Notamment, la création proposée d’un nouveau fonds permettrait de consacrer, sur cinq ans, plusieurs milliards de dollars à la recherche et au développement, pour améliorer « la sécurité alimentaire, la productivité agricole, le développement rural, la réduction de la pauvreté et de la malnutrition, et la viabilité écologique ».
Le fonds proposé viendrait « s’ajouter et tenir lieu de complément à l’aide alimentaire fournie par le biais du ministère américain de l’Agriculture », aide qu’il est généralement interdit d’acheter dans les zones touchées par la crise alimentaire.
Cette législation porterait également création d’un Fonds américain d’urgence pour l’intervention rapide en situation de crise alimentaire, qui permettrait l’affectation de 500 millions de dollars pour « l’achat et la distribution de vivres, à l’échelle locale et régionale » et « l’apport d’une assistance non alimentaire d’urgence, notamment la remise de coupons ou le transfert de subventions, les programmes filet de sécurité, et autres aides non alimentaires adaptées ».
« Les Etats-Unis, et d’ailleurs tous les bailleurs internationaux, sous-investissent dans la recherche agricole depuis plus de 10 ans », a dit Christopher Barrett, expert de la sécurité alimentaire, qui enseigne à l’université Cornell.
Or, « un large ensemble de preuves indique que le retour sur investissement est extrêmement important dans le secteur agricole ... il se traduit par une réduction de la pauvreté et de la faim à l’échelle mondiale, et ... une croissance économique, y compris pour les agriculteurs des Etats-Unis et d’autres pays à revenu élevé, qui bénéficient ... des recherches visant à stimuler le développement agricole dans les pays pauvres », a expliqué M. Barrett.
« Il s’agit d’une manière plus intelligente d’aborder la faim et l’aide au développement », pouvait-on lire dans un communiqué publié par la ONE Campaign, un organisme de plaidoyer communautaire. « Grâce à des investissements ciblés destinés au financement de solutions telles que les techniques agricoles éprouvées, les semences, l’amélioration des sols et l’usage efficace des ressources en eau, nous pourrons non seulement mettre fin à l’insécurité alimentaire chronique et aux pénuries alimentaires, mais aussi aider les agriculteurs pauvres et leurs familles à se sortir eux-mêmes de la pauvreté ».
Certains organismes ont toutefois contesté une phrase du projet de loi parrainé par les sénateurs Richard Lugar et Robert Casey, qui prévoit l’octroi de financements pour « la recherche dans le domaine des avancées biotechniques, adaptées aux conditions écologiques locales, et notamment de la technologie de la modification génétique [OGM] ».
Selon une lettre signée par plus d’une centaine de groupes de plaidoyer, de scientifiques et d’experts du développement, « la lettre actuelle [du projet de loi] prévoit qu’un type de technologie extrêmement controversé (la transgénèse), essentiellement pratiqué par deux ou trois sociétés (en particulier Monsanto), soit financé avec l’argent du contribuable et ... bénéficie d’un traitement de faveur, en vertu d’un projet de loi prétendument conçu pour aider les pauvres et les affamés » ; il est demandé, dans la lettre, que cette section du projet de loi soit supprimée.
Photo: Akmal Dawi/IRIN |
Besoin d’une révolution verte |
« Le projet de loi prévoit de consacrer les ressources nécessaires au développement agricole à long terme, mais la question qu’il faut se poser, c’est : à terme, qui profitera de ce développement ? », a commenté Annie Shattuck, du Food First/Institute for Food and Development Policy, dans un courrier électronique adressé à IRIN.
« Le Département d’Etat et l’USAID reconnaissent tous deux que l’insécurité alimentaire est une conséquence de la pauvreté, et non des pénuries ; et pourtant, les deux se focalisent sur la productivité et les nouvelles technologies de la révolution verte, en excluant des facteurs sociaux plus généraux, notamment des dispositions commerciales plus équitables, une augmentation du pouvoir des petits agriculteurs sur le marché, l’accès au crédit, la stabilisation des marchés, la reconstruction des services publics de vulgarisation, etc. », a-t-elle également noté.
La question controversée des OGM
« Ce qu’il faut retenir, c’est qu’une disposition du projet de loi Lugar-Casey prévoit d’utiliser l’aide américaine pour développer des solutions technologiques locales destinées à améliorer la productivité agricole dans des pays qui souffrent d’une insécurité alimentaire chronique ; ces solutions ne doivent pas obligatoirement reposer sur les OGM, mais ce n’est pas exclu, si nécessaire », a réagi M. Lugar.
Il a qualifié de « grossière déformation » les suggestions selon lesquelles « le projet de loi prévoirait que l’aide américaine soit utilisée pour promouvoir les technologies agricoles de modification génétique, et que l’aide alimentaire américaine soit conditionnée par l’approbation, par les pays bénéficiaires, de l’utilisation de produits génétiquement modifiés ».
« C’est un problème plus profond que les recherches de cultures génétiquement modifiées, puisque la plupart des organismes opposés au projet de loi Lugar-Casey à ce sujet s’opposent également à l’importance qu’il accorde au déploiement des technologies agricoles scientifiques plus traditionnelles de la "révolution verte" », a dit à IRIN Robert Paarlberg, auteur de Starved for Science: How Biotechnology is Being Kept out of Africa [En manque de science : Comment l’Afrique est privée de biotechnologies].
« Il n’existe encore aucun exemple de société ayant sorti ses populations agricoles de la pauvreté et de la faim sans avoir introduit les méthodes de la révolution verte, notamment l’usage de semences améliorées et d’engrais azotés », a-t-il fait remarquer, observant également que le seul recours à des méthodes biologiques et agroécologiques n’avait encore porté ses fruits nulle part.
« Il est tout simplement judicieux de garder toutes les cordes à notre arc dans la lutte pour la réduction de la faim et de la pauvreté », a préconisé Christopher Barrett. « Il ne serait pas plus judicieux d’exclure les recherches reposant sur les modifications génétiques que de s’intéresser exclusivement à celles-ci ».
Après avoir été soumis à l’examen du Sénat, le projet de loi passera devant la Chambre des députés ; une fois que la Chambre basse aura approuvé ce projet de loi, il ne manquera que la signature du président Barack Obama pour que celui-ci soit adopté.
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