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Porter secours aux secouristes

Volunteers help aid responders save victims of recent clashes between policemen and demonstrators in Cairo Amr Emam/IRIN
Au milieu de l’agitation politique égyptienne, un secteur de la société a été très largement oublié : ces secouristes qui risquent leur vie pour venir au secours des victimes des violences.

Les ambulanciers et les infirmiers disent qu’ils ne sont pas correctement protégés, ni assurés et qu’ils n’ont aucune sécurité du travail, quoiqu’ils soient de plus en plus souvent confrontés au danger et à l’hostilité depuis que le soulèvement populaire a provoqué la démise de l’ancien président Hosni Moubarak.

« Nous avons dû faire face à plus de violence et d’agressions après la révolution, » a dit à IRIN Ahmed Mohamed, un secouriste de 34 ans qui travaille pour le ministère de la Santé. « Cela devient de plus en plus courant de se faire attaquer, blesser ou même tuer. »

Au cours des derniers mois, les gens comme Mohamed se sont trouvés au centre de violents affrontements entre les polices civile et militaire et les manifestants qui réclament que soient respectés les principes de la révolution. Ils ont bravé les fusillades, les gaz lacrymogènes et les plombs (qui provoquent de graves blessures mais ne tuent pas) pour venir en aide aux victimes et les amener se faire soigner à l’hôpital.

Des centaines de secouristes se sont mis en grève à la fin du mois dernier pour réclamer assurance médicale, protection sociale et assurance vie, ainsi que des postes permanents. La grève a duré environ deux semaines, avant que les participants ne soient forcés d’y mettre fin pour répondre aux nouveaux affrontements qui ont secoué Le Caire le 4 février.

En pleine tempête

Quand des dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans la rue en janvier et en février 2011 pour demander un changement de gouvernement, Mohamed était en plein cœur de la contestation, sur la place Tahrir, comme ses collègues des autres villes, Suez et Alexandrie par exemple, pour venir en aide aux victimes. Ils ont vu des gens recevoir des balles dans la tête, d’autres dans les yeux.

Mais eux aussi se sont fait attaquer à maintes reprises. Les personnels ambulanciers se sont fait attaquer pour de l’argent ou pour leur matériel ; les secouristes pensent que les coupables sont d’anciens prisonniers qui se sont échappés durant la révolution et sont encore en liberté. (Le ministre de l’Intérieur estime leur nombre à quelque 4 500).

Emergency workers hurried to the vicinity to the Interior Ministry in downtown Cairo early this month to offer help to victims of clashes between policemen and demonstrators
Photo: Amr Emam/IRIN
Au début du mois, des secouristes se sont précipités vers le quartier du ministère de l’Intérieur, dans le centre du Caire, pour venir en aide aux victimes des affrontements entre policiers et manifestants
Dans le climat de peur et de suspicion exacerbé qui règne en Egypte, les secouristes ont aussi rencontré des attitudes agressives de la part des familles des victimes qu’ils soignent, se faisant accuser d’être partie prenante du conflit ou de ne pas faire assez pour sauver les êtres chers [de ces familles].

Quand Mohamed s’est précipité à la place Tahrir le 4 février pour venir en aide à une victime des affrontements entre les manifestants et la police, suite aux bagarres mortelles qui avaient eu lieu dans un stade de football dans la ville méditerranéenne de Port Saïd, il a été reçu à son arrivée à l’hôpital voisin avec des insultes par la famille des victimes qui l’a accusé d’être arrivé trop tard.

« Les secouristes ne prennent position ni pour un camp ni pour l’autre, et il faut que les gens le comprennent, » a déclaré Mohamed Mohei, coordonnateur de la section de la médecine d’urgence du Croissant-Rouge égyptien. « Si un secouriste se fait attaquer ou blesser, il ne sera plus en mesure d’aider qui que ce soit. »

Risques

Ahmed Mohamed est l’un des 7 000 secouristes d’urgence qui travaillent pour le ministère de la Santé égyptien. Aucun d’eux n’a d’assurance.

« Ce qui veut dire que si je tombe malade, je dois payer pour mes soins, » a expliqué Alaa Aly, un autre secouriste. « C’est ce qui se passe, de fait, depuis que j’ai commencé à faire ce travail il y a trois ans. »

Un collègue de M. Aly du gouvernorat de Monofiya dans le delta du Nil est mort il y a environ trois mois, après avoir eu un accident alors qu’il transportait d’urgence à l’hôpital des victimes en ambulance. Comme les secouristes n’ont droit à aucun type de pension, sa famille vit désormais de charité, a ajouté M. Aly.

Un secouriste a dit à IRIN qu’il avait dû payer son uniforme. Un autre a ajouté que s’il a un accident en conduisant une ambulance, c’est lui qui doit payer les dégâts.

« Certains de nos collègues ont attrapé des maladies graves, comme l’hépatite C, » a fait remarquer Saud Diab, un autre secouriste. « Comment peut-on éviter d’attraper des maladies quand on est en permanence en contact avec du sang humain ? »

Tests sanguins

Jusqu’à présent, le gouvernement ne s’est pas montré très à l’écoute des demandes des secouristes. Il a réagi à la grève en faisant passer dans les journaux des petites annonces faisant état de postes de secouristes vacants. Il oblige désormais tous les secouristes qui veulent un poste permanent et une assurance à subir d’abord des tests sanguins. Les secouristes qui ont subi des tests quand ils ont commencé à travailler, craignent d’avoir contracté des maladies au travail et de se faire licencier si leurs tests s’avèrent positifs.

« Nous promettons de donner aux secouristes des contrats permanents et une assurance, dès que le gouvernement nous dira qu’il dispose du budget pour le faire. »
Au cours d’un entretien avec IRIN, Khalid Al Khatib, responsable du département de la médecine d’urgence du ministère de la Santé, a admis que ses employés travaillaient sans contrat permanent et sans assurance, mais a nié la responsabilité du ministère.

« C’était la politique de l’Etat autrefois. Le système administratif de la nation est paralysé par un trop grand nombre d’employés, mais nous promettons que nous allons donner aux secouristes des contrats permanents et une assurance, dès que le gouvernement nous dira qu’il dispose du budget pour le faire. En réalité, les secouristes font un travail remarquable. »

Traumatismes


Ahmed Mohamed, le secouriste du ministère de la Santé, voit beaucoup d’horreurs au cours de son travail. Il se souvient d’avoir essayé de sauver une victime d’un accident de la route au Caire : quand il est arrivé à l’endroit de l’accident, il a vu des morceaux du corps de l’homme dispersés tout autour.

« Il m’arrive des choses de ce genre de temps en temps, » a indiqué M. Mohamed. « Il y a eu une montée des affrontements entre les manifestants et la police après la révolution, et ceux-ci font beaucoup de victimes. Certaines de ces victimes sont dans un état critique. La mort est en fait devenue partie intrinsèque de mon métier. »

Selon Salah Hozayen, éminent psychologue de l’Université Ain Shams, les conséquences se font sentir chez les secouristes: fatigue compassionnelle, réactions de stress aigu et troubles de stress post-traumatique. « Et dans ce cas, une intervention psychologique est indispensable pour ces personnes. »

Mais M. Mohamed a beau avoir montré des signes de stress post-traumatique, il n’a jamais entendu parler d’aide psychologique.

« Après un incident tragique, je n’arrive pas à dormir la nuit. L’insomnie est également en train de devenir une partie de mon métier. »

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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