Malgré la série de typhons qui, à partir de septembre 2006, s’étaient abattus pendant plusieurs semaines sur le pays, personne ne pouvait imaginer que le typhon Reming (Durian) frapperait aussi durement la province d’Albay, dans l’est des Philippines, le 30 novembre 2006.
Les populations les plus touchées étaient celles qui vivaient sur les flancs ou près du volcan du Mont Mayon, qui surplombe Legazpi, la capitale de la province.
« J’ai d’abord vu l’éclair, entendu le tonnerre gronder et un bruit qui ressemblait à une explosion », a confié à IRIN Nenita Balatinsayo de Padang, dans la ville de Legazpi. « C’était le glissement de terrain ; de l’eau, de la boue et des pierres me recouvraient les jambes et envahissaient toute la maison », a-t-elle raconté.
« Je suis montée sur le toit et y suis restée pendant cinq heures ». « Tout le temps, s’est-elle souvenue, j’entendais les pleurs et les cris de personnes ensevelies et emportées par les coulées de boue ». Plus de 100 personnes sont mortes dans les maisons voisines. La coulée de boue avait déversé des débris et des blocs de pierres volcaniques noirs sur des villages entiers, faisant plus d’un millier de morts et quelque 13 000 familles déplacées.
Abundio Nuñez Jr., responsable des opérations aux services de Gestion et de sécurité publiques de la province d’Albay, a indiqué à IRIN que les maisons, les cultures, le bétail et le secteur de la pêche avaient subi des dégâts très importants. Dix-huit mois plus tard, les habitants dont les maisons et les champs ont été emportés par les coulées de boue ont du mal à reconstruire leur vie.
Photo: Manoocher Deghati/IRIN |
Des terres et maisons détruites par le cyclone dans le village de Padang, près de Legazpi, une ville de la province d'Albay, aux Philippines. Les coulées de boue provoquées par le typhon Reming en novembre 2006 y ont fait plus de 100 morts |
Nous avons gagné en sécurité, mais nous avons perdu nos moyens de subsistance et sommes plus isolés, a indiqué Maria Victoria Maida. Sur le site de réinstallation de Taisan, situé en altitude à quelque 13 kilomètres de Legazpi, Mme Maida (que ses voisins appellent affectueusement « Grande Mama ») est la responsable du camp où vit un groupe de quelque 317 familles.
Les déplacés construisent leurs propres maisons
Au début, lorsque nous sommes arrivés ici, nous avons vécu pendant cinq mois dans des logements provisoires, mais actuellement au moins 267 familles vivent dans des habitations permanentes, fournies par le gouvernement provincial et national avec l’aide des agences des Nations Unies et des organisations humanitaires, a-t-elle indiqué. Les habitants eux-mêmes ont largement contribué à la construction de ces maisons – et ont été payés en nourriture, dans le cadre des projets nourriture contre travail du Programme alimentaire mondial (PAM).
Dans un autre camp, le camp de réinstallation d’Amore, Daniel Reola, président du comité des habitants, a indiqué à IRIN que 131 familles de Barangay Tagas et de Barangay Bañag s’étaient d’abord installées dans des tentes, jusqu’à ce que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) les aide à construire des logements provisoires grâce aux projets nourriture contre travail du PAM.
Photo: Manoocher Deghati/IRIN |
Nenita Balatinsayo du village de Padang, près de la ville de Legazpi, est montée sur le toit de sa maison pendant les coulées de boue et y est restée pendant des cinq heures. «J’entendais les pleurs et les cris de personnes ensevelies et emportées par les coulées de boue », s'est-elle souvenue. |
Dans le cadre de ce projet de construction, l’ONG Operation Compassion fournira le matériel. Les déplacés exécuteront les travaux de construction (avec l’aide de 20 ouvriers qualifiés) et seront payés en nourriture par le département des Affaires sociales et du développement.
Malheureusement, les travaux avancent lentement. Chaque habitation permanente sera un duplex, que partageront deux familles. Jusqu’à présent, seules deux de ces habitations sont en cours de construction. Vingt-cinq autres devraient être achevées d’ici octobre 2008. À ce rythme, il faudra attendre 2009 pour que tous les déplacés aient une habitation permanente. Une fiche d’informations fournie par le gouvernement provincial montre à quel point il est difficile de reloger des communautés aussi nombreuses. Au 31 janvier 2008, la construction des logements de 2 178 familles n’avait toujours pas démarré.
Manque de nourriture
Alors que les dernières distributions de vivres remontent à décembre 2007 pour la majorité des familles (à l’exception de celles qui bénéficient du programme nourriture contre travail), les familles déplacées des trois camps visités par IRIN se plaignent toutes du manque de nourriture.
« Nous faisons trois repas par jour, mais pas trois repas complets, et nous faisons en sorte que les enfants en aient le plus », a expliqué à IRIN Beverly Rañada du camp d’Anislag. « Il y a moins de riz, moins de légumes et moins de nourriture, mais les prix continuent de grimper ».
« J’ai 12 enfants et nous ne faisons pas trois repas par jour, mais deux seulement », a ajouté Mme Maida.
Des coûts de transport et d’électricité trop élevés
Comme dans les autres camps, bon nombre de déplacés du camp d’Anislag retournent chercher du travail dans leurs anciennes communautés. S’il est vrai qu’ils peuvent gagner 100 ou 200 pesos par jour, lorsqu’ils parviennent à trouver un emploi, avec le prix élevé des transports, qui peuvent leur coûter jusqu’à 36 pesos, il ne leur reste plus suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins de leurs familles.
« Chaque jour, nous pensons à la manière dont nous allons nous en sortir le lendemain », a affirmé Mme Rañada. « Lorsqu’il y a une averse et que le tonnerre gronde, nos enfants ont encore peur, ils pleurent et se bouchent les oreilles ».
Des petits projets de subsistance commencent à voir le jour. « COPE, un organisme d’aide aux communautés urbaines pauvres, nous aide à trouver un emploi et nous donne un capital de 3 000 à 5 000 pesos pour ouvrir une boutique “sari sari” [petite boutique] », a expliqué Mme Maida. Elle espère monter un petit commerce de vente de riz à proximité de sa maison. Même le bureau provincial de l’agriculture s’est mis à distribuer des semences, mais les surfaces cultivables disponibles sont limitées.
Bien que le gouvernement se félicite du fait que l’électricité ait été installée dans les maisons, cela présente toutefois un inconvénient.
« Oui, nous avons l’électricité ici, mais cela coûte 1 800 pesos (45 dollars américains) par mois pour six familles, soit environ 300 pesos par famille […] ce qui est hors de notre portée », a expliqué Mme Rañada à IRIN. « Nous aurions préféré qu’il la coupe ».
Dans ces communautés en attente de réinstallation, la plupart des habitants partagent le même sentiment que Daniel Reola : « Les moyens de subsistance sont le principal problème, ici », a-t-il confié à IRIN. « Au stade où nous en sommes, ils sont plus importants qu’une habitation permanente, parce qu’ils permettent aux gens de s’en sortir et de subvenir à leurs besoins vitaux ».
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