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La fragilisation du gouvernement de coalition menace la stabilité du pays

Des fractures de plus en plus profondes au sein du gouvernement de coalition kényan et la non-exécution des réformes promises font craindre une résurgence des violences qui ont coûté à la vie à plus de 1 000 personnes et contraint un demi-million d’habitants environ à quitter leur foyer après les élections de décembre 2007.

« Les Kényans sont non seulement de plus en plus divisés, mais également frustrés et furieux de voir les hommes politiques jouer à la roulette russe avec leur avenir ; la colère contenue éclatera avec une férocité volcanique », a dit à IRIN Wafula Okumu, principal chargé de recherche du Programme d’analyse de la sécurité africaine mené par l’Institut sud-africain des études sur la sécurité (ISS).

« Il est vrai que la coalition est actuellement sous pression, ce qui n’est pas sans inquiéter les membres de la communauté humanitaire que nous sommes », a déclaré à IRIN Aeneas Chuma, coordinateur résident et coordinateur humanitaire de l’ONU au Kenya le 6 avril.

« Je nourris l’espoir que les dirigeants [nationaux] reconnaissent que la coalition, aussi imparfaite soit-elle, est un précieux instrument pour mettre en œuvre le programme de réformes nécessaire ; ce n’est pas une fin en soi ».

M. Chuma s’est exprimé le jour où Martha Karua, qui comptait auparavant parmi les principaux alliés du président Mwai Kibaki, a démissionné de son poste de ministre de la Justice et des Affaires constitutionnelles après la nomination de sept juges par le chef d’Etat, à son insu.

Mme Karua, qui prévoit de briguer la présidence en 2012, n’a pas montré d’intention de quitter la scène politique : « Je pourrai désormais être en total désaccord avec tout ce qui va à l’encontre des réformes ».

Des réformes du système judiciaire figuraient dans la série de réformes approuvées par M. Kibaki et son adversaire électoral, Raila Odinga, au cours des discussions de médiation dirigées par l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, en 2008.

President of Kenya, Mwai Kibaki, shakes hands with opposition leader Raila Odinga during peace talks in Nairobi, Kenya,  January 2008. Peace talks have been ongoing, led by former UN  Secretary-General  Kofi Annan.
Photo: Boniface Mwangi/IRIN
Le président kényan Mwai Kibaki, le leader de l'opposition Raila Odinga, et le médiateur Kofi Annan, ancien Secrétaire général des Nations Unies, durant les pourparlers de paix début 2008
Dans l’intervalle, M. Odinga, Premier ministre du gouvernement de coalition, dont la formation a été pilotée par M. Annan, se montre de plus en plus critique à l’égard du chef d’Etat, qualifiant son leadership de « primitif ».

Le départ du gouvernement de l’adjoint d’un ministre le 7 avril – dans un pays où, en principe, les démissions ne sont pas monnaie courante – a porté un nouveau coup à la stabilité de la coalition. Danson Mungatana a quitté son poste en affirmant que la corruption et les forces anti-réformes décourageaient les personnes déterminées à faire changer les choses.

La perspective d’un effondrement du partenariat est d’autant plus alarmante que les ONG signalent que plusieurs dirigeants politiques, notamment les représentants des circonscriptions de la Rift Valley, qui ont été les plus touchées par les violences de l’année dernière, ont armé et formé des unités de milice.

D’après M. Chuma, les Nations Unies travaillent aux côtés du gouvernement pour déterminer l’ampleur de ce phénomène.

« Un comité réunissant trois membres du gouvernement et deux membres des Nations Unies a d’ores et déjà été constitué afin d’étudier la faisabilité de mesures ayant pour finalité de résoudre le problème des milices », a-t-il expliqué. « Nous espérons qu’une rapide évaluation visant à déterminer l’ampleur des activités des milices dans le pays s’ensuivra ».

A la croisée des chemins

« Le Kenya est à la croisée des chemins », a déclaré M. Annan lors d’une réunion tenue à Genève le 30 mars afin d’examiner les progrès réalisés depuis la signature d’un accord national en février 2008. « Il est désormais temps d’agir », a-t-il ajouté. Ni M. Kibaki ni M. Odinga n’ont fait le déplacement jusqu’en Suisse à l’occasion de la réunion.

« Il existe un consensus quant à ce qui doit être fait. Les parties se sont déjà entendues sur la création d’une société plus équitable, plus prospère et plus juste. Ce projet figure dans le train de réformes approuvé dans le cadre du dialogue national », a ajouté M. Annan.

Il est prévu, dans cette série de réformes, d’opérer des changements constitutionnels, juridiques et institutionnels ; de lutter contre la pauvreté, l’inégalité et les écarts de développement ; de lutter contre le chômage, notamment chez les jeunes ; de consolider la cohésion et l’unité nationales ; de mettre en œuvre une réforme agraire ; et de s’intéresser aux questions liées à la transparence, la responsabilité et l’impunité.

One of the local bus companies is set a blaze by demonstrators who are against the ruling government in  Mathare, Kenya, January 2008. Post election violence has erupted in Kenya following the announcement of the poll results by the Electoral Commission n
Photo: Julius Mwelu/IRIN
Les violences post-électorales au Kenya début 2008 ont provoqué la mort de plus d'un millier de personnes et forcé des centaines de milliers à fuir
M. Annan a souligné que la situation du Kenya avait des implications bien au-delà de ses frontières.

« La politisation de l’ethnicité, le non-respect de l’Etat de droit, la corruption et l’abus de pouvoir, et le développement inégalitaire sont observés dans d’autres régions d’Afrique et du monde… Je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles la communauté internationale fait preuve de tant de vigilance quant à la façon dont le Kenya fait face à ces problèmes ».

D’après M. Okumu, de l’ISS, ces questions « ont échappé à l’écran radar ».

« La démocratisation, la paix et la justice futures dépendront de l’importance que revêtiront les valeurs de compréhension, de confiance et de respect mutuels dans la nation kényane. Un dialogue national doit être ouvert pour discuter ouvertement des questions de griefs historiques, d’ethnophobie, de tribalisme, et de nationalisme », estime M. Okumu.

« De nouvelles élections doivent être organisées d’ici un an afin de placer à la tête du pays un gouvernement bénéficiant d’un mandat et d’une légitimité populaires pour entreprendre la construction de la nation », a suggéré M. Okumu.

« A ce stade décisif, dans le contexte de la crise financière mondiale actuelle, le Kenya a besoin d’un gouvernement visionnaire, engagé, discipliné et dévoué envers son peuple, et non pas d’un gouvernement qui survit sur le dos d’une population en souffrance », a-t-il affirmé.

M. Chuma, des Nations Unies, a par ailleurs fait remarquer qu’il restait beaucoup de travail à accomplir. « La plus grande réalisation de 2008 a bien entendu été la fin de la violence, mais ce seul succès ne suffit pas ; sans des réformes approfondies, nous risquons de perdre notre élan ».

« Nous espérons que la réunion tenue à Genève aura rappelé combien il est urgent d’amener les hommes politiques à rechercher le bien de tous et répondre aux espoirs et aspirations des Kényans », a-t-il ajouté.

Comme l’a lui même fait remarquer M. Annan à Genève, « le citoyen [kényan] lambda comprend difficilement pourquoi les changements, dont certains sont particulièrement essentiels, ne sont pas opérés plus rapidement ».

Alice Wambui, âgée de 38 ans et mère de trois enfants, habite à Kibera, le plus vaste bidonville de Nairobi. « Cette coalition n’a pas répondu à mes attentes ; aucune des promesses qu’ils nous ont faites n’a été tenue : le prix de la farine de maïs est toujours élevé, mon étal a été pillé puis détruit au cours du chaos électoral, et je n’ai donc plus aucun moyen de subsistance fiable. Aujourd’hui, je dois me battre pour occuper des postes temporaires afin de nourrir ma famille ».

Joseph Wanyama, âgé de 40 ans, qui travaille comme gardien, a dit à IRIN : « Les hommes politiques m’ont déçu ; ils ont fait des promesses qu’ils se sont empressés d’oublier dès qu’ils ont commencé à gagner leurs salaires pharaoniques. Regardez-moi, je marche environ 10 km par jour pour aller travailler, le prix de la farine de maïs n’a pas baissé, je peux à peine laisser mes enfants à l’école, sans parler de les nourrir, et pourtant mon salaire n’a pas changé depuis les violences ; nos dirigeants doivent avoir un moyen de nous aider ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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