À travers l’ensemble du Sahel – où, selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), la MAM touche environ six millions d’enfants –, les organisations d’aide humanitaire étudient de nouvelles approches. Parmi celles-ci, on peut notamment citer la distribution de nouveaux aliments riches en nutriments et prêts à l’emploi, que certaines organisations non gouvernementales (ONG) conseillent vivement, mais qui doivent encore être rigoureusement testés en tant que traitement de la MAM.
« À moins de pouvoir donner de bons conseils s’appuyant sur des recherches scientifiques et d’utiliser ces connaissances pour développer des programmes qui s’adressent à la majorité des enfants, nous ne pourrons pas éliminer la MAM. Il s’agit d’un des aspects oubliés [de la situation à laquelle nous sommes confrontés dans la région] », a dit Félicité Tchibindat, conseillère nutrition au bureau UNICEF d’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Dans le cadre d’un certain nombre de projets en cours actuellement, notamment une étude randomisée menée dans une communauté malienne, l’UNICEF et les organisations humanitaires examinent l’efficacité de plusieurs produits et stratégies.
L’un de ces produits est le CSB++, une version encore plus riche du mélange de farine de maïs et de soya [corn-soya blend, CSB] utilisé depuis longtemps par le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies pour traiter les enfants souffrant de malnutrition aiguë modérée. L’efficacité du CSB++ est actuellement testée au Mali. Les experts en nutrition ont estimé que la recette originale ne contenait pas les nutriments nécessaires pour soigner la MAM.
L’étude malienne, réalisée par l’UNICEF, le PAM, l’université de Bamako et l’université de Californie à Davis, évalue également l’efficacité du Supplementary Plumpy (une pâte d’arachide riche en nutriments), du Misola et de la nourriture locale à laquelle on a ajouté une poudre nutritive.
« Il est très difficile de convaincre les bailleurs de fonds d’investir dans ces approches sans leur fournir la preuve qu’elles fonctionnent », a dit à IRIN Kenneth Brown, conseiller régional en matière de nutrition et de survie des enfants auprès de l’ONG Helen Keller International (HKI) et professeur à l’université de Californie à Davis.
Une évaluation moins formelle est également en cours au Niger, où la réponse nutritionnelle d’urgence a, cette année, soulevé la question de l’efficacité du CSB dans le traitement de la MAM, a dit à IRIN Mme Tchibindat de l’UNICEF.
« Lorsque nous traitons avec le CSB, certains enfants [souffrant de] MAM sont guéris, mais la grande majorité ne l’est pas », a ajouté Mme Tchibindat. « Nous avons décidé pourquoi ne pas profiter [de la période de soudure] pour tester certains des nouveaux [produits disponibles] à l’échelle globale – nous avons l’argent, nous avons le système en place, nous pourrons ainsi en tirer des leçons ». L’UNICEF a ainsi révisé sa stratégie au Niger : l’organisation procède à une distribution généralisée d’aliments complémentaires [blanket feeding], notamment une combinaison de CSB et de pâtes d’arachides prêtes à l’emploi.
« Nous aurons ainsi une idée de ce qui fonctionne dans le contexte du Sahel. Existe-t-il quelque chose ici qui soit à la fois efficace et économique ? »
Pour la première fois, l’UNICEF distribue le Plumpy’doz, un supplément alimentaire riche en nutriments, pour prévenir la malnutrition aigüe sévère au Tchad, où, dans certaines régions, un enfant sur quatre souffre de MAM. Selon des responsables de l’organisation, un suivi rigoureux est assuré afin de pouvoir s’inspirer de l’opération pour de futurs programmes.
Photo: Siegfried Modola/IRIN |
La malnutrition aiguë sévère coûte cher à traiter, mais elle peut être mortelle si elle n’est pas soignée |
Selon les conseillers en nutrition, d’importantes ressources sont nécessaires pour lutter contre la MAM en raison du grand nombre de cas, mais une prévention et des traitements efficaces pourraient éviter à bon nombre d’enfants de devenir sévèrement malnutris.
« Il est clair que si nous nous limitons aux soins des enfants atteints de MAS, nous ne résoudrons jamais le problème, car nous ne nous occuperons pas des nombreux enfants souffrant de MAM », a dit Mme Tchibindat à IRIN. « De nombreux enfants de la région sont très vulnérables et sont sur le point de franchir la limite [entre malnutrition modérée et sévère] ».
Selon elle, l’une des difficultés du développement de stratégies de lutte contre la MAM est que cette catégorie comprend des états de santé très variés et qu’on ne peut pas se contenter de donner de la nourriture énergétique aux enfants qui en souffrent. « L’état des enfants atteints de MAM varie de quasi normal à quasi sévère. Si vous leur donnez le même produit, qui ne fait que leur apporter de l’énergie [sans les nutriments nécessaires], cela ne résout pas le problème ».
Il est difficile de trouver des financements pour des recherches comme celle réalisée au Mali avec le soutien du Bureau de l’agence américaine pour l'assistance aux catastrophes à l'étranger (OFDA), a dit Mme Tchibindat. Il s’agit de l’une des difficultés qui entravent le développement d’une aide nutritionnelle allant au-delà de l’alimentation thérapeutique d’urgence lorsque les enfants sont dans un état grave.
« Les bailleurs de fonds ont l’habitude de financer des approvisionnements ou des actions similaires. Ils doivent convaincre leurs gouvernements. Ce n’est pas facile. Les gouvernements préfèrent financer des interventions qui leur paraissent tangibles, pas floues », a-t-elle dit.
La conseillère nutrition du PAM pour la région, Anna Horner, a dit que pour faire face à la MAM, il fallait un engagement à plus long terme que ce que la plupart des bailleurs de fonds qui contribuent aux programmes de lutte contre la malnutrition sont prêts à prendre. « C’est parfois une activité difficile à définir, car elle appartient à la fois à l’aide d’urgence et au développement, et elle touche de nombreux secteurs différents… Il est parfois difficile de l’intégrer aux mécanismes de financement classiques », a-t-elle ajouté.
Mme Tchibindat a dit que les acteurs de la nutrition n’avaient pas non plus réussi à convaincre les bailleurs de fonds. « Nous commençons à y arriver maintenant, mais pendant longtemps, nous étions contents d’obtenir des fonds pour acheter du Plumpy'nut [un autre produit de supplémentation alimentaire prêt à l’emploi]. Nous n’arrivions pas à convaincre les bailleurs de fonds de financer la recherche opérationnelle, le renforcement des capacités et les activités à moyen et long terme ».
MAS ou MAM ? | |
La malnutrition aiguë se traduit par une perte de poids rapide, l’émaciation, et elle peut être modérée (MAM) ou sévère (MAS). La MAS, qui est généralement mortelle si elle n’est pas soignée, se distingue par trois principales caractéristiques cliniques : le marasme (« la peau sur les os »), le kwashiorkor (ventre gonflé en raison de l’accumulation d’eau) ou les deux à la fois. Les enfants souffrant de malnutrition modérée sont fortement sujets aux maladies et à la merci du moindre petit choc – et ceci dans une région où le climat et les catastrophes naturelles bouleversent régulièrement l’économie et les disponibilités alimentaires. |
Des causes plus profondes
Les programmes de nutrition sont généralement gérés par des organisations humanitaires, mais la nutrition fait partie intégrante du développement, ont dit des travailleurs humanitaires. Mme Horner, du PAM, a dit qu’en raison des nombreuses causes de la malnutrition, « il n’y a pas qu’un seule voie pour prévenir et soigner la MAM. [On ne peut y arriver qu’en] réduisant les causes comme l’insécurité alimentaire, la morbidité, les pratiques d’alimentation inappropriées pour les nourrissons et les jeunes enfants et le manque d’eau potable et d’hygiène ».
Jean-François Carémel, responsable d’Action contre la faim (ACF) au Tchad, a dit que les interventions devaient prendre en compte tous ces facteurs.
« La frustration aujourd’hui est que la réponse se concentre sur les activités curatives… La malnutrition aiguë est en effet une pathologie médicale, mais elle est aussi sociale, économique et culturelle ».
« La situation explique une action d’urgence mais également la nécessité d’un vrai travail de fond, coordonné, sur l’accès et la qualité des soins ». De nombreuses approches existent pour prévenir la malnutrition, notamment l’augmentation de la production alimentaire et de l’élevage et l’amélioration de la condition des femmes, a-t-il dit.
Selon les nutritionnistes, la lutte contre la malnutrition modérée devrait essentiellement être l’affaire des gouvernements, mais la réponse varie à travers la région en fonction de la volonté politique, des infrastructures et de la stabilité. Selon Mme Tchibindat, de l’UNICEF, la société civile a également un rôle crucial à jouer : « Nous devons enseigner à la société civile à demander des comptes aux Nations Unies, aux ONG et aux gouvernements sur ce qu’ils font pour lutter contre la malnutrition ».
Elle a dit que les bailleurs de fonds et les ONG commençaient à faire le lien entre la nutrition et les problèmes de développement plus généraux.
« N’oublions pas que la lutte contre la MAS s’est beaucoup, beaucoup améliorée très récemment grâce à des aliments thérapeutiques prêts à l’emploi », a-t-elle dit. « La communauté humanitaire n’est pas très familière avec la MAM. La plupart des ONG œuvrant dans le domaine de la nutrition luttent contre la MAS et la nutrition ne faisait pas partie des priorités mondiales il y a une dizaine d’années. Aujourd’hui, les gens comprennent que si l’on ne lutte pas contre la malnutrition, on ne pourra peut-être pas atteindre la majorité des Objectifs du millénaire pour le développement ».
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