L’enfant et sa mère partagent une cellule récemment peinte en rose. Chaque matin, elle va à la crèche de la prison, avec 11 autres enfants de détenues. L’après-midi, elle retourne dans sa cellule.
La cellule a été repeinte dans le cadre du projet Imbeleko (prendre soin des bébés, en zoulou), lancé par le Département des services correctionnels en septembre 2009 pour améliorer les conditions de vie des enfants incarcérés.
Bongiwe fait partie de 143 enfants qui vivent en prison en Afrique du Sud car ils sont trop jeunes pour être séparés de leurs mères. La province du Gauteng compte 87 enfants incarcérés avec leurs mères, le KwaZulu-Natal en compte 23, et le Cap-Occidental 19.
Leurs mères sont en attente d’un procès ou purgent des peines de prison pour des crimes tels que le meurtre, la tentative de meurtre, la fraude, la corruption ou le vol. Les enfants ont de zéro à trois ans. Certains sont nés en prison, d’autres sont arrivés avec leurs mères.
Selon le Département des services correctionnels, les enfants dans ce cas ont parfois atteint le nombre de 300 ou plus, ce qui a alarmé les organisations de défense des droits humains.
Le porte-parole du Département des services correctionnels, David Hlabane a dit à IRIN que les femmes ne représentaient que 2,2 pour cent des détenus en Afrique du Sud.
« Les prisons sont l’enfer pour les adultes. Pour les bébés et les enfants, c’est encore pire » |
« Depuis l’amendement à la Loi sur les services constitutionnels de 2008, les enfants de prisonnières ne sont autorisés à rester avec leurs mères que jusqu’à l’âge de deux ans. Ceux qui ont plus de deux ans sont encore là parce qu’ils sont toujours en attente d’être placés chez les membres de leur famille hors de prison ou dans des familles d’accueil », a expliqué M. Hlabane.
Le projet Imbeleko « a été mis au point pour [créer] un environnement adapté aux besoins des enfants dans les prisons, notamment en transformant les cellules en pièces convenant mieux aux mères et à leurs enfants et en les décorant différemment, les rendant ainsi plus stimulantes pour les enfants et plus confortables pour que les mères se concentrent sur les besoins de leurs enfants », a-t-il dit. Le projet comprend également des services tels que les crèches, avec des jouets et des livres.
« Nous travaillons aussi avec les détenues pour trouver des proches ou des familles d’accueil pour s’occuper des enfants de plus de deux ans. Pour commencer, nous devons faire comprendre aux détenues que la vie derrière des barreaux n’est pas adaptée à la croissance et au développement de l’enfant » a-t-il dit.
En coopération avec le département d’aide sociale, les femmes incarcérées ont reçu des subventions pour les aider à mieux subvenir aux besoins de leurs enfants, car les autorités pénitentiaires ne leur offraient que du lait en poudre et de la nourriture. Des organisations humanitaires et des proches des détenues donnent des vêtements pour enfants.
L’Afrique du Sud, qui est signataire de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, a souvent été critiquée par les organisations des droits de l’homme pour autoriser l’emprisonnement de jeunes enfants avec leurs mères. Selon ces organisations, l’incarcération pendant de longues périodes nuit aux enfants.
Une étude de l’Institut national pour la prévention de la criminalité et la réintégration des délinquants (NICRO) réalisée en 2006 a révélé que « les établissements qui accueillent des bébés et des enfants qui restent avec leurs mères incarcérées représentent un environnement restrictif qui entrave le développement psychologique, cognitif et social de l’enfant ».
Derick Mdluli, du Justice for Prisoners and Detainees Trust (JPDT), a dit à IRIN : « Les prisons sont l’enfer pour les adultes. Pour les bébés et les enfants, c’est encore pire. Ces enfants vivent dans des conditions disciplinaires, non pas parce qu’ils ont fait quelque chose de mal, mais parce que leurs mères ont été jugées coupables de crimes ».
Séparer les mères de leurs enfants
M. Mdluli, ancien prisonnier, œuvre à la défense des droits des détenus. « C’est pourquoi nous avons demandé à ce que ces enfants soient placés chez des membres de leurs familles et, dans les cas où leurs parents peuvent être libérés conditionnellement, cela doit se faire rapidement », a-t-il dit.
La mère de Bongiwe a dit à IRIN qu’elle redoutait le moment où sa fille devrait quitter la prison. « Je sais que ma sœur va bien s’occuper d’elle, mais elle ne m’a pas quittée depuis sa naissance et il ne va être facile pour aucune de nous deux de se séparer. Elle n’a vécu qu’avec des femmes et elle a souvent eu du mal à reconnaître son père lorsqu’il nous rendait visite ».
Nokuthula Shelembe*, âgée de 40 ans, déclarée coupable de tentative de meurtre, a gardé son fils avec elle en prison pendant plus de trois ans avant que ses parents ne viennent le chercher l’année dernière.
« Je sentais qu’il devait partir, car il ne connaissait rien hors de la prison. Lorsque nous avons pris le bus pour aller d’une prison à l’autre, il n’a pas arrêté de me poser des questions, car c’était la première fois qu’il prenait le bus », a-t-elle dit.
« En plus, il apprenait des gros mots et des expressions vulgaires, car les filles ici parlent n’importe comment. Il ramassait des mégots de cigarettes et faisait semblant de les fumer. Au moins, avec ma famille, il apprendra la discipline ».
Elle a dit qu’au début, son fils avait eu du mal à s’habituer à la vie en dehors de la prison et pleurait souvent, car il voulait retrouver sa mère en prison. « Mais maintenant il va bien et il va à l’école maternelle. Il me rend visite au moins deux fois par mois ».
* Les noms ont été modifiés pour protéger l’identité des enfants
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