En février et mars, une Guinéenne, voisine d’un groupe de Nigérians qui seraient impliqués dans le trafic de drogues, a rapporté à HRW qu’elle avait été cambriolée deux fois par des soldats. « Les soldats ont menacé de tirer si ma tante ne leur ouvrait pas la porte, alors elle les a laissés entrer… Ils ont pris un ordinateur portable, 600 dollars et des bijoux… J’ai décidé de déménager à cause de ces visites ».
La plupart de ces agressions sont perpétrées par des soldats lourdement armés, coiffés de bérets rouges, qui circulent à bord de véhicules civils et militaires, selon HRW.
Des hommes en uniformes militaires sont accusés de cambrioler les bureaux, les magasins, les entrepôts, les cliniques et les habitations, volant des voitures, des appareils électroniques, des bijoux et de l’argent, en partie sous le prétexte de sévir contre le trafic, selon l’association de défense des droits humains. Des avocats et des juges ont également rapporté à HRW que des membres de l’armée étaient entrés dans les tribunaux pour tenter de les intimider pendant la prononciation des arrêts.
On ignore si ces actes ont été ordonnés ou autorisés par les hauts responsables de la junte, le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), a expliqué à IRIN Corinne Dufka, directrice du service Afrique de l’Ouest de HRW, mais dans certains cas, les assaillants ont déclaré avoir été envoyés en mission officielle par le CNDD.
Les victimes des 19 affaires de vol sur lesquelles HRW a enquêté ont pourtant déclaré qu’on ne leur avait présenté aucun mandat de perquisition ou d’arrêt.
« Ce qui se passe actuellement est regrettable », a dit à IRIN Tiègboro Camara Moussa, capitaine de l’armée nommé par le CNDD au poste de secrétaire à la lutte contre le trafic de drogue et le crime. « Mais je pense que cela s’explique essentiellement pas un manque de manières et de formation. L’armée a pour mission de protéger les citoyens de Guinée et leurs biens ».
Des membres de l’armée ont dit à HRW, sous couvert de l’anonymat, que ces actes criminels n’étaient pas commis par l’armée, mais plutôt par des individus se faisant passer pour des soldats.
Un précédent
Selon HRW, sous le régime du CNDD, l’armée prend en charge un nombre croissant d’enquêtes criminelles, dirigées par l’armée et la police nationale, en vertu de la loi guinéenne.
« Il est dangereux, à l’approche des élections qui auront finalement lieu, ... que l’armée commette ces crimes sans aucune crainte de devoir répondre de ses actes », a dit Mme Dufka. « On peut se demander ce qu’elle pourra faire au cours du processus électoral, et notamment si elle aura recours à l’intimidation et cherchera à influencer, par la force, les résultats des élections ».
« Ces abus témoignent d’une anarchie inexcusable. L’armée devrait y mettre un terme et permettre à la police, à la gendarmerie et au pouvoir judiciaire de faire respecter l’Etat de droit », pouvait-on lire dans un communiqué publié récemment par HRW.
Des mesures sévères contre le trafic de stupéfiants
Le CNDD prend des mesures sévères à l’encontre des trafiquants de drogue en Guinée, dont des cadres de la police et Ousmane Conté, fils aîné du défunt président guinéen, incarcéré le 14 avril pour trafic de cocaïne.
Plusieurs anciens responsables du gouvernement ont également été accusés de corruption.
Mais aucun membre de l’armée n’a été interrogé dans le cadre d’enquêtes sur des crimes liés au trafic de stupéfiants, a noté Mme Dufka.
« La lutte contre le trafic de drogue est une cause noble, mais ils s’en servent d’excuse pour se comporter comme de vulgaires criminels », a déclaré, sous couvert de l’anonymat, un avocat guinéen dont six des clients réclament des dommages et intérêts pour des affaires d’introduction par effraction et de vol à main armée. « Ils [l’armée] n’ont trouvé de drogue chez aucun de mes clients. Il n’y a eu de plainte légitime dans aucune de ces affaires ».
Plusieurs ressortissants étrangers ont également été pris pour cible, dont certains propriétaires de cliniques chinois, accusés de fabriquer de faux médicaments, selon le rapport.
« Nous devons nous rappeler que la Guinée a signé des conventions internationales en vertu desquelles elle est tenue de protéger les ressortissants étrangers », a déclaré M. Moussa du CNDD.
La marche à suivre
HRW a appelé le CNDD à reconnaître et à condamner ces abus présumés et à donner ordre à l’ensemble du personnel militaire d’y mettre un terme ; l’organisme a également invité la police et les autorités judiciaires à enquêter sur ces abus.
HWR a en outre appelé le Groupe international de contact sur la Guinée, dirigé par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), à encourager ces institutions, établies en vertu de la constitution, à faire leur travail.
« Toute société est menacée lorsqu’un seul pouvoir, ou l’armée, se charge à la fois de faire respecter la loi, d’enquêter et de juger », a estimé Mme Dufka.
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