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Les pauvres, principales victimes des tensions politiques persistantes

A poor Egyptian sells sweets on the street [which town/city] to earn a living Amr Emam/IRIN
Pour la première fois depuis plusieurs mois, Hussein Mohamed, un fonctionnaire de 50 ans qui habite dans le quartier d’Imbaba dans le gouvernorat de Gizeh, au nord du Caire, a dit à sa femme qu’il ne pouvait plus nourrir la famille.

Jusqu’à présent, M. Mohamed s’en sortait avec son maigre salaire, mais face à l’envolée des prix des produits alimentaires, il a de plus en plus de mal à joindre les deux bouts.

« J’ai du mal à dire que je ne peux pas nourrir ma famille, mais c’est la réalité », a dit à IRIN M. Mohamed, un administrateur de l’université du Caire. « Je suis très fatigué et je sens que je ne tiendrai pas longtemps ».

Les prix des produits alimentaires ont augmenté de 5,3 pour cent entre novembre 2011 et novembre 2012, et selon les vendeurs, les prix de produits de base, comme les oignons, le riz et les pâtes, ont doublé depuis l’été.

Comme M. Mohamed, des millions d’Égyptiens apprennent une leçon douloureuse : ils sont les premières victimes des tensions politiques persistantes et de leurs répercussions économiques.

L’Égypte est entrée dans une nouvelle phase d’instabilité politique et sécuritaire le 22 novembre, lorsque Mohamed Morsi, le premier président élu démocratiquement, a signé un décret interdisant tout examen en justice de ses décisions. Les tensions ont persisté, alors que des millions d’Égyptiens se prononçaient sur un projet de constitution contesté ce mois-ci.

« La sécurité alimentaire des Égyptiens est menacée », a dit à IRIN Rashad Abdo, professeur d’économie à l’université du Caire. « Notre pays importe une grande partie de ses produits alimentaires. Mais notre réserve de devises – qui permettent d’acheter de la nourriture aux autres pays – est au plus bas ».

La réserve de devises de l’Égypte a atteint 15 milliards de dollars à la fin du mois de novembre, alors qu’elle s’élevait à 36,1 milliards de dollars avant le soulèvement populaire qui a provoqué la chute de l’ancien président Hosni Moubarak au début de l’année 2011.

Des économistes, comme M. Abdo, indiquent que ces réserves permettront au gouvernement d’acheter des produits alimentaires pendant trois mois seulement.

« Cela veut dire que notre pays se dirige au mieux vers une crise économique et au pire vers la banqueroute et la famine », a-t-il dit.

La semaine dernière, le gouvernement a confirmé qu’il achèterait 180 000 tonnes de blé aux États-Unis - être l’un des plus importants pays importateurs de blé exerce une pression sur les réserves.

Pessimisme

Alors que les débats sur la Constitution se poursuivent, les problèmes économiques sont de plus en plus visibles.

« Les usines ferment, la pauvreté s’accroît et le nombre de chômeurs augmente », a dit à IRIN Victor Fikry, vice-président de l’organisation caritative Caritas en Égypte.

Selon Caritas, la demande de petits prêts a augmenté au cours de ces derniers mois, mais les dons ont diminué de moitié.

« J’ai du mal à dire que je ne peux pas nourrir ma famille, mais c’est la réalité. Je suis très fatigué et je sens que je ne tiendrai pas longtemps »
Khaled Waked, âgé de 49 ans et père de deux enfants, pensait qu’il ne pouvait pas perdre son travail dans l’usine de calibrage qui l’employait depuis 20 ans. Il y a quelques mois, il a été licencié, car l’usine ne pouvait plus le payer.

« Je ne sais pas quoi faire », a dit M. Waked. « L’économie souffre, donc il y a peu de travail. Et si des emplois sont créés, qui engagera un vieil homme comme moi ? ».

Il n’y a pas de chiffres officiels sur les chômeurs égyptiens qui, comme M. Waked, ont perdu leur emploi après la révolution, mais la Banque africaine de développement a indiqué que le chômage atteignait 12,6 pour cent de la population active (3,4 millions de personnes) au deuxième trimestre de l’année 2012.

Le secteur du tourisme est également touché par les troubles politiques : habituellement, il représente environ 11 pour cent du produit intérieur brut (PIB) et « constitue la source la plus importante de devises à 20 pour cent du revenu national ».

Les économistes indiquent cependant que le pire est peut-être à venir.

« Une crise économique se traduit par une hausse du chômage et une augmentation des prix », a dit Yumn Al Hamaky, professeur d’économie à l’université Ain Shams. « Finalement, il y aura davantage de personnes incapables de satisfaire leurs besoins de base ».

Environ 25,2 pour cent des 83 millions d’Égyptiens vivaient dans la pauvreté en 2010-2011, contre 21,6 pour cent en 2008-2009, selon le gouvernement égyptien.

Le déficit budgétaire, qui se creuse rapidement et atteint désormais 170 milliards de livres (27,5 milliards de dollars), devrait s’aggraver pour atteindre 200 milliards de livres (32,3 milliards) prochainement, ce qui ne présage rien de bon pour l’avenir, selon Mme. Al Hamaky.

Mauvaise gestion

Selon les économistes, le ralentissement économique est lié à une mauvaise gestion économique et au manque de clarté des politiques économiques.

Le gouvernement va tenter de réduire le déficit budgétaire de 11 pour cent à 8,5 pour cent du PIB d’ici à la fin de l’année fiscale 2013-2014. Pour y arriver, il a mis en place plusieurs mesures, comme une réduction des subventions sur les carburants utilisés pour les voitures de luxe et les usines et une augmentation des prix de l’électricité et des bouteilles de gaz.

« Ces mesures vont toucher les pauvres, pas les riches », a dit l’économiste Alia Al Mahdy. « Les entreprises qui dépensent davantage en carburant, par exemple, vont augmenter les prix des biens qu’elles produisent, et les pauvres seront encore davantage affectés ».

Le 10 décembre, le gouvernement a décidé d’augmenter les taxes sur des dizaines de biens et de services, y compris le carburant, les cigarettes, les communications téléphoniques, et les engrais, ce qui a déclenché des protestations et soulevé des craintes dans le pays. Quelques heures plus tard, le Président est finalement revenu sur cette décision.

Une chanteuse populaire s’est faite l’écho de l’indignation exprimée par la population face à la confusion qui entrave les politiques gouvernementales : son tube ridiculise le chef de l’État qui prend des décisions le matin et les annule le soir-même.

Mais pour certaines personnes, comme M. Mohamed, le fonctionnaire de l’université du Caire, la situation ne prête pas à rire. En allant au marché aux légumes après la suspension de l’augmentation de la taxe par le Président, il s’est rendu compte que les prix de presque tous les légumes et fruits avaient été multipliés par deux.

« J’ai acheté un kilo de poivrons verts au prix de 2,5 livres (40 cents) un jour après l’annonce de l’augmentation des taxes par le gouvernement », a dit M. Mohamed. « Quand je suis retourné au marché, le prix avait atteint 5 livres. La même chose s’est produite avec tous les autres légumes et fruits, même après la suspension de la décision par le Président ».

M. Mohamed, dont le salaire s’élève à 1 800 livres (291 dollars), indique que depuis l’augmentation des prix, il n’achète plus certains produits alimentaires et s’en tient aux produits de base.

« Chaque jour, je renonce à un produit », a-t-il dit. « Je suis sûr que cela va continuer jusqu’à ce que ma famille et moi n’ayons plus rien à manger ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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