La semaine dernière, les candidats du second tour, Alpha Condé, un Malinké, et Cellou Dalein Diallo, un Peul, devaient participer ensemble à une tournée d’apaisement dans le pays, mais les partisans de Condé lui ont dit de ne pas s’y rendre, et ont réclamé des réponses concernant l’empoisonnement qui aurait été perpétré par des membres du parti rival et dont certains de ses partisans auraient été victimes.
Les tensions étaient déjà vives et l’empoisonnement supposé a entraîné des affrontements la semaine du 18 octobre, selon un habitant de la ville de Siguiri, au nord du pays, un bastion de Condé. « Les gens d’ici ont dit trop c’est trop », a-t-il dit à IRIN.
Depuis l’indépendance de 1958, des présidents issus des ethnies Malinké et Soussou se sont succédé à la tête du pays, avant qu’un dirigeant militaire originaire de la région des Forêts ne prenne le pouvoir pendant un an. De nombreux Peul, le groupe ethnique majoritaire, affirment que « notre [leur] tour est venu ».
Les violences les plus récentes ont vu des jeunes Malinké mettre à sac des magasins appartenant à des Peul dans plusieurs villes, selon des témoins, notamment des habitants de l’ethnie Malinké originaires de Siguiri. Dans certains cas, les gens ont attaqué des habitants de l’ethnie Peul avec des matraques et des barres de fer, selon un homme qui dit avoir assisté à ce genre d’attaques dans la ville de Kissidougou, dans le sud-est du pays. Des centaines de Peul ont d’ors et déjà déserté leur maison et leur commerce dans plusieurs villes.
Des jeunes de Siguiri ont dit à IRIN qu’ils ne voulaient pas se battre avec les Peul – ils veulent simplement que le gouvernement fasse la lumière sur les attaques qui auraient été perpétrées par les partisans de M. Diallo et qu’il condamne les auteurs des méfaits.
De nombreuses personnes déplacées ont fui vers la région de Fouta Djallon, où les Peul sont majoritaires. Leur arrivée a menacé de déclencher des combats lorsque les Peul de la ville centrale de Mamou ont voulu se venger après avoir vu des blessés parmi les personnes déplacées.
Un message d’apaisement
Les responsables religieux de Labé, la principale ville de la région de Fouta, ont rapidement envoyé une lettre aux leaders traditionnels de Kankan, Kissidougou, Siguiri et d’autres villes pour leur demander de prévenir les conflits ethniques.
« Nous leur avons demandé de ne pas attaquer les Peul de leur ville et nous leur avons dit qu’ici à Labé, les Peul n’attaqueraient pas les Malinké », a indiqué à IRIN El Hadj Badrou Bah, l’imam de la principale mosquée de Labé. « Nous sommes tous Guinéens ; nous sommes des fils et des frères – c’est le message que nous leur avons envoyé ».
Il a indiqué que les Peul qui vivent dans les zones touchées par les conflits ont également envoyé des délégations à Labé pour inciter les Peul à ne pas attaquer les Malinké, par peur des représailles dans les villes du sud-est et du nord, où les commerçants Peul vivent et travaillent depuis des générations.
Photo: Contributor/IRIN |
Les partisans d’Alpha Condé, candidat à l’élection présidentielle, lors des derniers jours de la campagne pour le premier tour du 27 juin |
Les Guinéens de plusieurs grandes villes ont indiqué que la situation était plus calme depuis le 31 octobre et qu’ils espéraient que la stabilité allait perdurer, mais que la peur de voir de nouveaux conflits se déclencher et s’aggraver persistait.
« C’est un problème extrêmement difficile à gérer, car il est devenu strictement racial », a dit Alpha Oumar Baldé, qui a fui Kissidougou – où il a un magasin – et a rejoint sa femme et ses enfants à Labé.
« S’il vous plaît, dites à la communauté internationale de veiller à ca. La situation est critique. Tout le monde s’attend à la guerre civile ».
M. Baldé a retrouvé sa famille à Labé, mais il a laissé son gagne-pain derrière lui. Interrogé sur ce qu’il allait faire désormais pour faire vivre sa famille, il a répondu : « Seul Dieu peut nous venir en aide maintenant. La situation est au point mort. Il y a des familles [déplacées] qui ne savent pas comment elles vont faire pour trouver suffisamment de nourriture ».
Il a dit que les Guinéens déplacés se demandent comment ils vont faire pour participer au second tour de l’élection présidentielle, prévu le 7 novembre prochain.
Après le premier tour de l’élection le 27 juin, les Guinéens ont eu l’espoir raisonnable de voir leur pays enfin trouver une certaine stabilité et d’assister au retour du pouvoir civil, mais les violences ont depuis lors entaché le processus politique. Plus de 1 000 personnes ont été blessées, trois femmes ont été violées et au moins 17 personnes ont trouvé la mort lors des troubles depuis le début de la campagne pour le premier tour de l’élection, selon le comité de crise sanitaire dirigé par l’Organisation mondiale de la santé et le ministère de la Santé publique.
« Nous avançons d’un pas, puis nous reculons de cinq », a dit Thierno Baldé, responsable d’une association de jeunes, qui depuis le premier tour de l’élection a voyagé dans le pays pour débattre des moyens d’éviter les conflits avec les jeunes.
Le fait que tous les jeunes ne veuillent pas se battre lui donne de l’espoir. Un vendeur de Mamou qui a préféré garder l’anonymat a dit : « Mes amis et moi ne voulions pas nous venger des Malinké, donc on ne l’a pas fait ».
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