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Risque de « crise humanitaire » à Mindanao

L’île de Mindanao, secouée par des troubles, risque de sombrer dans une crise humanitaire à grande échelle si des mesures de contingence ne sont pas prises immédiatement, ont averti les organisations humanitaires.

« Un choc externe risque de transformer une situation humanitaire difficile actuellement sous contrôle en une crise humanitaire qui ne sera pas maîtrisée », a déclaré un haut responsable des Nations Unies à IRIN, depuis Manille.

Les habitants de cette île riche en minéraux, secouée par plusieurs décennies d’insurrection islamique, ont joué de malchance cette année : encore sous le choc du typhon Frank, qui avait balayé l’île en juin, ils ont assisté à la reprise des affrontements entre les forces du gouvernement et le Front moro de libération islamique (MILF), mouvement séparatiste, en août.

« La situation n’a jamais été aussi grave depuis 2003, et les conséquences sont très lourdes », a indiqué Felipe Donoso, qui dirige la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Manille.

La Cour suprême avait ordonné la suspension d’un accord secret entre le gouvernement et le MILF, dont les 12 000 combattants luttent pour obtenir le contrôle de la terre de leurs ancêtres. L’accord aurait porté création effective d’un sous-Etat ou d’une patrie connu sous le nom d’Entité juridique de Bangsamoro, et composé de la Région autonome du Mindanao musulman (RAMM), dont la formation préalable avait permis aux zones de l’île principalement peuplées de musulmans d’acquérir un certain degré d’autonomie.

Mais l’accord étant désormais caduc, et face au refus catégorique du gouvernement de négocier avec le MILF tant que celui-ci n’aura pas désarmé, les conséquences humanitaires pourraient s’avérer désastreuses. 

Les civils pris entre deux feux

Plus de 90 civils ont trouvé la mort au cours des affrontements, a rapporté, le 15 octobre, le National Disaster Coordinating Council (NDCC) [Conseil national de gestion coordonnée des catastrophes], organe public principal de coordination des opérations de gestion des catastrophes et de réhabilitation, et de nombreux habitants ont été blessés.

Des centaines d’habitations ont été détruites et des zones entières ont été anéanties, selon les travailleurs humanitaires. D’après l’association caritative britannique Oxfam, les civils craignent désormais pour leur vie, du fait de la présence de groupes armés dans leurs villages. « Les besoins humanitaires sont réels à Mindanao », selon Lan Mercado, directeur pays chez Oxfam.

Plus de 500 000 personnes ont été touchées, et près de 400 000 sont encore déplacées, dont près de 100 000 vivent dans plus de 160 centres d’évacuation, et notamment dans des écoles, des centres communautaires et des camps de fortune, le reste étant logés chez leurs familles ou leurs amis, selon le NDCC.


Photo: David Swanson/IRIN
Un PDIP au centre d’évacuation de Sambulawan, à Mindanao
Des milliers d’enfants ne peuvent plus aller à l’école régulièrement. Sur les plus de 20 provinces qui composent Mindanao, 10 ont été touchées, qui comptent quatre millions d’habitants.

Les recommandations de l’IASC

Ajoutant au caractère urgent de la situation, le Comité permanent interorganisations (IASC) a averti dans une évaluation menée en septembre que si les mécanismes de survie locaux suffisaient pour faire face à la situation actuelle, l’on se préoccupait grandement de savoir ce qui pourrait se passer si les affrontements se poursuivaient ou si une autre catastrophe naturelle avait lieu.

Le rapport recommandait aux partenaires de l’IASC d’engager un processus de planification de contingence coordonné interorganisations, pour se préparer à une intervention humanitaire à plus grande échelle. Toutefois, cela n’a pas encore eu lieu, bien que l’IASC ait décidé le 14 octobre d’entamer la planification de contingence et d’améliorer la coordination avec le NDCC.

« A l’heure qu’il est, nous n’avons pas encore lancé la planification de contingence interorganisations pour Mindanao », a confirmé Andrew MacLeod, conseiller principal du Coordinateur résident des Nations Unies aux Philippines.

Si le gouvernement a accueilli favorablement l’idée d’une aide ciblée et coordonnée, il ne souhaite pas « internationaliser » la dernière crise en date dans l’île, théâtre, depuis plusieurs décennies, de violences séparatistes, de banditisme, de violences claniques et d’une insurrection communiste qui se poursuit.

Conscients de cela, de nombreux acteurs de la communauté humanitaire se sont montrés réticents à aller plus loin. Pourtant, ne pas reconnaître la nécessité d’une planification de contingence pourrait s’avérer risqué, face à cette dernière série d’hostilités et de déplacement, qui dure depuis trois mois.

« Il est probable que la situation s’aggrave avant de s’améliorer », a prédit M. MacLeod, évoquant le risque accru de voir s’abattre un nouveau typhon cette année, ainsi que d’assister à une nouvelle intensification du conflit.

« Nous devons nous assurer de nous servir de cette période, où la situation est [encore] sous contrôle, pour élaborer notre plan de contingence, renforcer nos équipes, et veiller à ce que nos mécanismes de coordination permettent de répondre à une intensification des affrontements ou à une catastrophe naturelle éventuels par une intervention humanitaire plus importante », a-t-il souligné, ajoutant : « Nous n’avons pas encore pris le taureau par les cornes, de ce point de vue-là ». 

La Croix-Rouge se mobilise 

Le CICR a désormais deux fois plus de personnel à Mindanao, soit plus de 50 personnes, ce qui lui permettra d’aider jusque 80 000 personnes par mois jusqu’à la fin de l’année, si nécessaire. Depuis le 12 août, le CICR a porté assistance à plus de 150 000 personnes à Mindanao.

L’organisation a en outre aménagé un entrepôt à Davao, qui lui permet d’acheminer jusque 3 000 rations alimentaires par jour, si besoin, tout en sollicitant une rallonge budgétaire de 4,5 millions de francs suisses (quatre millions de dollars) auprès des bailleurs, soit une augmentation de 60 pour cent par rapport à son budget 2008 initial de 7,6 millions de francs suisses (6,7 millions de dollars).

« Vu l’incertitude qui entoure le processus de paix et les violences acharnées, aggravées par la libre circulation des armes à feu, les civils vont continuer de souffrir », a prédit M. Donoso. 

ds/mw/nh/np


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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