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Risquer sa vie pour gagner l’Arabie saoudite

Ali Hassan Salem (right) was 10 when he was trafficked to Saudi Arabia. Today he is 14 and warns other children not to go Annasofie Flamand/IRIN
Ali Hassan Salem avait 10 ans lorsque des trafiquants l’ont fait passer en Arabie saoudite. « J’ai grandi sans aller à l’école : je nettoyais des voitures », a-t-il raconté. Parce qu’il gagnait très peu d’argent au Yémen et avait entendu dire que l’Arabie saoudite offrait de nombreuses opportunités, Ali a décidé d’aller y tenter sa chance.

« Le no man’s land qui se trouve entre les frontières est une zone difficile », a expliqué Ali. « Il y a des animaux sauvages et des gangs de criminels. J’ai eu de la chance que rien ne me soit arrivé ».

A Jizan, de l’autre côté de la frontière, il a trouvé du travail sur un chantier de construction. « Je n’ai pas gagné beaucoup d’argent, et après m’être acheté de quoi manger, je n’ai réussi à économiser que 200 SAR [55 dollars] », a-t-il expliqué. « Le travail était difficile et les Saoudiens nous maltraitaient et nous traitaient de chiens ».

Après un mois de dur labeur, au cours duquel Ali dormait dans une maison abandonnée, en compagnie d’hommes originaires d’Egypte et de Somalie, le jeune garçon a voulu rentrer chez lui. « J’avais tout le temps peur et ma famille me manquait ».

Mais il a été intercepté à la frontière par la police saoudienne. « Nous avons tenté de nous enfuir, mais ils nous ont battus à coups de ceinturons et de matraques, et j’ai passé trois jours en centre de détention », a-t-il expliqué.

Aujourd’hui, Ali donne le conseil suivant à tout enfant yéménite qui tente de se rendre en Arabie saoudite pour y trouver du travail : « N’y allez pas. C’est dangereux et beaucoup de gens rentrent brisés ».

Malgré tout, face à la pauvreté croissante et à un cessez-le-feu fragile dans le nord, il est à craindre que la traite des enfants ne prenne de l’ampleur.

Patrouilles frontalières

Il n’existe pas de statistiques fiables relatives au trafic des enfants du Yémen. Selon le ministère des Affaires sociales et du Travail (MAST), le nombre d’enfants envoyés en Arabie Saoudite par les trafiquants a diminué, passant de 900 en 2008 à 602 en 2009, grâce aux campagnes de sensibilisation et aux efforts de collaboration entre les autorités yéménites et saoudiennes.

Toutefois, selon d’autres sources, cette baisse numérique s’explique par le renforcement des patrouilles frontalières saoudiennes, à la suite du conflit dans le nord du Yémen. « Si les restrictions [imposées aux frontières] sont levées, les statistiques vont augmenter de nouveau », a dit Jamal al-Haddi de la Charitable Society for Social Welfare (CSSW), une organisation non gouvernementale (ONG) locale.

Lorsque les personnes déplacées commenceront à rentrer chez elles, à Saada, s’inquiète Mona Ali Salem du service de lutte contre le travail des enfants du MAST, la pauvreté contraindra bon nombre d’entre elles à faire travailler leurs enfants. « Je m’inquiète à l’idée qu’ils enverront leurs enfants travailler dans les grandes villes et en Arabie saoudite », a-t-elle déclaré.

D’après M. al-Haddi, le trafic des enfants est lié à la pauvreté. « La situation économique est déplorable au Yémen… Bon nombre d’habitants ont perdu leurs domiciles et leurs moyens de subsistance en raison de la guerre [le nord est le théâtre d’affrontements intermittents entre les forces gouvernementales et les rebelles Houthis, depuis 2004] », a-t-il indiqué.

Selon les conclusions d’une étude réalisée en 2008 par la CSSW et intitulée Situation Analysis of Child Trafficking ?Analyse de situation sur la traite des enfants?, 70 à 80 pour cent des familles interrogées ont en effet envoyé leurs enfants hors du foyer en raison de la pauvreté.

Trafficking is a dangerous business. Often parents encourage their children to smuggle or be smuggled across the dangerous Yemeni-Saudi border
Photo: Annasofie Flamand/IRIN
Les parents encouragent souvent leurs enfants à se livrer à la contrebande, ou à franchir clandestinement la frontière entre le Yémen et l’Arabie saoudite
« Lorsque les habitants retourneront chez eux, bon nombre d’entre eux n’auront d’autre choix que d’envoyer leurs enfants en Arabie saoudite ou de commencer à faire de la contrebande. Il n’y a pas d’autre travail », a déclaré M. al-Haddi. « Dans bien des cas, ils compteront sur leurs enfants pour leur rapporter de l’argent ».

Les enfants exploités

Les trafiquants font passer les enfants clandestinement en Arabie saoudite pour les y faire travailler, et ceux-ci font eux-mêmes passer de la marchandise en contrebande de l’autre côté de la frontière, a expliqué M. al-Haddi, ajoutant que s’il n’existait pas de statistiques précises, on estimait que deux tiers des enfants vivant dans les régions frontalières d’Harradh se livraient à la contrebande. Les adultes, s’ils sont interceptés, sont passibles de lourdes peines d’emprisonnement ; ce n’est pas le cas des enfants.

Cette activité n’en est pas moins dangereuse et au Yémen, dans bien des cas, les enfants qui la pratiquent n’ont guère accès à l’éducation. « De nombreux enfants arrêtent l’école, puisqu’ils travaillent la nuit », a expliqué M. al-Haddi. « Parfois, les autorités saoudiennes sévissent contre la contrebande. Souvent, les enfants essaient de s’enfuir ; il arrive alors qu’ils essuient des tirs, ou soient blessés ou tués », a-t-il commenté.

En 2008, au cours d’un déplacement dans le village d’al-Khadour, situé à la frontière yéménite, M. al-Haddi a appris que des centaines d’enfants souffraient de handicaps, ayant été blessés par balle ou percutés par les véhicules de la police frontalière saoudienne alors qu’ils tentaient de s’enfuir.

Selon un rapport publié par CHF International (une ONG américaine qui s’efforce d’impulser « un changement positif durable au sein des communautés à faible et moyen revenus du monde »), plus de 60 pour cent des enfants ayant travaillé en Arabie saoudite sont exposés à des maltraitances physiques, et plus de 10 pour cent ont déclaré être victimes de sévices sexuels. Plus de 80 pour cent des enfants ont également été incités par leurs parents à se livrer à la contrebande.

Aide à l’éducation

Pour contribuer à faire reculer le trafic, CHF - en collaboration avec la CSSW, dans le cadre de leur programme Access Plus - cherche à travailler avec cinq établissements scolaires publics situés près des trois camps de personnes déplacées d’al-Mazraq, à Haradh, un district du gouvernorat d’Hajjah, afin d’aider les enfants déplacés, ainsi que les enfants vulnérables au trafic au sein des communautés d’accueil.

L’organisme souhaite permettre à au moins 2 000 filles et garçons âgés de six à 14 ans, dont environ 70 pour cent sont déplacés et 30 pour cent font partie des populations locales, de suivre un enseignement primaire. Il prévoit également d’offrir des emplois à 500 jeunes âgés de 13 à 17 ans, dont 30 pour cent sont issus des communautés locales et 70 pour cent des populations déplacées, par le biais de programmes d’éducation informels et de formations professionnelles.

Pour contribuer davantage à juguler la traite des enfants et la contrebande, et à lutter contre ces deux phénomènes, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance soutient également l’école Yarmouk Mazraq (située près des trois camps de personnes déplacées d’al-Mazraq), où quelque 1 250 enfants déplacés sont actuellement inscrits. Les autorités locales ont également inscrit 299 enfants déplacés dans d’autres écoles du district d’Haradh.

asf/at/cb/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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