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Alors que le processus de transition s’enlise, les fonds alloués au Yémen restent inutilisés

Protesters in Sanaa opposed to the power transition deal that gave Saleh immunity from prosecution Adel Yahya/IRIN

Alors que le processus de paix et de transition s’enlise au Yémen, les milliards de dollars alloués à l’aide d’urgence restent inutilisés, selon Alan Duncan, le ministre d’État britannique pour le Développement international.

« Le Dialogue national a pris du retard », a-t-il dit, « ce qui ébranle la confiance dans le processus de transition … L’instauration d’un dialogue fructueux, en temps et en heure, constituerait un signal fort pour le peuple yéménite, une preuve que leurs dirigeants sont déterminés à s’attaquer aux problèmes controversés qui favorisent les conflits ».

M. Duncan s’est exprimé lors de la conférence internationale sur le Yémen organisée par l’École des études orientales et africaines (SOAS) de l’université de Londres les 12 et 13 janvier. Cette conférence a rassemblé des universitaires, des ministres yéménites, des diplomates et des organisations humanitaires internationales.

Selon un observateur international interrogé par IRIN, le processus a pris au moins deux mois de retard sur le calendrier initial.

« La transition est menacée par ceux qui n’ont toujours pas compris que le changement doit intervenir maintenant », a dit Jamal Benomar, Conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Yémen à l’occasion d’une intervention au Conseil de sécurité le mois dernier.

Le processus politique de transition au Yémen – le pays le moins développé du Moyen-Orient – a reçu l’assentiment du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et du Conseil de sécurité des Nations Unies après le Printemps arabe au Yémen, qui s’est soldé par le renversement du président Ali Abdullah Saleh en 2012.

Le processus prévoit que le Dialogue national durera six mois et qu’une nouvelle constitution devra être rédigée dans un délai de trois mois. Un référendum et des élections seront ensuite organisés – avant février 2014.

Un calme inattendu

Le ministre des Affaires étrangères du Yémen, Abubakr al-Qirbi, a admis que les partenaires internationaux s’inquiétaient du possible retard dans le Dialogue national, mais il a souligné que le processus de transition s’était déroulé sans heurt et plus calmement que les pessimistes ne le craignaient.

« Les Yéménites, comme vous le savez, sont une communauté bien armée », a-t-il dit. « Ainsi, la population est capable d’anticiper le coût d’une éventuelle guerre. Et, selon moi, c’était un facteur important ».

Les inscriptions à la Conférence sur le dialogue national se sont ouvertes cette semaine. La conférence, qui était censée se dérouler en novembre, a été reportée en raison du refus opposé par les séparatistes du Sud, qui sont favorables à la sécession et à l’indépendance du sud du pays.

Selon M. Al-Qirbi, il est essentiel que la population ait le sentiment que le Dialogue est adapté à leurs besoins et que tous les sujets peuvent être abordés afin de s’assurer la participation de tous.

Mais, a-t-il ajouté, « les pouvoirs régionaux et internationaux savent que l’unité du Yémen est très importante pour le maintien de la stabilité de la région et du monde. Je pense que le message délivré aux parties concernées par plusieurs ambassadeurs est que l’unité du Yémen est un objectif important de l’initiative du CCG. L’éventualité d’une sécession n’a pas été évoquée ».

« Le Forum examinera toutes les revendications et la manière dont nous pouvons inverser la mauvaise gestion qui a cours depuis l’unification ».

M. Duncan a évoqué les quelques 8 milliards de dollars alloués par les partenaires internationaux afin de financer la transition au Yémen, des fonds qui n’ont pas encore été utilisés en raison du manque de projets concrets – des projets d’aide humanitaire ont été présentés dans le Plan d’action humanitaire 2013 pour le Yémen pour l’instant non financé.

« L’argent est disponible, prêt à être utilisé. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas utiliser l’argent disponible. Il est crucial de débloquer les fonds versés par les bailleurs de fonds pour faire la différence sur le terrain et pour garder la confiance de la population yéménite dans la transition, ce qui est nécessaire à la réussite du projet ».

Pressions des séparatistes

L’un des principaux obstacles est la réticence des représentants politiques favorables à la séparation du Sud à participer au processus de transition ; de très nombreux manifestants sont également descendus dans les rues d’Aden le 13 janvier pour demander l’autonomie du sud du Yémen, qui, jusqu’en 1990, était un État indépendant.

Susanne Dahlgren, anthropologue à l’université d’Helsinki, travaille avec des jeunes gens d’Aden. Elle a constaté que la volonté de sécession était très forte, même chez les jeunes qui n’ont aucun souvenir du Yémen du Sud indépendant.

« En général, ce sont leurs parents qui leur ont parlé du Yémen du Sud. Ils leur ont dit que dans l’ancienne RDPY [République démocratique populaire du Yémen], tout le monde avait un travail et gagnait un salaire suffisant pour se marier ; aujourd’hui, ces jeunes, qui ne trouvent pas de travail et doivent faire face à la crise économique, ont des difficultés à se marier ».

Le chômage est un sujet très important pour les jeunes gens instruits auxquels Mme Dahlgren a parlé. « Si Aden était toujours la capitale », a-t-elle dit, « on aurait peut-être retrouvé ces jeunes gens à la tête du pays, des grandes entreprises et des médias, mais comme ils viennent du mauvais côté du pays – pour reprendre l’expression qu’ils utilisent – ils pensent qu’ils n’auront pas l’occasion de mettre leurs connaissances à profit. Pour eux, avoir un emploi, cela veut dire être fonctionnaire, donc ils se sentent injustement privés ».

Ces jeunes gens ont participé aux manifestations organisées pendant le Printemps arabe en 2011, mais il est probable qu’ils aient davantage de difficultés à trouver un emploi après le soulèvement.

Pauvreté, malnutrition

L’activité économique normale s’est presque arrêtée pendant la révolution ; un million d’emplois ont été détruits et le PIB a baissé de 10 pour cent, selon Peter Rice, coordinateur de l’organisation non gouvernementale (ONG) internationale Forum au Yémen. La situation est particulièrement difficile pour les pauvres et les milliers de déplacés.

Près de la moitié des habitants du Yémen ont des difficultés à se nourrir, et plus de la moitié des enfants souffrent de malnutrition chronique – l’un des taux les plus élevés au monde.

Selon M. Rice, des familles ont été forcées de mettre en œuvre « des stratégies d’adaptation négatives ».

« Nous constatons une augmentation du travail des enfants, du nombre de mariages précoces et de l’endettement des ménages pour acheter des produits alimentaires, ce qui affecte leur capacité à se remettre de la crise. Cela veut également dire que la situation humanitaire s’inscrit dans le développement à long terme du pays ».

Et, a-t-il ajouté, il n’y a pas eu de redressement du PIB ou des investissements publics, en dépit de la signature de l’accord de transition et de la plus grande stabilité.

M. Rice craint que la prolongation du dialogue national ne détourne l’attention des actions à entreprendre.

Il a dit à IRIN : « Tout le monde souhaite le succès du processus, cela ne fait aucun doute, mais le Dialogue national nécessitera du temps et des efforts, et il est important qu’il ait lieu pour que la population puisse consacrer ces ressources au développement ».

Infrastructure vs besoins humanitaires

Après l’élaboration du plan de transition, les bailleurs de fonds internationaux se sont engagés à verser près de huit milliards de dollars au Yémen afin de financer le plan de rétablissement. Une grande partie des fonds ont été apportés par les pays membres du CCG, y compris l’Arabie saoudite.

Mais Richard Stanforth, conseiller en matière de politique régionale pour Oxfam, a dit à IRIN qu’ils n’étaient pas utilisés dans les secteurs dans lesquels les besoins sont les plus grands. « Bon nombre de bailleurs de fonds investissent dans les infrastructures, les réseaux routiers et le bâtiment, et pourtant, l’appel de fonds humanitaire reste largement sous-financé ».

« Les pays du Golfe investissent souvent dans les projets d’infrastructure, mais nous avons constaté que tous les bailleurs de fonds investissent dans les infrastructures et qu’ils ne répondent pas aux besoins humanitaires. Sans résolution de la crise humanitaire, il ne peut pas y avoir de développement ».

Si la stabilité et la sécurité permettent de faciliter la distribution de l’aide, l’amélioration de la situation humanitaire et économique facilite également le processus de paix, selon le coordinateur humanitaire pour le Yémen, Ismail Ould Cheikh Ahmed.

« Si nous ne nous occupons pas de la crise humanitaire et économique maintenant, il n’y aura pas de stabilité politique ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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