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Concrétisation de la moitié des promesses de dons pour la Syrie

Refugee children at Nizip camp for Syrian refugees in southern Turkey Patrick Adams/IRIN
Les hauts responsables des Nations Unies ont salué comme un « accomplissement majeur » l’annonce selon laquelle le Koweït aurait officiellement alloué 300 millions de dollars des fonds annoncés pour l’aide humanitaire en Syrie.

C’est la deuxième fois seulement qu’un pays du Golfe apporte une contribution d’une telle ampleur par des circuits multilatéraux. La première fois, c’était en 2008, lorsque l’Arabie Saoudite a versé 500 millions de dollars au Programme alimentaire mondial (PAM), le plus grand don en espèces jamais fait à un organisme des Nations Unies.

Par cette annonce, le Koweït donne suite à la promesse faite le 30 janvier, lors d’une conférence internationale qui s’est tenue sur son territoire. Cette conférence s’était conclue par un total de plus de 1,5 milliard de dollars de promesses de dons, faisant de cet évènement l’une des plus grandes et des plus fructueuses collectes de fonds dans l’histoire des Nations Unies (voir la liste complète des promesses).
Des millions de dollars de dons annoncés lors de la conférence par d’autres bailleurs de fonds n’ont cependant pas encore été traduits par des faits et les organisations humanitaires présentes en Syrie menacent de devoir amputer leurs programmes en raison du manque de financement.

Le Koweït a déjà commencé à distribuer 275 millions de dollars sous forme de chèques aux agences des Nations Unies et 25 millions de dollars au Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

« Nous sommes en train [...] de joindre le geste à la parole », a dit aux journalistes le représentant permanent du Koweït au siège des Nations Unies à Genève, Dharar Abdul-Razzak Razzooqi, lors d’une conférence de presse le 18 avril.

Avec cette allocation de la part du Koweït, c’est la moitié des 1,5 milliard de dollars de promesses de dons qui a été affectée ou allouée, c’est-à-dire que les bailleurs de fonds concernés ont révélé le détail du montant qui serait versé à chaque organisme bénéficiaire ou réellement transféré l’argent.

« Sans cette contribution du Koweït qui vient à point nommé, nous serions tous actuellement en grande difficulté », a dit Antonio Guterres, Haut Commissaire de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, lors de la conférence de presse. « Cela nous apporte le répit nécessaire pour attendre que les autres pays tiennent leur engagement à l’image du Koweït et traduisent leurs promesses en actes concrets. »

En décembre 2012, les Nations Unies ont lancé un appel d’un montant de 1,5 milliard de dollars afin de prêter assistance aux civils touchés par le conflit en Syrie au cours des six premiers mois de 2013, qu’il s’agisse de ses habitants ou de ceux qui se sont réfugiés dans les pays limitrophes, par le biais de deux plans d’action coordonnés par les Nations Unies. Au 18 avril, les organisations d’aide humanitaire avaient reçu près de 810 millions de dollars dans le cadre de cet appel, soit environ 52 pour cent de la somme demandée.

Bien que l’objectif de la conférence de janvier ait été de répondre à ces besoins en financement, la totalité des 1,5 milliard de dollars annoncés lors de cet évènement n’est pas destinée aux plans d’action objets de l’appel, car certains bailleurs de fonds ont choisi de financer des projets par l’intermédiaire d’autres circuits.

Le Financial Tracking Service (FTS) a jusqu’à présent identifié 336 millions de dollars de promesses de dons pour l’aide humanitaire face à la crise syrienne en 2013 en dehors des deux appels.

Une révision des plans d’action coordonnés par les Nations Unies incluant les coûts financiers des programmes d’aide pour la deuxième moitié de l’année sera présentée fin mai. D’ici la fin de l’année, selon M. Guterres, les réfugiés pourraient être trois fois plus nombreux que ce qui est actuellement prévu dans les plans d’action.

Bailleurs de fonds de la région du Golfe

La majorité des fonds engagés lors de la conférence viennent du Koweït, des Émirats arabes unis et d’Arabie saoudite.

Plusieurs sources ont dit à IRIN qu’il était peu probable que le gouvernement des Émirats arabes unis verse ne serait-ce qu’une partie des fonds promis par l’intermédiaire des Nations Unies. Le pays préfèrerait en effet passer par des organismes émiratis comme l’Autorité émirienne du Croissant-Rouge, la Fondation Khalifa Bin Zayed Al Nehayan et le Fonds d’Abou Dhabi pour le développement.
L’Autorité émirienne du Croissant-Rouge a ouvert la semaine dernière un nouveau camp pour les réfugiés syriens en Jordanie, qualifié par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) de camp « cinq étoiles ». Ahmad Al Mazrouie, président de l’organisation, a déclaré à un journal local que le camp constituait une « preuve solide » de l’engagement pris lors de la conférence de janvier, l’Autorité ayant jusqu’à présent dépensé plus de 50 millions de dirhams (13,6 millions de dollars).

« Cette crise est différente des autres. Sa dimension, son intensité, le niveau de souffrance et de destruction sont tels que les budgets humanitaires habituels ne suffisent pas »
Sulaiman Al-Turki, du département des affaires financières internationales du ministère des finances saoudien, a dit à IRIN que la contribution de l’Arabie saoudite avait déjà été allouée à des agences des Nations Unies et à Saudi Relief Committees and Campaigns, une organisation non gouvernementale (ONG) locale présente dans les pays accueillant des réfugiés syriens. Selon M. Al-Turki, The National Campaign for Syria a déjà reçu une partie des fonds, déboursés « en fonction des besoins, suivant les évaluations de [l’organisation] ».

Un groupe d’ONG du Golfe, qui a demandé 183 millions de dollars additionnels lors de la conférence, attend toujours la totalité de la somme promise, selon Suleiman Shamsaldeen, directeur général de l’Organisation internationale de bienfaisance islamique, qui fait partie de la coalition. Selon ce qu’il a dit à IRIN, la promesse faite en janvier consistait à collecter et dépenser cette somme avant fin 2013.

« Ils tentent de régler les derniers détails [...] Ces sociétés et ONG s’engagent, mais cela ne signifie pas [...] qu’elles ont [déjà] l’argent en poche, c’est comme ça que ça fonctionne », a-t-il expliqué.

Les ONG du Golfe ont cependant déjà commencé à mettre en place des projets, a dit Othman al-Haggi, responsable des secours d’urgence pour Kuwait Relief Society, qui coordonne les initiatives. Un plan d’action complet devrait être publié avant la fin du mois, a-t-il dit. Son objectif est notamment de soutenir les collectes de fonds, axées sur le mois du ramadan.

Le Qatar a par ailleurs annoncé, en marge de la conférence, qu’il verserait 100 millions de dollars à l’Assistance Coordination Unit, l’organe humanitaire de la coalition de l’opposition syrienne.

Autres bailleurs de fonds

Après celles des pays du Golfe, les plus grandes promesses faites lors de la conférence au Koweït étaient celles des États-Unis, de l’office humanitaire de la Communauté européenne (ECHO) et du Royaume-Uni. Tous ont déjà alloué la totalité des fonds promis (le Royaume-Uni a complété son engagement le 18 avril, mais le FTS ne l’a pas encore pris en compte).

L’Allemagne, l’Australie, la Belgique, la Bulgarie, le Canada, la Chine, la Finlande, la Hongrie, l’Irlande, le Japon, Malte, la Mongolie, les Pays-Bas, la Pologne et la Slovaquie ont eux aussi honoré la totalité de leurs promesses. De nombreux pays avaient d’ailleurs planifié leur financement en avance de manière à l’annoncer lors du sommet.

Les agences des Nations Unies et les ONG intervenant dans la crise syrienne disposent par ailleurs d’autres sources de financement, notamment le Fonds central d’intervention d’urgence, géré par les Nations Unies, qui vient d’approuver l’allocation de 20,5 millions de dollars aux agences onusiennes.

Le Fonds d’intervention d’urgence (ERF) pour la Syrie, mis sur pied en juin dernier, a pour sa part reçu 36 millions de dollars, dont 10 millions restent en attente de propositions de projets de la part des ONG. (L’ERF ne finance que de petits projets à court terme à hauteur de 500 000 dollars maximum et sous certaines conditions. De nombreuses ONG locales n’ont pas les connaissances ou les compétences nécessaires pour lui soumettre des propositions).

Dispositif de financement

Le financement des interventions humanitaires en cas de crise passe par un dispositif extrêmement bureaucratique. Les contrats doivent être négociés, signés, puis contresignés, souvent à la fois sur le terrain et au siège de l’organisation concernée. En fonction de la somme d’argent en jeu, de la complexité du dispositif, des cycles de financement et des exigences bureaucratiques du bailleur de fonds, plusieurs jours, voire plusieurs mois, peuvent s’écouler entre le moment où le financement est autorisé et le transfert réel de l’argent de banque à banque.

Les organisations d’aide humanitaire peuvent rarement être sûres de la date exacte à laquelle les financements promis vont être versés. De nombreux bailleurs de fonds, comme l’ECHO, ont des dispositifs à part pour financer les urgences de manière à accélérer le processus.

Selon des organisations veillant à la transparence des bailleurs de fonds, les promesses faites lors des conférences d’annonce de contribution comme celle de janvier sont cependant rarement honorées en totalité.

D’après une analyse réalisée par le Bureau de l’Envoyé spécial pour Haïti, par exemple, sur les 9 milliards de dollars de dons annoncés pour Haïti lors de la conférence de mars 2010 qui a fait suite au séisme de magnitude 7 qui a frappé l’île, 3,9 milliards de dollars ont été versés avant fin 2010 et 6,4 milliards avant fin 2012 (il était cependant prévu que nombre des ces promesses de dons s’étalent sur plusieurs années). [  ]

En moyenne, entre 2000 et 2012, les appels humanitaires annuels des Nations Unies ont été financés à hauteur de 66 pour cent.

En attendant de recevoir des fonds, dans les premiers temps de l’urgence en Syrie, de nombreuses grandes agences des Nations Unies ont puisé dans les réserves financières de leur siège, « en prenant parfois des risques », a dit à IRIN le coordinateur de l’aide humanitaire en Syrie, Radhouane Nouicer. Malgré ces fonds, les agences des Nations Unies manquent de ressources. « Cette pratique a ses limites et ne permet pas de répondre à tous les besoins urgents », a dit M. Nouicer.

« Si [les organisations] ne reçoivent pas de nouveaux financements rapidement, a-t-il ajouté, leur intervention sera sérieusement perturbée. »

Besoins croissants

La Syrie compte au moins quatre millions de déplacés à l’intérieur même de ses frontières. Plusieurs autres millions ont perdu leur emploi et sont aux prises avec l’augmentation des prix des denrées alimentaires et l’absence de services de santé.

Le HCR a recensé plus de 1,4 million de réfugiés syriens dans les pays voisins et le nombre de réfugiés non officiels est probablement bien supérieur. Outre leurs besoins croissants, les réfugiés sont un lourd fardeau pour leurs communautés d’accueil au Liban, en Jordanie, en Turquie, en Irak et en Égypte et pourraient mettre en péril la stabilité de l’ensemble de la région.

Lors de la conférence de presse, M. Guterres a plaidé pour la mise en place d’un fonds spécial par le biais duquel les gouvernements pourraient apporter un soutien plus durable aux réfugiés syriens et à leurs pays d’accueil. « Cette crise est différente des autres. Sa dimension, son intensité, le niveau de souffrance et de destruction sont tels que les budgets humanitaires habituels ne suffisent pas », a-t-il dit.

Les opérations humanitaires en Syrie ne sont pas seulement confrontées à des contraintes de financement. L’insécurité, le manque d’information et les multiples formalités exigées par le gouvernement et les Nations Unies sont autant d’entraves à l’aide. Mais l’insuffisance de financement reste un obstacle majeur.

« Nous sommes à deux doigts de suspendre certaines aides, peut-être d’ici quelques semaines », ont dit les responsables de cinq agences des Nations Unies intervenant dans la crise dans un éditorial du New York Times cette semaine.

Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a déjà annoncé qu’en l’absence de financement supplémentaire « dans les prochains jours et les prochaines semaines », il allait devoir procéder à des réductions dans certains programmes humanitaires en Syrie, notamment des campagnes de vaccination, des équipes médicales mobiles, des distributions d’eau et des activités de loisir pour les enfants. Dans les pays limitrophes, l’UNICEF ne pourra plus fournir d’eau pour la consommation, la toilette et les latrines à des dizaines de milliers de réfugiés et devra réduire les programmes d’éducation de dizaines de milliers d’écoliers syriens étudiant dans les écoles jordaniennes et libanaises.

Dans certains camps de réfugiés, le HCR peine à fournir des choses aussi simples que des éclairages et des couvertures. Il lui est encore plus difficile d’assurer la protection des habitants du camp de Za’atari, au nord de la Jordanie, où l’insécurité s’aggrave. En l’absence de nouveaux financements, le HCR craint de devoir réduire les services de santé qu’il offre actuellement aux réfugiés. Le HCR a ajouté qu’il serait en outre « simplement impossible » pour les agences des Nations Unies de fournir de la nourriture, de l’eau potable, des cours pour les enfants, des abris et des soins de santé aux nouveaux réfugiés qui continuent d’affluer.

Le PAM a déjà dû réduire les rations alimentaires en Syrie par le passé, pour cause de manque de financements. L’organisme a averti récemment qu’il allait devoir cesser de distribuer des bons alimentaires à 400 000 réfugiés au Liban dans un mois et réduire la valeur des bons alimentaires distribués à 175 000 réfugiés en Jordanie.

« Nous avons eu connaissance de la grande générosité annoncée au Koweït. Nous aimerions maintenant voir cela se concrétiser », a dit à IRIN Panos Moumtzis, coordinateur régional du HCR pour les réfugiés syriens. « Les besoins sont supérieurs à notre capacité d’intervention. Nous ne savons pas pendant combien de temps nous allons pouvoir continuer, à moins d’un miracle se traduisant par d’importantes contributions. »

Julie Thompson, qui suit les engagements des bailleurs de fonds pour le FTS, a par ailleurs prié les bailleurs de fonds et les bénéficiaires d’informer son organisation des mouvements d’argent, « afin que nous puissions identifier les manques et diriger les ressources là où le besoin s’en fait le plus sentir ».

af/ha/rz –ld/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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