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La Bulgarie en première ligne de l’accueil des migrants dans l’UE

Near Lesovo, Bulgaria, a sign marks the area near the border with Turkey which in recent months has seen a marked increase in the number of migrants and asylum seekers crossing into the EU Jodi Hilton/IRIN
Near Lesovo, Bulgaria, a sign marks the area near the border with Turkey which in recent months has seen a marked increase in the number of migrants and asylum seekers crossing into the EU
Le soleil se couche sur le village frontalier de Golyam Dervent, en Bulgarie. Trois habitants se sont retrouvés pour boire une bière devant un petit magasin. Les façades des maisons en stuc blanc et aux toits de tuiles en terre cuite – dont beaucoup ont été abandonnées – sont éclairées par le soleil d’automne.

Ce village d’apparence tranquille est l’un des endroits où passent un nombre important de migrants clandestins ayant franchi la frontière avec la Turquie. Les passeurs qui opèrent depuis ce pays amènent les migrants jusqu’à la frontière. Ceux-ci doivent alors traverser une forêt dense et gravir une petite montagne pour atteindre la Bulgarie, et l’Union européenne (UE).

Depuis la semaine dernière, les autorités bulgares préparent l’installation d’une clôture de 30 km sur une partie de sa frontière longue de 280 km, non loin de Golyam Dervent. Cinq millions de leva (3,4 millions de dollars) seront nécessaires pour ériger cette clôture qui permettra d’enrayer l’arrivée des migrants.

Ce nouvel obstacle constitue une réponse au nombre croissant de migrants et de demandeurs d’asile – en majorité des Syriens - qui arrivent en Bulgarie. Mais des groupes de la société civile, comme le Comité Helsinki de Bulgarie, ont critiqué l’installation de la clôture : « Il est profondément inhumain d’essayer d’empêcher les demandeurs d’asile d’entrer dans le pays », ont-ils écrit dans un récent rapport.

Autrefois, la Bulgarie ne recevait que quelques migrants et demandeurs d’asile chaque jour, mais leur nombre a fortement augmenté au cours de ces derniers mois pour atteindre entre 80 et 100 personnes. On estime que le pays aura reçu plus de 11 000 personnes en 2013. Une des principales raisons de cette augmentation serait la construction d’une clôture le long de la frontière entre la Grèce voisine et la Turquie en 2012.

Plus de 8 700 personnes ont franchi la frontière bulgare jusqu’à présent cette année et la majorité d’entre elles sont passés par des villages comme Golyam Dervent, où il y a peu de surveillance.

Grozio Georgiev, 67 ans, ancien bûcheron et garde-frontière de Golyam Dervent, dit qu’il voit des migrants presque tous les jours. Cette semaine, 11 d’entre eux sont passés devant sa maison en une seule journée, dont cinq ou six jeunes enfants. Plusieurs étaient malades, avaient soif et portaient des vêtements mouillés, a-t-il dit.

« Nous leur proposons de l’eau et des biscuits, mais en général, ils n’acceptent que l’eau », a-t-il indiqué.

Il y a deux semaines, près de 100 personnes sont arrivées dans le village en l’espace d’une journée. « Nous ne nous attendions pas à voir autant de personnes franchir la frontière », a-t-il dit.

Certains d’entre elles veulent être arrêtées, d’autres souhaitent poursuivre leur trajet. « Pas la police, taxi, Sofi, Sofi », disent-elles parfois dans l’espoir de rejoindre la capitale. « Alors, j’appelle la police frontalière et je dis, ‘Nous avons besoin d’un taxi pour Sofia’ », a indiqué M. Georgiev, gloussant de sa plaisanterie.

Ressentiment

L’afflux de migrants attise le ressentiment de bon nombre de Bulgares. Donka Georgieva, 28 ans, vit dans une maison en briques de deux étages en très mauvais état. Cette mère de trois enfants dit que l’État lui verse seulement 100 leva (70 dollars) par mois. « Les migrants reçoivent beaucoup d’argent », dit-elle, « et nous n’en avons pas ».

Sa voisine, Yana Petrova, 59 ans, est à la retraite. Elle survit avec 47 levas (33 dollars) par mois ; ses fils payent ses factures de consommation. « C’est impossible » de vivre avec cette somme, dit-elle.

D’après certaines rumeurs, chaque demandeur d’asile recevrait 1 084 leva (758 dollars), mais le vice-ministre de l’Intérieur bulgare, Vasil Marinov, a expliqué qu’une grande partie de cette somme sert à couvrir les frais administratifs et les frais de logement. En réalité, les demandeurs d’asile enregistrés ne perçoivent que 65 leva (45 dollars) par mois en attendant la détermination de leur statut, ce qui suffit à peine à couvrir leurs dépenses alimentaires et leurs autres dépenses de base.


A la nuit tombée, deux agents de la police des frontières bulgare se tiennent près de leur 4x4, dans le centre de Golyam Dervent. L’un d’eux utilise des lunettes de vision nocturne pour scruter la forêt : il suit des yeux le chemin de terre qui serpente vers la frontière turque. À mi-chemin de la colline se trouvent les restes d’une clôture érigée à l’époque communiste pour empêcher les Bulgares de quitter le bloc soviétique. Un peu plus haut, des équipes de construction préparent l’installation de la nouvelle clôture frontalière.

Ce mois-ci, la Bulgarie a demandé six millions d’euros supplémentaires (8 132 862 dollars) à l’UE pour faire face à l’afflux de réfugiés. Cette somme vient s’ajouter à l’argent reçu pour assurer la sécurité à la frontière. En outre, FRONTEX, l’agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, a envoyé plus de 20 agents en Bulgarie pour épauler les agents de surveillance des frontières locaux.

Au poste de police des frontières d’Elhovo, situé à environ 20 km à l’ouest de Golyam Dervent, les responsables visionnent les images prises par les caméras de sécurité dans les environs du poste-frontière de Lesovo. Le système de surveillance « intégré » utilise des radars et des caméras thermiques pour surveiller les 58 km de frontière des deux côtés des points de passages frontaliers officiels, indique Dimiter Ivanov, coordinateur régional de la police des frontières.

À l’heure actuelle, il y a six postes d’observation fixes dotés de radars et de caméras en direct, 47 petites caméras et cinq postes de surveillance mobiles, auxquels viennent s’ajouter les patrouilles frontalières mobiles, selon Daniel Dechev, chef du département de surveillance de la police frontalière.

Le radar accroche les objets en mouvement, puis la caméra effectue un zoom automatique, a-t-il indiqué. Dans une vidéo prise à 8 heures ce matin-là, on peut voir des migrants, qui apparaissent sous forme de tâches sombres sur les images infrarouges, en noir et blanc. Ils suivent le chemin de terre qui longe la frontière, du côté bulgare.

Cela fait plusieurs années que l’UE aide la Bulgarie à renforcer les mesures de sécurité à ses frontières grâce aux fonds versés au titre de l’« Instrument Schengen ». La Bulgarie a ainsi pu acquérir des hélicoptères de surveillance et d’autres équipements spécialisés.

M. Dechev explique que lorsque les migrants ont été repérés, les patrouilles frontalières sont envoyées sur les lieux. Sur la vidéo, on peut voir une jeep de la police passer à côté des migrants.

« Ils n’ont pas vu le groupe, mais ils en ont été informés par radio, donc ils y retournent pour les intercepter », a dit M. Dechev.

Les personnes qui sont interceptées sont conduites au poste de police des frontières d’Elhovo, où elles sont enregistrées et détenues avant d’être placées en centre de détention ou en centre d’accueil. Lorsque les journalistes d’IRIN se sont rendus sur place, 501 personnes se trouvaient au poste de police – soit le double de sa capacité d’accueil.

Sur les 50 personnes enregistrées le jour précédent, 32 étaient de nationalité syrienne. Les autres venaient d’Afghanistan, d’Irak et d’autres pays africains. La majorité des 8 000 migrants arrivés cette année sont Syriens. Viennent ensuite les Afghans, les Algériens, les Maliens, les Ghanéens et les Somalis.

Nombre insuffisant de centres d’accueil

Dans l’enceinte du poste de police, les nouveaux arrivants, qui ont les traits tirés par la fatigue, patientent dans une zone délimitée par une corde devant le centre d’enregistrement. Ensuite, ils font la queue pour que l’on prenne leurs empreintes digitales et leur photo, qui seront enregistrées dans le système Eurodac mis en place par l’UE pour identifier les demandeurs d’asile et les personnes lors d’un franchissement irrégulier d’une frontière extérieure de l’UE.

Après avoir été examinés par le personnel médical, les migrants sont dirigés vers la zone d’hébergement située dans les locaux de la police. En raison de la surpopulation, les hommes sont hébergés dans un gymnase, tandis que les femmes et les enfants sont accueillis dans un lieu séparé. Pendant la journée, les familles peuvent se retrouver à l’intérieur du centre. La loi prévoit que les migrants ne doivent pas rester plus de 24 heures au poste de police, mais certains ont indiqué y avoir passé jusqu’à dix jours.

« Il n’y a pas d’argent, pas de nourriture et nous avons faim. Si nous n’avons pas d’argent, nous ne mangeons pas. Nous dormons sur le sol et nous avons froid car nous n’avons pas tous un matelas »
Selon M. Ivanov, le responsable de la police des frontières, cette situation est liée au manque de places dans les centres d’accueil.

Le gymnase a été divisé en quatre grandes cellules avec du fil de fer ; chacune peut accueillir plus de 50 personnes. À l’intérieur, certaines personnes sont allongées à même le sol ou sur des matelas fins, tandis que d’autres jouent aux cartes ou s’occupent de leurs enfants. Bon nombre de personnes se sont plaintes à IRIN de ne pas avoir suffisamment de nourriture, d’articles de literie, de sanitaires et de toilettes.

« Il n’y a pas d’argent, pas de nourriture et nous avons faim. Si nous n’avons pas d’argent, nous ne mangeons pas. Nous dormons sur le sol et nous avons froid car nous n’avons pas tous un matelas », a dit Atallah Kabel, 17 ans, qui a fui la guerre qui sévissait à Alep, la plus grande ville de Syrie. Il a ajouté qu’il était sur place depuis quatre jours.

Lorsque les migrants quittent les locaux de la police, ils sont emmenés jusqu’à un centre de distribution, où les administrateurs de l’Agence nationale pour les réfugiés les interrogent et déterminent s’ils doivent être envoyés vers un centre d’accueil pour demandeurs d’asile ou vers un centre de détention pour migrants clandestins.

« Ils nous traitent comme des prisonniers », a dit un autre demandeur d’asile syrien détenu au poste de police des frontières d’Elhovo.

« Les réfugiés doivent être mieux accueillis que ça ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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