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Au-delà de la crise – Analyse

Children in the village of Garin Dagabi, north of Tanout in Southern Niger Anne Isabelle Leclercq/IRIN
Some 378,000 children are at risk of severe malnutrition
Au Niger, la plupart des ONG (organisations non gouvernementales) et des agences des Nations Unies s’accordent à dire que les acteurs humanitaires sont mieux préparés à répondre à la crise de sécurité alimentaire en 2010 qu’en 2005, mais certains disent qu’il existe un risque de répéter les mêmes erreurs en matière de partage de l’information, de planification de réponses adaptées, et de mobilisation rapide des fonds.

« Il y a des similarités avec 2005, auxquelles les bailleurs et la communauté humanitaire doivent prêter attention afin d’éviter une catastrophe en 2010 », a averti CARE, une ONG travaillant en faveur de l’éradication de la pauvreté, dans un communiqué daté du 26 avril.

Progrès

Le gouvernement a déclaré, le 11 mars, un état d’insécurité alimentaire critique et lancé un appel à une assistance internationale, ce qui a facilité la mobilisation des agences et des bailleurs, a dit Clare Sayce, de CARE International. IRIN a interrogé plusieurs agences des Nations Unies, ONG internationales et bailleurs à Niamey, la capitale du Niger, au sujet de la gestion de la crise.

La situation a changé depuis 2005 : les acteurs humanitaires sont plus nombreux à être déjà présents sur le terrain ; des systèmes d’alerte précoce et de partage de l’information sont utilisés ; des programmes à long terme visant à aider les communautés à se relever de la crise sont en place depuis 2005 ; le gouvernement est plus engagé et prêt à accepter une aide extérieure ; les systèmes de coordination fonctionnent mieux aujourd’hui.

« En février 2005, lorsque MSF [Médecins sans frontières, l’ONG médicale internationale] s’est inquiétée de l’émergence d’une crise, peu d’agences avaient suffisamment d’équipes sur le terrain pour répondre à l’appel, et il a fallu attendre juin et juillet pour qu’une mobilisation significative ait lieu », a dit Stéphane Heymans, responsable de MSF-Belgique au Niger.

Les dynamiques de la malnutrition étaient également différentes en 2005 : à l’époque, les admissions dans les centres de nutrition avaient fortement augmenté en février, tandis qu’en 2010, on a observé seulement la semaine dernière une hausse brutale de 35 pour cent par rapport à la semaine précédente, au centre de MSF à Gidan Roumji, près de Maradi dans le sud du Niger.

Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), qui avait mis en place des partenariats avec quelques ONG en 2005, a aujourd’hui des projets en cours avec 20 partenaires internationaux et nationaux, a dit à IRIN Félicité Tchibindat, conseillère nutrition de l'UNICEF pour l'Afrique de l’Ouest et du Centre.

Une analyse précoce des statistiques en matière de sécurité alimentaire et de nutrition, des prix de l’alimentation et du fourrage, et du fonctionnement des marchés céréaliers a permis d’avertir les acteurs de l’imminence d’une crise en octobre 2009, a dit Gianluca Ferrera, directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) à Niamey.

« Mes discussions avec la communauté humanitaire indiquent que la coordination et la mobilisation sont bien meilleures qu’elles ne l’ont été… bien que nous puissions toujours faire mieux », a dit à IRIN John Holmes, le coordinateur des secours d’urgence des Nations Unies, lors de sa visite au Niger fin avril.

Mme Tchibindat a noté que de janvier à mi-avril 2010, l’UNICEF avait enregistré dans les centres de nutrition 50 000 enfants souffrant de malnutrition sévère – soit environ 11 500 par mois. Ce chiffre est significativement plus élevé qu’en 2009, mais la hausse n’est tout de même pas aussi forte qu’en 2005, a-t-elle dit.

« Nous sommes loin d’atteindre un niveau de ressources adéquat… il faudrait que davantage de bailleurs non traditionnels interviennent »
Plus de la moitié de la population du Niger a besoin d’aide humanitaire, et quelque 378 000 enfants sont actuellement exposés à un risque de malnutrition sévère.

Eviter les interventions irréfléchies

« Les agences doivent tenir compte du fait que les situations d’urgence ne sont jamais identiques, et que la situation d’aujourd’hui est différente de celle de 2005 », a dit M. Heymans, de MSF. Bien que le déficit alimentaire soit beaucoup plus élevé – 30 pour cent – la nourriture est disponible sur les marchés, alors que ce n’était globalement pas le cas en 2005.

En 2005, le Niger avait continué à exporter des céréales, tandis que les importations du Mali, du Burkina Faso et du Nigeria avaient cessé ou décliné ; aujourd’hui, les céréales entrent dans le pays parce que la production alimentaire régionale a été bonne et que les taux de change entre le naira nigérian et le franc CFA utilisé au Niger sont favorables, a dit Malik Allaouna, responsable régional des urgences à Save the Children, une organisation de promotion des droits de l’enfant.

Après trois années de mauvaise production, les prix alimentaires ont atteint un niveau inabordable pour les familles pauvres. « Le pouvoir d’achat doit être pris en compte comme un indicateur clé de la sécurité alimentaire… Les déficits de production ne reflètent qu’un certain aspect de la réalité, et ne conduisent pas toujours à la réponse la plus adaptée », a-t-il dit à IRIN.

« Nous aimerions que davantage d’activités [telles que des transferts] d’espèces soient mises en place, car [elles sont] plus efficaces et beaucoup plus rapides que les distributions alimentaires, et pourraient dynamiser le marché, et ainsi encourager la poursuite des importations ».

M. Ferrera, du PAM, a dit à IRIN que l’on avait toujours tendance à comparer une crise à une autre, mais qu’il était « prématuré et risqué de dire si [la situation] était plus ou moins grave qu’en 2005… la seule chose que nous savons, c’est que nous sommes confrontés un gros problème aujourd’hui ».

Financements

Les bailleurs réagissent plus rapidement en 2010 qu’ils ne l’avaient fait en 2005 – à l’époque, de nombreuses ONG avaient manqué de financements jusqu’en août – a dit M. Sayce, de CARE, mais on s’attend à ce que cette crise culmine en juin et juillet, ce qui signifie qu’une mobilisation plus rapide et de plus grande envergure est nécessaire aujourd’hui. 

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L’appel humanitaire conjoint des Nations Unies et des ONG pour le Niger en 2010 n’est financé qu’à hauteur de 30 pour cent, et les fonds alloués ciblent la sécurité alimentaire, tandis que la nutrition, l’eau, l’assainissement et la coordination ne reçoivent aucun financement.

M. Sayce a dit que certains bailleurs, dont le Département britannique pour le développement international (DFID), avaient réagi plus rapidement grâce à de nouveaux mécanismes de financement tels que le West Africa humanitarian response fund, mais a noté que les bailleurs allouaient une grande partie de leurs ressources à Haïti.

Mme Tchibindat a dit à IRIN que bien que les financements de l’UNICEF soient arrivés rapidement, « il y a des lacunes [dans le financement]… mais le Niger est tout de même en meilleure position que le Tchad, où les bailleurs et les ONG sont peu nombreux ». L’UNICEF est confronté à un déficit de promesses de don de cinq millions sur les 23 millions demandés, mais seulement 56 pour cent des financements demandés sont déjà disponibles.

D’après M. Ferrera, du PAM, les bailleurs s’engagent bien dans le pays, mais, a-t-il dit, « nous sommes loin d’atteindre un niveau de ressources adéquat… il faudrait que davantage de bailleurs non traditionnels interviennent ».

Jusqu’à présent, le PAM a prévu 80 000 tonnes métriques d’aide alimentaire, alors que les besoins estimés s’élèvent à 162 000 tonnes métriques ; d’après l’agence, le gouvernement dispose de 20 000 tonnes métriques supplémentaires.

Mobiliser lentement

Les agences se préparent beaucoup plus rapidement qu’en 2005, et les premières distributions alimentaires à des enfants âgés de six à 23 mois ont commencé le 28 avril dans le village de Koleram près de Zinder, dans le sud du Niger, d’après l’UNICEF et le PAM.

Cependant, « Le [processus des distributions alimentaires] est tout de même trop lent, étant donné que les acteurs connaissent l’existence de la crise depuis octobre », a dit M. Heymans, de MSF. D’après le bureau du PAM en Afrique de l’Ouest, il est difficile, d’un point de vue logistique, d’acheminer l’aide alimentaire jusqu’au Niger, un pays qui n’a pas d’accès à la mer.

Un représentant d’une ONG, qui a souhaité garder l’anonymat, a dit qu’il était difficile de savoir où et quand l’aide alimentaire du PAM arriverait – un leadership humanitaire plus fort, sous la forme d’un coordinateur des urgences humanitaires désigné pourrait selon lui donner aux agences et aux bailleurs l’impulsion dont ils ont besoin, et favoriser le partage de l’information et la coordination entre les agences impliquées.

Mme Tchibindat, de l’UNICEF, aimerait que la gestion de la crise soit examinée d’un point de vue plus large. « Nous tirons les leçons de 2005 au Niger, mais il faudrait les appliquer au reste de la région du Sahel, qui connaît aussi des crises actuellement, et où les bailleurs et les acteurs humanitaires sont moins nombreux ».

aj/he/oa/il/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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