Albertine Madwan, veuve et mère de cinq enfants, fait partie des centaines de milliers de personnes déplacées confrontées à un retour souvent difficile en Ituri, une région du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), ravagée par les affrontements interethniques qui ont eu lieu ces dernières années.
Après trois programmes lancés successivement pour désarmer et démobiliser une pléthore de milices actives dans la région, la situation de sécurité s’est beaucoup améliorée en Ituri et les organisations humanitaires sont désormais en phase de « redressement » : elles aident à la reconstruction des habitations, des écoles et des centres de santé, et fournissent des semences, de l’engrais et d’autres intrants aux agriculteurs.
Albertine Madwan et d’autres, qui comme elle, ont quitté la province du Sud-Kivu pour retourner en Ituri cette année, ont pourtant d’autres besoins, plus immédiats.
« Depuis que nous sommes rentrés, la faim est notre plus redoutable ennemi, étant donné que la plupart d’entre nous n’ont aucun moyen de subvenir à leurs propres besoins », a-t-elle dit. « Nous sommes reconnaissants envers les Nations Unies et les autres, qui nous ont aidés à retourner chez nous, mais nous nous inquiétons du peu de vivres disponibles ».
« Je vis seule avec mes enfants, comme si nous étions abandonnés. Pour construire nos maisons, nous devons transporter de lourdes bûches et du bois, le ventre creux ; nous devons supporter cela en parcourant de longues distances pour aller chercher le bois », a indiqué Albertine Madwan, qui subvient aux besoins de sa famille en vendant de l’alcool fait maison.
Programmes d’aide aux moyens de subsistance
Albertine Madwan compte parmi les nombreux bénéficiaires du programme de réinsertion des Nations Unies, mis en place par l’Adventist Development and Relief Agency (ADRA), qui aide les déplacés rapatriés à reconstruire leurs logements, ainsi que leurs vies, en soutenant les activités rémunératrices, telles que la charpenterie, la couture et le petit commerce.
Photo: Jane Some/IRIN |
Albertine Madwan est retournée en Ituri |
M. Basho a expliqué que l’organisation ciblait son aide aux activités rémunératrices sur des groupes de 10 personnes, composés à la fois de rapatriés et de personnes n’ayant jamais quitté l’Ituri.
« La réconciliation est un domaine dans lequel l’ADRA s’est investie ; nous entreprenons des activités visant à réconcilier diverses communautés, car on ne pourra instaurer de paix durable que si les communautés acceptent de vivre en harmonie », a estimé M. Basho. « En Ituri, nous sommes maintenant en phase d’après-guerre et nous tentons d’entreprendre des activités qui consolideront la paix ».
Entre 1999 et 2003, les tensions de longue date sur les questions des terres, des ressources et autres problèmes politiques en Ituri avaient provoqué une guerre intercommunautaire complexe qui avait fait quelque 50 000 morts et des milliers de déplacés. Aujourd’hui, pourtant, selon certains analystes, le retour des déplacés présente des risques en soi.
Pressions foncières
« Dans bien des cas, leurs terres ont été occupées après leur départ et leur retour risque de provoquer de nouveaux troubles », selon un rapport sur l’Ituri, publié en mai par l’International Crisis Group.
« Un grand nombre de déplacés s’installent sur les terres évacuées par les réfugiés ou les déplacés d’autres communautés, qui risquent de vouloir [les] récupérer par la suite », peut-on lire dans le rapport.
De telles questions sont sources de tensions dans les cinq territoires qui composent l’Ituri, et dans certains cas, elles donnent lieu à une résistance ouverte au retour des déplacés, toujours selon le rapport.
Ces retours engendrent une augmentation de la densité de population dans certaines régions, ce qui aboutit à « la rareté des ressources disponibles pour l’agriculture et la dépaissance », peut-on également lire dans le rapport.
Photo: Jane Some/IRIN |
Marabo, à 45 kilomètres de Bunia, en Ituri |
Préoccupations sanitaires
Selon Idrissa Conteh, chargé de communication au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) à Bunia, la première ville d’Ituri, l’accès physique est un autre problème.
« Les ponts ont été détruits au cours des affrontements, certaines routes sont impraticables, et cela perturbe l’acheminement de l’aide humanitaire, surtout vers les zones reculées de la région », a-t-il expliqué.
Le choléra, la méningite et la peste bubonique sont également au cœur des préoccupations liées à la santé en Ituri, a ajouté M. Conteh. « Plusieurs villages situés le long des rives du lac Albert sont des zones où le choléra est endémique, et ces zones continuent de poser des problèmes ».
Selon M. Conteh, des cas de peste ont été signalés dans les territoires de Djugu, Mahagi et Irumu.
« Jusqu’ici, la maladie a été signalée pour la dernière fois dans la région de Fataki, non loin de Bunia, où 74 personnes ont été infectées et trois sont mortes », a-t-il déclaré. « Toutefois, des mesures ont été prises pour contenir la maladie : le ministère de la Santé, l’OMS [Organisation mondiale de la santé], MSF [Médecins sans frontières] et d’autres ont déployé des équipes médicales dans les régions touchées ».
Autre difficulté : les catastrophes naturelles (la sécheresse, les inondations ou les averses de grêle), qui ont de lourdes conséquences sur le secteur agricole de la région et perturbent par là même la sécurité alimentaire.
Pour OCHA, a noté M. Conteh, une préoccupation subsiste : la crainte qu’à l’issue des élections présidentielles et législatives d’il y a deux ans, l’intérêt porté par la communauté internationale ne s’émousse et que les difficultés humanitaires énormes auxquelles l’Ituri reste confronté ne tombent dans l’oubli.
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