Bien qu’une récolte de riz abondante soit attendue, cela ne suffira peut-être pas à juguler la crise alimentaire provoquée par la hausse des prix, ont prévenu certains experts.
La récolte du riz « boro » de ce mois (une des trois récoltes annuelles) représente près de 60 pour cent de la production nationale de riz, mais avec la hausse mondiale des prix du riz et du blé, le Bangladesh fait face à de graves problèmes. En effet, selon le Programme alimentaire mondial (PAM), le Bangladesh reste un pays à faible revenu et à déficit vivrier, qui importe en moyenne deux millions de tonnes de céréales par an.
Environ la moitié de la population (63 millions d’habitants) vit en dessous du seuil de pauvreté et consacre 70 pour cent de ses revenus à l’alimentation. Dans ce groupe de population, environ 28 millions de personnes, soit 20 pour cent de la population totale, sont considérées comme « ultra-pauvres », selon le PAM.
D’après le rapport 2007 sur la situation alimentaire, publié par le ministère de l’Agriculture et de l’alimentation, les besoins globaux en importations céréalières pour l’année fiscale en cours (juillet 2007-juin 2008) sont estimés à 4,03 millions de tonnes, alors qu’au cours de la précédente année fiscale, 2,42 millions de tonnes de céréales avaient été importées.
Le 6 avril, A.M.M. Shawkat Ali, conseiller du gouvernement pour les questions de sécurité alimentaire, a indiqué au cours d’une réunion des chefs de district à Dhaka que la situation alimentaire actuelle, qualifiée par certains économistes de « famine silencieuse », persisterait probablement pendant plusieurs jours.
Au cours des six derniers mois, le prix des denrées alimentaires de base, en particulier celui du riz, a augmenté de plus de 70 pour cent dans certaines localités.
Le gouvernement a réagi en permettant aux consommateurs d’acheter du riz et d’autres denrées alimentaires de première nécessité à des prix subventionnés, conformément à son initiative de vente au marché libre (OMS), en mettant en place des programmes de travail contre nourriture, et en accordant des prêts bancaires à des conditions très favorables aux paysans touchés par la crise alimentaire. Mais des mesures supplémentaires devront être prises.
Le gouvernement a également distribué 956 000 tonnes de céréales entre juillet 2007 et mars 2008, et débloqué une aide financière de 14,71 millions de dollars américains pour favoriser la création d’emplois et de revenus destinés aux pauvres de longue durée, selon le Bangladesh Directorate of Food.
Mauvaise gestion, mécontentement
Malgré toutes ces mesures, les pronostics restent peu encourageants, et des cas de mauvaise gestion sont rapportés actuellement à différents niveaux et dans plusieurs régions du pays.
Selon Hafizour Rahman Bhuiyan, commissaire divisionnaire à Rajshahi (nord-ouest du Bangladesh), une des six circonscriptions administratives du pays, les paysans n’ont toujours pas reçu les prêts dont ils ont besoin en raison de certaines « irrégularités » et autres « actes de corruption » observés sur le terrain. Selon Aziz Hassan, commissaire divisionnaire de la circonscription de Sylhet, les entreprises invitées à soumissionner pour des projets de développement ont également commis des irrégularités dans sa région.
A Araihazar, un sous-district de Narayanganj, des habitants en colère ont manifesté devant le bureau du chef du sous-district lorsqu’ils se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient pas acheter de riz dans un point de vente OMS.
Photo: David Swanson/IRIN |
Ouvriers agricoles travaillant dans une rizière du district de Patuakhali, dans le sud du Bangladesh. Le riz fait partie des éléments de base du plat national |
Le 6 avril, la police a arrêté Jamal Hossein, un revendeur OMS de Dhaka, accusé d’avoir caché 13 sacs de riz destinés au point de vente dont il avait la responsabilité.
Selon Abou el Barakat, Secrétaire général de la Bangladesh Economic Association (une organisation nationale d’économistes professionnels), les manipulations des intermédiaires, la spéculation sur le marché, les problèmes liés à l’importation, la corruption, les coûts élevés de production et l’absence manifeste de coordination de la part du gouvernement ont contribué à aggraver la hausse des prix des denrées alimentaires.
Des demandes de distribution de vivres subventionnés
Les commissaires adjoints présents à la réunion de Dhaka ont proposé de réintroduire la pratique de la distribution de denrées alimentaires de première nécessité aux fonctionnaires, à la suite de l’appel à l’aide lancé par des centaines de milliers d’enseignants et d’employés d’institutions scolaires publiques et privées ; une mesure qui n’a pas été appliquée depuis les années 1980.
« Nous exigeons que des produits essentiels soient vendus à des prix subventionnés aux quelque 800 000 enseignants et agents employés dans plus de 30 000 établissements secondaires, universités et "madrasas" (écoles coraniques) privés du pays », a indiqué Quazi Farouk Ahmed, coordinateur du National Front of Teachers and Employees.
En attendant, M. Barakat a proposé que du riz soit distribué gratuitement aux populations extrêmement pauvres qui n’ont pas les moyens de s’acheter des vivres en raison de leur coût élevé, estimant le nombre des personnes concernées (celles qui vivent avec moins d’un dollar par jour) à environ 20 millions.
Le coût élevé de la vie et le chômage ont plongé ce pays pauvre dans une situation extrême, a-t-il affirmé.
« Environ la moitié de la population passe des jours sans manger correctement ou sans manger du tout », a expliqué M. Barakat, critiquant l’économie du libre-échange pour son indifférence vis-à-vis des pauvres et alléguant que des négociants cupides réussissaient à manipuler les prix.
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