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Vers la sécurité et la bonne gouvernance en Libye

The streets of Sirte were the most heavily damaged after a nine-month war between rebels and troops loyal to former Libyan leader Muammar Qaddafi Heba Aly/IRIN

Des impacts de balles sur les murs de l'aéroport aux affiches de martyrs de la révolution en passant par les milliers de drapeaux flottant au-dessus des bâtiments, les rappels du Printemps arabe et de la fin violente du colonel Mouammar Kadhafi après 42 ans de règne sont visibles partout en Libye.

Les graffitis témoignent - dans certains quartiers du moins - d'une fierté nationale retrouvée. On peut lire des affirmations comme : « Nous sommes fiers d'être Libyens ». Mais le conflit a aussi créé des attentes élevées : les habitants espèrent en effet que la reconstruction et la renaissance du pays entraîneront une amélioration rapide des conditions de vie des personnes ordinaires.

« Les attentes sont très élevées. Certaines personnes disent que le gouvernement n'a rien fait alors que, en réalité, il a travaillé très fort pour améliorer la sécurité. Mais ce n'est pas tout le monde qui en est conscient », a dit à IRIN Essam Garbaa, haut fonctionnaire auprès du ministère de la Planification.

« Les gens ne sont pas raisonnables. Nous avons besoin de temps pour nous organiser », a-t-il ajouté.

Si elle a connu l'une des plus violentes révolutions du Printemps arabe, la Libye n'a pas encore été témoin, deux ans après le début de la vague de protestations, de manifestations telles que celles que nous avons vues au cours des dernières semaines en Égypte et en Tunisie voisines.

Cela ne signifie pas pour autant que la paix actuelle est sûre, et plusieurs problèmes humanitaires ne sont pas encore résolus.

Soixante mille personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (PDIP) attendent de pouvoir rentrer chez elles, des milliers de personnes sont toujours détenues dans des prisons qui échappent au contrôle du gouvernement et de nombreux Libyens vivant dans les déserts du sud du pays n'ont pas accès aux services essentiels.

La principale phase des opérations humanitaires s'est achevée à la fin 2011. Des organisations telles que le Programme alimentaire mondial (PAM), des organismes donateurs comme l'Office d'aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) et des organisations non gouvernementales (ONG) internationales comme Save the Children se sont retirées.

Elles ont laissé derrière eux un pays qui continue de faire face à des problèmes humanitaires, dont plusieurs liés au contexte post-conflit, mais qui a le potentiel nécessaire pour s'en sortir par lui-même.

« La situation humanitaire ne requiert pas le soutien logistique humanitaire habituel », a dit Georg Charpentier, coordonnateur résident et représentant spécial adjoint des Nations Unies pour la Libye.

« Combinaison toxique »

Dans le contexte actuel - qui combine les attentes élevées de la population, l'inexpérience du gouvernement et la présence de dizaines de milliers de combattants armés dans les rues -, la priorité des Nations Unies et des bailleurs de fonds est de soutenir le processus de transition afin d'éviter un nouvel effondrement de la loi et de l'ordre.

« Aujourd'hui, la plupart des Libyens possèdent des armes, et nous envisageons de nous attaquer à ces défis très bientôt. La majorité d'entre eux veulent retrouver un pays paisible, bien organisé - ils souhaitent un retour à la stabilité », a dit M. Garbaa.

Le retour au niveau de production pétrolière d'avant le conflit - soit environ 1,5 million de barils par jour - signifie qu'il y a suffisamment d'argent pour les six millions d'habitants du pays. Mais cela met également de la pression sur les autorités.

« Nous avons très peu de temps devant nous », a dit à IRIN Carel de Rooy, du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). « Cette combinaison d'attentes très élevées, de ressources financières importantes et d'institutions qui n'ont pas l'expérience nécessaire pour apporter des résultats rapides est toxique et dangereuse, et le temps n'est pas un luxe sur lequel il faut compter. »

Le rôle de LibAid

Le renforcement des capacités dans le secteur humanitaire s'est surtout fait par l'intermédiaire de LibAid, une agence mise sur pied en 2006, quand Kadhafi était toujours au pouvoir, et gérée comme un organisme humanitaire gouvernemental semi-autonome.

Avec le soutien des Nations Unies, LibAid gère la principale base de données sur les PDIP et distribue des vivres aux 10 000 familles de PDIP.

« La Libye est un pays très riche, mais nous devons travailler à renforcer les capacités. Nous avons besoin d'expertise et de conseils sur la façon de reconstruire. Nous avons suffisamment de ressources, mais nous avons besoin d'un soutien international en matière de développement des capacités. Nous pouvons aussi partager nos expériences », a dit Mohamed Al Sweii, conseiller en matière de coordination et de coopération internationale auprès de LibAid.

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) dispose toujours d'une petite équipe sur le terrain même s'il n'a pas conclu d'accord formel avec le gouvernement.

Le mois dernier, l'organisation a distribué des fournitures pour l'hiver, notamment des couvertures, des kits d'hygiène, des bâches de plastique et des chaussures, dans les centres de détention de Sabratha et de Surman, ainsi que dans des centres situés dans le sud du pays.

Le HCR continue de surveiller les conditions dans les camps de PDIP. Malgré le travail de LibAid, l'agence des Nations Unies devra rester plus longtemps que ce qu'elle avait prévu au départ.

« Je pensais que nous pourrions nous retirer beaucoup plus rapidement. Nous avions d'abord pensé à mettre un terme à nos opérations en juin 2012, puis à nous désengager progressivement entre juillet et décembre. Nous sommes en train de nous réajuster », a dit le chef de mission Emmanuel Gignac.

« Les problèmes ne sont pas réglés et il faudra plus de temps. Nous pensions que la Libye, un pays producteur de pétrole - un pays riche, en d'autres mots -, serait capable de se relever et de reprendre le contrôle très rapidement et n'aurait pas besoin de beaucoup de soutien. Pourquoi le pays en aurait-il besoin avec tout l'argent qu'il a ? Nous avons cependant pris conscience que ce n'était pas le cas. »

DDR

L'argent peut certainement contribuer à éviter de retomber dans la violence - le principal danger qui guette les pays qui sortent d'un conflit. Le gouvernement a en effet les moyens de payer les divers groupes de combattants qui ont aidé à renverser Kadhafi.

L'insécurité demeure malgré tout une préoccupation dans de nombreuses régions du pays. En février, les milices ont recommencé à bloquer des rues à Tripoli. On entend encore régulièrement des coups de feu, mais, dans de nombreux cas, il est fort possible que ce ne soit que des tirs de joie.

« Nous avons très peu de temps devant nous », Carel de Rooy, du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF)

En février, une conférence internationale rassemblant des hauts fonctionnaires d'environ 10 pays incluant la France, l'Allemagne, les États-Unis, le Qatar et la Turquie, des représentants d'organisations comme l'Union européenne, les Nations Unies, la Ligue arabe et l'Union africaine et des responsables du gouvernement libyen a été organisée à Paris. La sécurité et la justice étaient les principaux points à l'ordre du jour. « Ce sont les deux domaines dans lesquels il faut vraiment mettre de côté l'état d'esprit révolutionnaire pour chercher à construire de nouvelles institutions et à aller de l'avant », a dit M. Charpentier.

S'il faut encore procéder à une réorganisation généralisée des milices, les bailleurs de fonds accordent déjà une importance accrue à la réintégration et à la mobilisation.

« Je pense que la communauté internationale a compris l'importance d'intégrer les anciens combattants dans toute situation post-conflit afin d'éviter l'impact négatif de la présence de milices et de groupes paramilitaires. Nous ferons notre possible pour contribuer à ce processus », a dit à IRIN Peter Stano, porte-parole de Stefan Füle, commissaire européen à l'élargissement et à la politique européenne de voisinage.

Cette année, la Commission européenne a débloqué 25 millions d'euros pour soutenir la transition démocratique, renforcer l'État de droit et améliorer la sécurité, l'éducation et les soins de santé en Libye. Le programme inclut un volet consacré à la formation professionnelle qui a pour but de réduire le chômage des jeunes et de faciliter l'intégration des anciens combattants.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) gère pour sa part des programmes destinés aux officiers, incluant les anciens révolutionnaires, et axés sur l'importance du droit humanitaire international (DHI).

Au cours des douze derniers mois, plusieurs incidents liés à l'insécurité ont eu lieu, provoquant des augmentations temporaires du nombre de PDIP. Il y a notamment eu une recrudescence des combats près de la ville de Bani Walid en octobre.

Les organisations d'aide humanitaire croient que d'autres incidents pourraient survenir, en particulier d'ici à ce que des projets de réconciliation et de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) de grande envergure soient mis en oeuvre.

Si les projets dans ces domaines peuvent être difficiles à mettre en place pour les organisations internationales, certains programmes de moindre ampleur ont déjà été mis en place pour améliorer les relations entre les communautés.

Le HCR et Mercy Corps ont notamment organisé des formations sur les techniques de négociation pour les leaders des communautés de PDIP « afin de leur donner les compétences et les outils nécessaires pour discuter. Ces ateliers ont par ailleurs offert aux différentes parties impliquées l'occasion de se côtoyer dans un endroit neutre et dans un contexte d'apprentissage », a dit M. Gignac.

Améliorer la gouvernance

« Les principaux risques auxquels nous sommes confrontés sont liés à la sécurité et au contexte post-conflit, mais aussi à la faiblesse de l'administration héritée de l'ère Kadhafi et à l'absence de culture de secteur public gérant l'État dans l'intérêt de ses citoyens », a dit M. Stano.

La communauté humanitaire estime que la mise en place d'un gouvernement efficace, préparé et doté des ressources nécessaires pour améliorer les conditions de vie de ses citoyens est le principal défi à surmonter et la clé d'une paix durable.

« La révolution a amené de nombreux défis. Aucune des personnes haut placées au gouvernement n'a d'expérience de la gouvernance à ce niveau, même si elles sont hautement qualifiées. Il n'y avait auparavant que Kadhafi et son cercle rapproché. C'est la même chose en Tunisie et en Égypte : les nouveaux ministres n'ont pas d'expérience à ce niveau », a dit M. Garbaa, du ministère de la Planification.

Le gouvernement s'est montré ouvert face à la possibilité de bénéficier d'un soutien technique extérieur, à condition que l'expertise fournie soit adaptée au contexte.

« Si on nous offre le soutien d'experts de haut niveau qui maîtrisent l'arabe, cela pourrait avoir un impact important. La situation a considérablement évolué : nous sommes passés d'un ensemble d'interventions humanitaires à un programme axé sur le développement, un travail qui se fait beaucoup plus en amont », a dit M. de Rooy, de l'UNICEF.

« Ceux qui sont ici, c'est-à-dire les membres de la communauté internationale qui sont présents dans le pays, ont très bien compris cela. Je ne suis cependant pas certain que les donateurs, la communauté de bailleurs de fonds ou même le personnel de nos propres organisations [qui n'est pas sur le terrain] comprennent réellement que ce dont le pays a réellement besoin à court et moyen terme, c'est d'une assistance technique de haut niveau lui permettant de répondre aux défis spécifiques auxquels il est confronté et d'obtenir rapidement des résultats tangibles. »

jj/cb-gd/amz
 


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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