1. Accueil
  2. Southern Africa
  3. Zimbabwe
  • News

Espoirs brisés de part et d’autre

Abigail Mukurazhizha, 35 ans, courtière à Harare, la capitale du Zimbabwe, fait partie des dizaines de personnes qui se sont bousculées pour acheter un exemplaire du Herald, le journal officiel, dont la une proclamait « Accord conclu » au-dessus d’un article sur les pourparlers décisifs engagés pour résoudre la crise politique.

Mais son enthousiasme a rapidement laissé place à la déception car, pour la jeune femme, « il n’y a pas d’accord du tout ».

« Qu’on ne s’y trompe pas : un accord auquel n’a pas pris part Tsvangirai [Morgan Tsvangirai, le leader de l’opposition], l’homme qui a remporté les élections libres et justes de mars, est nul et non avenu ; on dirait bien que le vieux [le président Robert Mugabe] n’est tout simplement pas prêt à passer la main à ses successeurs légitimes », a commenté Mme Mukurazhizha.

« On tourne en rond et ça me rend malade ; c’est très frustrant ».

Les deux factions du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), le parti d’opposition, et la ZANU-PF, le parti au pouvoir, sont engagées depuis plus de trois semaines dans des pourparlers sur le partage des pouvoirs, destinés à sortir le pays de l’impasse politique dans laquelle il se trouve depuis le deuxième tour controversé des élections présidentielles, le 27 avril.

Morgan Tsvangirai, leader de la principale faction du MDC, a remporté le premier tour des élections présidentielles le 29 mars, mais il s’est retiré du deuxième tour, invoquant une campagne de violences au cours de laquelle plus de 100 partisans de son parti auraient été tués.

Robert Mugabe, leader de la ZANU-PF et président du Zimbabwe depuis l’indépendance du pays, il y a 28 ans, est resté seul en lice dans la course à la présidence. Installé à la tête de l’Etat, il a néanmoins consenti à engager des pourparlers sous la médiation du président sud-africain Thabo Mbeki.

Selon le Herald, toutefois, Morgan Tsvangirai a quitté la table des négociations le 12 août, et Robert Mugabe et Arthur Mutambara, le leader de l’autre faction du MDC, moins importante, qui a remporté 10 sièges aux élections législatives, ont signé un accord.

M. Mbeki a néanmoins déclaré à IRIN le 13 août que Morgan Tsvangirai avait demandé une suspension et que les pourparlers avaient été ajournés.

« Il y a eu un désaccord sur l’un des points des pourparlers, concernant un accord sur le partage des pouvoirs. Morgan Tsvangirai a demandé une suspension pour réfléchir à la question afin que nous les réunissions de nouveau, plus tard », a-t-il expliqué.

Morgan Tsvangirai a remporté le premier tour des élections présidentielles de mars avec 47,9 pour cent des voix contre 42,7 pour cent pour Robert Mugabe, mais cela n’a pas suffi à éviter un second tour des présidentielles.

« Comme pour le deuxième tour, que Mugabe a "disputé" seul, cet accord vide est par essence un accord ZANU-PF », a observé Mme Mukurazhizha. « Mutambara ne s’est pas présenté aux élections présidentielles ; il n’est que trop content d’avoir un peu de poids dans la politique zimbabwéenne ».

Abigail Mukurazhizha avait espéré qu’un accord conférant à Morgan Tsvangirai le pouvoir exécutif, peut-être en tant que Premier ministre, et à Robert Mugabe un titre de président honorifique, mettrait l’économie zimbabwéenne, dans une situation d’effondrement grave depuis huit ans, sur la voie du redressement.

Espoirs envolés

« Tous mes espoirs de reprendre une vie normale dans un avenir proche se sont envolés parce que Robert Mugabe rechigne à quitter le pouvoir », a déploré John Rukweza, 28 ans, responsable de magasin dans la capitale.

« Les prix ne cessent de grimper, et nos poches rétrécissent de plus en plus. Il n’y a pas d’électricité, pas d’eau, et le chômage va augmenter d’autant plus à mesure que les industries vont fermer ; tout ça à cause d’une obsession de pouvoir, une obsession qui profite à un petit groupe d’individus aux dépens d’une majorité », a commenté M. Rukweza.

John Rukweza a prédit qu’un grand nombre de Zimbabwéens quitteraient le pays après avoir attendu, dans l’espoir que les pourparlers permettraient d’instaurer une stabilité politique et économique.

« Bon nombre de gens sur le marché du travail officiel pensaient qu’un accord accepté par la communauté internationale permettrait de faire rejaillir une étincelle dans leur travail, mais, apparemment, il n’y a pas de lumière au bout du tunnel ». John Rukweza craint que si un accord n’est pas rapidement conclu avec Morgan Tsvangirai, le pays ne risque de sombrer de nouveau dans la violence politique.

« Je suis convaincu que Mugabe vit dans une peur perpétuelle, et que derrière la contenance qu’il se donne à la télévision, il se cache un homme en plein dilemme », pense-t-il.

« Même s’il [Robert Mugabe] voulait donner des pouvoirs exécutifs à Tsvangirai, beaucoup de gens puissants de son parti y perdraient, et ces gens semblent le pousser à priver le leader du MDC de ce qui lui revient de droit, à lui et au peuple ».

Diviser pour mieux régner

''Il y a eu un désaccord sur l’un des points des pourparlers, concernant un accord sur le partage des pouvoirs. Morgan Tsvangirai a demandé une suspension pour réfléchir à la question afin que nous les réunissions de nouveau, plus tard''
Abednico Mataure, un enseignant de 59 ans à la retraite, a prévenu que le président Mugabe cherchait peut-être à affaiblir l’opposition en employant des tactiques visant à « diviser pour mieux régner ».

« Après les élections législatives, l’opposition a remporté plus de sièges que la ZANU-PF, et c’était bien, parce que ça a privé le parti au pouvoir de la capacité de décision qu’il avait à l’époque et qui reposait sur sa majorité au Parlement », a-t-il commenté.

« Mais avec la position adoptée par Mutambara, l’opposition est désormais divisée. Certains membres de l’opposition feraient n’importe quoi pour être en position de pouvoir, et je crains que Mugabe n’annonce la formation d’un cabinet composé de membres du parti de Tsvangirai, une évolution qui risquerait d’affaiblir d’autant plus son parti si certains de ces membres décident d’accepter l’offre qui leur est proposée ».

Pour Tsitsi Zambuko, 55 ans, veuve et vétérante de la guerre de libération, le président Mugabe doit aller de l’avant sans Morgan Tsvangirai. « Depuis le mois de janvier, tout le monde parle d’élections et rien ne bouge ; cela fait trop longtemps que nous n’avons plus de Parlement », a-t-elle estimé.

« Tsvangirai pense qu’il peut nous prendre en otage ? Mais pour qui se prend-il ? Après tout, il n’est rien de plus que le porte-parole de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, et il est responsable de toutes nos souffrances actuelles », s'est exclamée Mme Zambuko.

Pour elle, Robert Mugabe est le « leader légitime du Zimbabwe car il a remporté le deuxième tour du 27 juin, qu’il a mené la guerre contre l’impérialisme, et passe ses nuits à essayer de trouver des moyens d’assurer l’émancipation totale du peuple de ce pays ».

Un accord toujours en vue ?

M. Mbeki a déclaré à IRIN qu’il avait bon espoir de pouvoir malgré tout négocier un accord.

Bien qu’il ait revendiqué une victoire au deuxième tour de juin, Robert Mugabe n’a pas encore prêté serment au Parlement ni annoncé la composition de son cabinet dans l’espoir de s’assurer un gouvernement qui réunisse tous les partis.

« Les dirigeants politiques reconnaissent qu’aucun d’entre eux n’a la capacité, à lui seul, avec son parti politique, de résoudre ces problèmes, c’est pourquoi ils doivent travailler ensemble », a indiqué M. Mbeki. Thabo Mbeki a refusé de communiquer les détails du désaccord.

L’un des négociateurs des pourparlers a néanmoins déclaré à IRIN que les pourparlers avaient achoppé lorsque M. Tsvangirai s’était vu offrir un poste de Premier ministre sans pouvoir exécutif et sans responsabilité significative.

« Tsvangirai n’était pas content qu’on lui propose de présider quelques ministères des Affaires sociales et économiques, tandis que Mugabe aurait conservé le pouvoir exécutif en tant que président exécutif, et que les ministères de la Sécurité auraient été placés sous le contrôle direct de Mugabe », a expliqué le négociateur.

Le président Mugabe a expliqué à IRIN que les pourparlers étaient toujours en cours. « Non, les pourparlers ne se sont pas effondrés. Ils ne peuvent pas s’effondrer tant que nous aurons des langues pour parler ».

M. Mutambara a confirmé à l’occasion d’une conférence de presse que si les parties n’avaient signé aucun document, elles s’étaient mises d’accord sur les propositions de partage des pouvoirs.

fm/ff/jk/he/oa/nh/nr


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join