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Querelles autour de la question de l’héritage

Après avoir passé des heures à ramasser des pommes de terre dans un champ de Barue, dans le centre du Mozambique, Helena Ivan, 16 ans, a le droit d’en ramener quelques unes à la maison dans le petit balluchon qu’elle porte sur la tête.

Helena retourne vite chez elle pour s’occuper du ménage avant d’aller à l’école. Orpheline, elle habite avec ses deux frères dans le district de Barue, province de Manica, dans la région centrale du Mozambique. C’est elle qui les fait vivre.

Leurs parents sont décédés en 2005 d’infections liées au sida. Des biens qu’ils ont laissés – un kiosque, une maison, un minibus et quelques chèvres –, les enfants n’ont pu garder que la maison, car elle était enregistrée au nom du cadet, Januário, de 12 ans.

« Mes oncles ont pris les autres biens. Ils m’ont dit que nous n’avions pas l’âge de nous occuper de ces affaires. Mais ils ne nous donnent pas d’argent, et quand nous leur demandons de la nourriture, ils nous disent qu’ils n’ont pas d’argent», a raconté Helena.

Une étude menée par Save the Children sur l’héritage et le sida dans quatre districts du pays, dont Barue, a pu montrer que les veuves et les orphelins sont souvent privés de leurs biens par leur famille, et dans la plupart des cas ils n’arrivent pas à récupérer ces biens.

Le taux de mortalité élevé dû au sida ne fait qu’aggraver la situation. Des statistiques officielles révèlent que 1,6 million des 10 millions de Mozambicains de moins de 18 ans sont orphelins. Parmi eux, 380 000 ont perdu leurs parents à cause du sida.

L’étude a également montré que l’explosion du nombre d’orphelins est en train d’ébranler la structure traditionnelle de soutien aux veuves et aux orphelins, les privant du réseau sécurisant de la famille élargie.

Le Code civil et la Loi de la famille de 2004 établissent que les enfants et le conjoint du défunt sont les premiers sur la lignée de la succession.

Cependant, même lorsqu’ils sont lésés, les héritiers légitimes déposent rarement plainte, de peur des représailles ou par méconnaissance de leurs droits et des institutions qui peuvent leur venir en aide.

Selon l’étude, au Mozambique, à l’instar de la presque totalité du continent africain, trois lois régissent simultanément l’héritage, parfois de manière conflictuelle : la loi écrite, la loi coutumière et la loi religieuse.

Ainsi, selon les normes coutumières, dans une société patrilinéaire, comme c’est le cas à Barue, la propriété et le lignage passent par les hommes. Ce sont eux qui héritent de la maison, de la terre, du bétail et d’une partie de l’argent ; les femmes gardent la vaisselle, les vêtements et les autres biens immobiliers.

Les filles et les veuves peuvent se remarier, mais dans ce cas les biens dont elles ont hérité n’appartiennent plus à la famille du défunt.

Dans les sociétés matrilinéaires, en revanche, la terre et le lignage passent de mère à fille, par exemple dans le district de Nacala, dans la province de Nampula, dans le nord du pays. Les enfants, garçons et filles, ont les mêmes droits à l’héritage, mais peuvent le perdre.


Photo: Mercedes Sayagues/PlusNews
C'est souvent la famille du père des enfants devenus orphelins à cause du sida qui récupère les biens du parent décédé
La polygamie, pratique commune dans les quatre districts visés par l’étude, est une complication supplémentaire. Un homme peut avoir trois épouses ou plus, et beaucoup d’enfants. En général, la première épouse a plus de pouvoir et d’influence et peut être la seule à connaître l’existence des biens et du patrimoine de l’époux.

L’ignorance ne facilite pas les choses. L’étude a révélé que moins de la moitié des 376 personnes interviewées à Barue connaissaient les lois sur l’héritage.
L’autre problème, c’est que les parents n’ont pas pour habitude de rédiger des testaments.

Huit personnes sur 10 interviewées considéraient normal que les personnes déclarent seulement oralement à qui elles souhaitent léguer leurs biens. Or, la loi ne reconnaît que les documents écrits.

Ignorance et habitudes

À Catandica, capitale du district de Barue, les jeunes de l’association Rukariro (espoir, en Shona) qui rendent visite aux malades du sida profitent pour essayer de les convaincre d’écrire un testament, leur expliquant quels en sont les avantages et comment le faire, mais la réaction est lente.

«Rédiger un testament requiert une procédure compliquée devant les tribunaux, qui doivent traiter des affaires criminelles et des litiges », a dit le coordinateur du groupe, Alberto Mapondera. « Cela oblige les personnes à se rendre plusieurs fois au tribunal pour obtenir un testament ».

Barue, qui compte environ 96 000 habitants, affiche une séroprévalence de 19,3 pour cent, supérieure à la moyenne nationale qui est de 16,2 pour cent.

« Avec de plus en plus d’adultes qui meurent à cause du sida, les enfants sont laissés sans protection de la famille ce qui les rend vulnérables aux abus, à l’exploitation sexuelle et par le travail », a dit Judas Massingue, consultant pour le VIH/SIDA de l’organisation Save the Children-Norvège, à Manica.

Les adolescents Castigo Américo, 13 ans, et Frederico Manuel, 16 ans, ont été accueillis par des voisins quand ils ont perdu leurs parents. En échange de la nourriture et du logement, ils ont quitté l’école pour aller travailler dans les champs ou en vendant des beignets au marché de Barue.

«Je ne sais pas ce qui a été fait des biens que nous avions à la maison. Tout ce que je sais, c’est que la maison a été louée. Mon oncle n’est plus jamais venu me voir. C’est lui qui a demandé que je reste chez le voisin », a raconté Manuel.

« J’ai arrêté l’école parce que la dame avec qui je vivais m’a dit que je devais aider dans les champs et au marché pour contribuer à la rente familiale », a-t-il ajouté.

Pour Massinge, « il y a un besoin urgent que les organisations qui viennent en aide aux orphelins soient dotées de connaissances juridiques afin des les défendre ».

Depuis 2004, l’ONG Foro Mulher distribue un manuel dans les langues locales sur les droits à l’héritage et la loi de la famille, afin d’aider les leaders communautaires à protéger les veuves et les orphelins.

La bonne nouvelle révélée par l’étude, c’est que dans certains villages les pratiques traditionnelles sont en train de s’adapter aux lois et à l’impact causé par l’épidémie.

« La culture est dynamique […], et il existe des cas où les leaders traditionnels soutiennent vraiment les femmes et les enfants », a conclu l’étude.

ac/ll/ms/dc/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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