cadre de l’enquête IKN de 2011. La FAO dispose de ses propres chiffres sur la privation alimentaire. Le gouvernement a également tenu des statistiques sur les enfants de poids insuffisant entre 1991 et 2009.

Pour d’autres indicateurs du développement, consultez la série d’IRIN : L’Irak, 10 ans après.

af/da/ha/rz – gd/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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