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Le harcèlement des journalistes, un obstacle au développement

Les organismes de défense de la liberté de la presse s’accordent à dire que la multiplication des arrestations et des actes d’intimidation et de harcèlement à l’encontre des journalistes au Niger entrave le développement de ce pays, qui compte parmi les plus pauvres du monde.

Au moins 14 journalistes ont été arrêtés au Niger, en 2007. Quatre d’entre eux se trouvent encore en prison, en attendant d’être jugés. Parmi eux, le correspondant de Radio France Internationale au Niger, le directeur d’un journal nigérien et deux journalistes français, qui s’étaient rendus au Niger en décembre, pour réaliser un reportage pour le compte d’une chaîne de télévision française.

Selon le gouvernement nigérien, les quatre détentions en cours sont liées à la couverture médiatique de la rébellion qui secoue le nord du pays, et que le gouvernement avait interdit à tous les journalistes nationaux et internationaux de couvrir.

Dans son enquête annuelle, publiée le 9 janvier, la Fondation pour les médias en Afrique de l’Ouest (MFWA), sise au Ghana, a annoncé avoir observé 23 cas de violation de la liberté de la presse au Niger, sur un total de 142 cas constatés dans l’ensemble des 16 pays qu’elle a évalués en 2007 – soit le nombre de cas le plus élevé de tous les pays d’Afrique de l’Ouest.

La MFWA ne fait toutefois pas de distinction en fonction de la gravité de ces violations. Elle prend en compte les exclusions de journalistes lors de conférences de presse au même titre que les meurtres ou les agressions physiques perpétrées à l’encontre de reporters.

Or, dans son étude pondérée, réalisée en 2006, l’association Reporters Sans Frontières (RSF), sise à Paris, estimait qu’en Côte d’Ivoire, en Guinée, en Guinée-Bissau, en Sierra Leone, en Gambie et au Nigeria, la presse faisait l’objet d’une répression plus musclée qu’au Niger.

« Nous sommes inquiets de voir ce qui se passe au Niger, mais je n’irai certainement pas jusqu’à dire qu’il s’agit du pire pays d’Afrique de l’Ouest [en matière de liberté de la presse] », a tempéré Léonard Vincent, directeur des programmes de RSF en Afrique, ajoutant que la Gambie était un pays bien plus dangereux pour les journalistes.

Avec quatre chaînes de télévision privées, plus de 30 stations de radio privées et des dizaines de journaux indépendants à Niamey, la capitale, a expliqué M. Vincent, le Niger dispose même d’une des industries médias les plus dynamiques et déréglementées du continent.

« Il y a une vraie liberté de la presse au Niger », a-t-il affirmé.

Selon Aissata Fall Bagna, qui dirige les bureaux nigériens de Transparency International (TI), organisme de lutte contre la corruption, la répression des médias a débuté en milieu d’année 2007, lorsque le gouvernement a commencé à s’opposer à un mouvement rebelle récemment formé, qui opérait dans le nord du pays.

Depuis lors, des restrictions ont été imposées uniquement aux journalistes qui couvraient les questions liées à la sécurité, a-t-elle affirmé.

« Tout le monde parle librement de la corruption au Niger », a-t-elle expliqué, rejetant également les propos de la MFWA selon lesquels les journalistes seraient plus réprimés au Niger que dans certains autres pays d’Afrique de l’Ouest.

« Il n’y a pas de tabou quand il s’agit de couvrir la corruption et le développement, et les journalistes permettent aux gens d’obtenir toutes les informations dont ils ont besoin sur ces sujets, comme sur d’autres sujets liés au développement, au commerce et à la sécurité alimentaire », a-t-elle poursuivi.

« Pour les Nigériens, la liberté de la presse est sacrée, car nous pensons que, pour avoir une vraie démocratie, nous devons assurer une vraie liberté à la presse. Cela ne s’applique néanmoins pas aux questions de sécurité ».

Le Niger occupe la 123e place de l’Indice de perceptions de la corruption 2007 publié par Transparency International, sur 174 pays du monde.

Malgré tout, selon M. Vincent de RSF, la répression de l’information a bel et bien des répercussions sur le développement. « Lorsqu’une rébellion armée se forme dans des régions reculées, tue des soldats et pose des mines terrestres, et que le gouvernement réagit comme il l’a fait, par les blackouts sur l’information et la répression, cela entrave sans aucun doute le développement [du pays] », a-t-il estimé.

Un avis que partage Mohammed Shardow, chercheur à la MFWA. « Si vous observez le développement des pays d’Afrique de l’Ouest, il est clair que ceux où la presse jouit d’une vraie liberté sont plus développés économiquement que les autres, en partie parce que les journalistes contribuent à fournir au gouvernement et à d’autres une estimation assez précise de l’opinion publique », a-t-il résumé.

« Ce qui compte, c’est l’accès à l’information et le droit des gens à prendre des décisions éclairées, librement et sans répression », a souligné M. Shardow.

Le lien entre la démocratie, la liberté de la presse et le développement a été clairement formulé dans plusieurs études, publiées notamment par la Banque mondiale et les Nations Unies, selon lesquelles plus la presse est libre, plus ferme est le contrôle de la corruption, et plus les ressources sont consacrées aux questions de développement prioritaires.

Malgré la répression de ses journalistes, le Niger occupait une meilleure place qu’auparavant dans plusieurs des principaux indices de 2007. En juillet 2007, le pays a été félicité par la Banque mondiale pour avoir réduit son taux de corruption et progressé en matière de démocratie.

En décembre 2007, le Niger a gagné quatre places dans l’Indice de développement humain publié chaque année par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), et qui classe chaque pays en fonction des progrès qui y ont été accomplis relativement à divers indicateurs de développement, tels que l’éducation élémentaire pour tous, l’accès aux soins de santé, l’espérance de vie et l’alphabétisation.

Le Niger occupait la dernière place de cet indice depuis plusieurs années. Divisé entre une région nord désertique et une région sud semi-aride, le Niger, dont la superficie est égale à celle de l’Europe occidentale, compte parmi les cinq pays les plus pauvres du monde.

Les infrastructures de communication, de santé et d’éducation sont inexistantes dans de nombreuses régions et des centaines de milliers de personnes meurent chaque année, essentiellement de maladies et d’affections qui auraient pu être aisément évitables si ces personnes avaient eu accès à des services publics, même rudimentaires.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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