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Etat des lieux du plan "Jaxaay", après les inondations de 2005

Quand les inondations du mois d’août 2005 ont rendu inhabitables certaines banlieues défavorisées de Dakar, le programme de construction de logements sociaux, envisagé depuis longtemps par le gouvernement pour loger décemment chaque famille sénégalaise, est subitement devenu une urgence nationale.

Avec plus de 20 000 personnes soudainement mises à la rue, le gouvernement a annoncé un plan d’urgence d’un montant de 52 milliards de francs CFA (104 millions de dollars américains) pour la construction de 4000 logements modernes pourvus d’électricité et d’eau courante.

« J’ai décidé de mettre en place un plan spécial que je vous propose d'appeler ‘le plan Jaxaay’ - ce qui veut dire aigle en wolof - l'oiseau qui vole le plus haut », a déclaré le Président sénégalais Abdoulaye Wade, en précisant que « ce concept de l'aigle, qui symbolise la hauteur, suggère que les populations, désormais, s'installeront sur des sites élevés et non plus dans les bas-fonds, réceptacles naturels des eaux.»

Mais plus d’un an après l’annonce du Président, les terrains situés à la périphérie de Dakar pour la construction des habitations du plan Jaxaay sont encore de vastes chantiers inachevés. Pendant ce temps, des milliers de victimes vivent toujours sous les tentes des camps de sinistrés.

Peu de choses ont changé

La vie dans ces camps est aussi pénible que dans les quartiers situés dans les bas-fonds. En août 2006, au plus fort de la saison des pluies, les tentes usées et déchirées laissaient entrer la pluie.

« Nous devons mettre des seaux partout », explique Coumba Diop, 60 ans, en montrant du doigt les larges trous de la tente qu’elle habite avec quatre autres adultes et sept enfants. « Dans la journée, la température sous la tente est insoutenable, c’est pire qu’un four », ajoute-t-elle.

L’armée fournit bien certains services aux camps dont elle a la gestion, mais ces services sont bien trop insuffisants, explique le Major Aljouma Yade, responsable de l’infirmerie desservant les deux sites de Yeumbeul qui abritent plus de 6000 sinistrés. « La situation sanitaire est précaire et il y a beaucoup de maladies diarrhéiques. »

Le paludisme est également un sérieux problème et l’année dernière il y a eu des cas de cholera dans les camps, a-t-il ajouté. Sur le site de Ganar, où 500 personnes sont hébergées, les habitants doivent partager six toilettes et six douches. A ces difficultés s’ajoutent le problème d’insalubrité aux abords des camps, puisque les ordures s’amoncellent ne sont pratiquement jamais ramassées.

Et à brève échéance, rien ne semble laisser entrevoir un changement dans la situation des sinistrés.

« La situation est très difficile ici et personne ne sait combien de temps il faudra encore pour que nous soyons relogés à Jaxaay. Nous n’avons aucun interlocuteur direct et nous n’avons pas d’information », explique Seydou Diop, le porte-parole du collectif des sinistrés.

Un début timide

Les délais de construction ont changé pour tenir compte des retards dans l’exécution des travaux. En octobre 2005, le ministre de l'Urbanisme et de l'Aménagement du territoire, Assane Diagne, avait promis que la construction des logements du plan Jaxaay serait achevée avant la prochaine saison des pluies.

Citant le Président de la République, l’agence de presse de l’Etat expliquait alors que M. Wade demanderait à l’Assemblée nationale de reporter les élections législatives de 2006 en 2007, afin de financer en partie le plan Jaxaay avec les sommes allouées initialement à l’organisation du scrutin.

« Quand les inondations ont frappé, l’Etat n’avait pas les fonds pour répondre à cette urgence et nous avons dû prévoir les dépenses sur le budget à venir », a indiqué M. Farba Senghor le co-président du Secrétariat de la Commission nationale du Plan Jaxaay et actuel ministre de l’Agriculture, des Biocarburants et le Sécurité alimentaire. Les constructions n’ont donc pas pu débuter avant le mois de mars, a-t-il ajouté.

Depuis, quelques centaines d’unités de logement ont été construites et en septembre 2006, les premières familles ont commencé à emménager.

Mais eux aussi ont dû faire face à certaines difficultés. En effet, Demba Saer Seck vit avec une trentaine de membres de sa famille dans une maison de deux chambres bien trop petite pour contenir tout ce monde. Les matelas sont entassés partout, y compris dans la cuisine et le jardin.

« Je ne veux pas me plaindre, mais, sincèrement, c’est trop petit ici », avoue M. Seck.

Il aimerait bien construire quelques pièces supplémentaires, mais les autorités s’y opposeront, du moins tant qu’il n’aura pas fini de payer les traites de la maison. « Mais cette maison me revient cher et je vois mal comment je pourrai tout payer », explique-t-il.

Bien peu d’alternatives pour les sinistrés

Les associations d’aide aux sinistrés des inondations sont inquiètes et savent que beaucoup de familles ne seront en mesure de payer les sommes exigées pour emménager dans les nouvelles maisons. L’Etat a pris en charge 65 pour cent du coût de la construction des logements du plan Jaxaay, mais les nouveaux résidents devront verser une contribution d’environ 4 millions de francs CFA (8 030 dollars américains) payable sur une période de 20 ans.

Avant les inondations, M. Seck habitait avec sa famille dans une grande maison de deux étages et de dix chambres dans la banlieue de Guediawaye.

« Cette maison ne vaut plus rien maintenant », a-t-il confié.
Mais M. Seck et les autres résidents des nouveaux logements peuvent tout de même s’estimer heureux, a expliqué Abdou Karim Fall, assistant de programme à Enda Ecopole, une ONG qui a porté assistance aux victimes des inondations pendant la phase d’urgence.

Les conditions de vie des milliers de personnes vivant encore dans les camps sont déplorables. Plusieurs d’entre elles sont parties rejoindre le domicile de parents proches à Dakar ou sont retournées au village.

« Ceux qui restent dans les camps sont les plus démunis et il faut admettre qu’ils n’ont d’autre choix que d’être là et d’attendre », a-t-il expliqué.

Assise dans sa tente, Coumba Diop dit qu’elle ne peut que prier et attendre.

« J’ai toujours espoir qu’un jour on viendra me chercher pour m’amener à Jaxaay. Le Président de la République nous l’a promis, mais je commence à me faire vieille ».

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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