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« Mon mari m’a coupé les bras parce que j’étais enceinte d’une fille »

Francine Nijimbere dépend entièrement de sa mère pour certains gestes de la vie quotidienne : se laver ou manger, par exemple. En 2004, parce qu’elle n’arrivait pas à avoir de garçon, son mari lui a sectionné les deux bras au niveau des coudes.

À l’époque Francine était enceinte et a perdu le bébé des suites de ses blessures, notamment de lésions à l’abdomen. L’époux, un militaire, qui a été arrêté et condamné plus tard à la prison à perpétuité, a récemment été libéré, ayant bénéficié d’une grâce présidentielle.

Après avoir perdu ses bras, Francine s’est installée avec sa fille – aujourd’hui âgée de quatre ans - dans la province de Makamba, dans le sud du Burundi, où elle vit avec sa mère. Depuis la libération de son mari, elle vit dans la peur et a trouvé refuge auprès de l’ADDF, une association implantée à Bujumbura et active dans le domaine de la protection des droits de la femme. Le 22 février, Francine s’est confiée à IRIN.

« En décembre [2007], le président de la République a gracié tous les détenus souffrant de maladies incurables. J’ai appris que mon mari avait été libéré sous une fausse identité ; comment peut-on gracier un criminel comme lui ? Le chef de l’Etat a gracié des détenus souffrant de maladies incurables, mais mon mari n’était pas malade ».

« J’étais mariée à son grand frère, qui était militaire. Malheureusement, il est décédé en 2000, cinq mois après notre mariage. Je suis restée quand même dans la maison, attendant la fin de la période de veuvage pour retourner vivre chez mes parents. Ma belle-mère a alors insisté pour que je ne retourne pas chez mes parents puisque la dot avait été payée. Elle a convaincu mes parents que je devais épouser un autre de ses fils ; j’étais réticente, mais mes parents et mes beaux-parents ont trouvé un compromis ».

« Dès le début, je ne l’ai jamais accepté. Une nuit, il a forcé la porte de ma maison et m’a violée. Et je suis restée là ; où pouvais-je aller ? ».

« Durant tout le temps qu’on a passé ensemble, il était là, passif ; il ne m’a jamais aidée, ne m’a jamais acheté de vêtements, rien. Il m’arrivait de passer des nuits dehors dans le froid, parfois il se montrait assez gentil pour me laisser entrer. Lorsqu’il s’est rendu compte que je ne tombais pas vite enceinte, il m’a menacée d’épouser une autre femme et même de lui construire une maison. Il ne l’a pas amenée à la maison parce que j’étais enceinte à ce moment-là.

« Lorsque j’ai accouché, il s’est juste renseigné sur le sexe du bébé. Quand il a appris que j’avais accouché d’une fille, il ne s’est même pas donné la peine de venir me voir à l’hôpital et n’a pas payé la facture au moment de quitter la maternité. Trois mois plus tard, il est rentré du travail et m’a demandé : "Te considères-tu comme une mère après avoir accouché d’une fille ?" Il n’arrêtait pas de me dire que j’étais une moins que rien ».

« Quatre mois plus tard, j’étais enceinte de nouveau. Cette fois-ci, il m’a dit que si j’accouchais d’une autre fille, je devrais chercher un endroit pour me débarrasser d’elle. Quand il est rentré à la maison plus tard, dans le cadre de sa permission, il était tout mielleux ; il m’a dit qu’il était désolé s’il m’avait fait du tort, et que désormais les choses seraient différentes, qu’il était un autre homme. Et je l’ai cru. J’espérais vraiment qu’il changerait ».

« Puis un soir, je l’ai vu aiguiser une machette. Je ne savais pas qu’il s’apprêtait à me tuer. Après le repas du soir, je suis allée me coucher, le laissant avec sa mère et sa sœur. J’ai été réveillée par le coup de machette sur mon bras ».

« Je n’ai pas arrêté de pleurer, je lui ai demandé pardon, mais il a coupé mon deuxième bras. Personne n’est venu à mon secours. Les voisins avaient peur de lui parce qu’il était armé. Avec toutes les lésions que j’avais sur mon corps, j’ai fait une fausse couche. Je saignais de partout. Mon mari m’a abandonnée là et s’est enfui. Il a été arrêté plus tard, puis emprisonné. Par pitié, j’ai été conduite à l’hôpital, mais personne ne pensait que je survivrais ».

« Je suis restée dans le coma pendant six jours à l’hôpital. Quand je me suis sentie mieux, je suis allée vivre avec ma vieille mère. Actuellement, je dépends d’elle pour tout. Lorsqu’elle est malade, je n’ai personne pour me donner à manger. Je ne peux pas me laver ni m’habiller moi-même ».

« Quand les voisins ont pitié de moi, ils viennent m’aider. Je suis plus impuissante qu’un nouveau-né ».

« Il y a deux semaines, ma belle-sœur est venue m’informer qu’il avait été libéré de prison. Je savais que pour moi cela signifiait la mort ; je me suis donc enfuie à Bujumbura. J’ai entendu dire que pendant son séjour carcéral, il avait juré "d’achever le travail" si jamais il venait à sortir de prison. Je l’ai entendu dire que sa première intention n’était pas de me couper les bras.

« Aujourd’hui, je ne demande que la justice et de l’aide ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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