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Prendre les chemins traditionnels pour reconstruire la paix

Patients recover in the southern Sudanese hospital of Akobo after a massacre at her fishing village in which 185 people were killed Peter Martell/IRIN
Villagers nursing injuries at a hospital after an earlier attack on their village near Akobo in which 185 people were killed (file photo)
Selon des chercheurs, une vieille tradition de gouvernance pourrait encourager la construction de la paix chez les communautés en conflit.

Le système des « monyomiji » [littéralement « détenteur » ou « père du village »] encourage les hommes jeunes et d’âge moyen à assumer collectivement la responsabilité des affaires communautaires et intercommunautaires. Selon Eisei Kurimoto, de l’université d’Osaka, et Simon Simones, conseiller auprès de l’organisation non gouvernementale (ONG) Pax Christi, ce système pourrait constituer un atout important dans la construction de la paix en situation d’après-guerre, la reconstruction et le développement.

Plus tôt cette année, par exemple, quand le groupe ethnique Murle a attaqué des communautés dans la province de l’Equatoria oriental, les monyomiji ont pris les armes pour défendre la population.

« Ils ont défendu leurs terres contre les Murle », a dit à IRIN le général de brigade Eluzai Mogga Ladu, directeur des services de prison du Sud-Soudan.

« Maintenant, ils protègent leurs terres en organisant des patrouilles quotidiennes dans le village », a-t-il ajouté. « C’est leur rôle en tant que défenseurs du village. Ils déclarent la guerre, font la paix, gère le village [et] peuvent rejeter les décisions des chefs ».

Les monyomiji formaient le noyau d’Anyanya I, l’armée séparatiste du Sud-Soudan qui s’est créée pendant la première guerre civile, en 1955, et dont de nombreux membres ont été emprisonnés. Anyanya II est née au moment de la seconde guerre civile, en 1987.

Au moment de leur libération d’Anyanya I, ils ont enrôlé les membres de leurs communautés dans Anyanya II et ensuite dans le conflit nord-sud qui s’est terminé avec l’accord de paix de 2005, signé au Kenya.

Quand l’Armée de résistance du seigneur (LRA) s’est déplacée vers la province de l’Equatoria oriental en 2003, au plus fort de l’offensive de l’armée ougandaise, l’Armée de libération du Soudan (ALS) a fourni des armes aux monyomiji pour repousser les rebelles ougandais, selon M. Ladu.

Ils font régner l’ordre et respecter la loi, élaborent des règlements et des décrets, règlent des disputes et imposent des sanctions aux contrevenants. Ils surveillent également le roi ou le chef et s’occupent de gérer les risques de catastrophes, de sécheresse, d’inondation, de maladie et de tempête, ainsi que la fertilité des sols et la santé de leur communauté.

Comment récupérer ce système ?

Reconnaissant son potentiel, les autorités du Sud-Soudan songent à récupérer le système. Des représentants de groupes de monyomiji, de la société civile et du gouvernement se sont rencontrés à Torit la semaine dernière afin de discuter des moyens d’associer ce système traditionnel et le système officiel de gouvernance.

« Nous sommes frappés par leur singularité – et leur efficacité » a dit M. Simones dans le cadre de la rencontre Engaging Monyomiji: Bridging the Governance Gap in East Bank Equatoria [Impliquer les monyomiji : combler le vide de la gouvernance en Equatoria oriental], qui a eu lieu à l’hôtel Torit du 26 au 28 novembre.

« Nous le voyons comme une ressource pour développer un meilleur gouvernement », a-t-il ajouté.

La force du changement

D’après M. Simones, le système incarne la notion de la supériorité de la cause collective sur les intérêts privés des familles et des clans. Il amène également des changements progressifs tout en encourageant le débat.

« Chaque nouvelle génération dispose d’un nouveau programme pour mettre en œuvre cet aspect », a-t-il dit. « L’arrivée de chaque nouvelle génération entraîne l’apparition de nouvelles idées. En ce sens, les monyomiji sont des agents du changement ».

Pour devenir monyomiji, la nouvelle génération doit rivaliser avec les leaders en place, par exemple dans le cadre d’une chasse aux bisons. Si un membre de la nouvelle génération l’emporte contre un monyomiji en place, les monyomiji de l’ancienne génération sont tous remplacés.

Selon M. Kurimoto, ces cellules de gouvernance et l’Armée de libération du Soudan entretenaient des liens étroits pendant les années de la guerre entre le sud et le nord.

« Mais après la signature de l’accord de paix nord-sud (CPA), la situation s’est dégradée et la population vit de plus en plus dans l’insécurité et l’instabilité... Nous devons remettre en place ce système ».

La voie à suivre

D’après le gouverneur de la province de l’Equatoria oriental, Emor Ojetuk, l’avis de ceux qui mettent en œuvre les politiques à l’échelle de la communauté a souvent été ignoré dans les discussions, créant des lacunes dans ce qui devait être mis en œuvre.

« Le gouvernement ne se compose pas uniquement du Parlement et des ministres. Le gouvernement, c’est nous tous », a-t-il dit lors de la conférence. « Si le gouvernement représente l’ensemble du peuple et que nous avons des lacunes, peu importe comment ces lacunes sont créées... il faut les réduire ».

La mise en place des structures prévues dans l’accord de paix nord-sud, par exemple, notamment les assemblées d’État et le Parlement national, n’a pas été bien comprise par la population, a indiqué Lais Ohisa, expert culturel de l’université de Juba.

« C’est la situation qui semble prévaloir jusqu’à maintenant », a-t-il dit. « L’insécurité actuelle dans les villages est due à l’absence de gouvernement sur le terrain ».

Selon les participants à la conférence, le système des monyomiji devrait être reconnu comme une institution de gouvernance légitime au niveau de la communauté et ses représentants devraient être inclus dans les conseils des Boma et des Payam [unités administratives]. Actuellement, le système est utilisé par une douzaine de communautés des provinces de l’Equatoria oriental et central.

Au cours des dernières années, le Sud-Soudan a été le théâtre de conflits interethniques généralisés. Selon des travailleurs humanitaires, des milliers de personnes ont été forcées de fuir leurs foyers et d’autres sont décédées dans des accrochages.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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