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Pour que l’histoire ne se répète pas

[CAR] Older AIDS orphans take care of younger ones in Bangui. [Date picture taken: 10/2006]
Anne Isabelle Leclercq/IRIN
Pour éviter à leurs cadets de subir les mêmes épreuves qu’eux et leur offrir ce dont ils ont été privés, des orphelins du sida d’un quartier populaire de Bangui sont prêts à tous les sacrifices.

Les parents de Serrano Mbango sont tous deux décédés d’infections liées au VIH/SIDA il y a six ans. Depuis, ce jeune homme aujourd’hui âgé de 24 ans se bat, avec d’autres jeunes comme lui, pour tenter de subvenir aux besoins des dizaines d’orphelins du sida qu’abrite le quartier pauvre de Kattin, dans le sud de la capitale centrafricaine.

«La mentalité centrafricaine fait que quand quelqu’un meurt du sida, la famille abandonne souvent ceux qui restent, même si ce sont des enfants», a dit ce jeune responsable de l’Association des orphelins du Recapev (AOR), le Réseau centrafricain des personnes vivant avec le VIH.

Une fois que les parents sont morts, a-t-il ajouté, «la famille vient récupérer les biens [des défunts], parfois même la maison, et ils laissent les enfants seuls.»

Selon les Nations unies, environ 140 000 enfants ont perdu un ou leurs deux parents d’infections liées au sida en RCA, tandis que plus de 10 000 vivent avec le virus dans ce pays de moins de quatre millions d’habitants, frontalier du Tchad, du Cameroun, du Soudan, du Congo et de la République démocratique du Congo.

Dévastée par des années de conflits meurtriers, confrontée à une insécurité persistante notamment dans le nord, la RCA affiche un taux de prévalence de 10,7 pour cent, le plus élevé d’Afrique centrale et le dixième au monde.

Marie-Solange Pagonendji-Ndakala, ministre de la Famille, des affaires sociales et de la solidarité nationale, a reconnu que l’ampleur de l'épidémie était «inquiétante».

«On voit mourir les gens qui ont été contaminés [par le VIH] il y a quelques années et le nombre d’orphelins du sida augmente», a-t-elle dit, ajoutant que l’Etat manquait de moyens pour répondre aux besoins de ces enfants.

Comme Serrano, Ghislain, 20 ans, est orphelin du sida. Lorsque ses parents sont morts il y a quatre ans, sa famille est venue vider la maison de son contenu avant de repartir, laissant les enfants seuls. Ce que la famille n’a pas pris, à savoir quelques ustensiles de cuisine, ce sont des voleurs qui l’ont emporté un peu plus tard.

En plus de ses frères et soeurs, Ghislain a accueilli dans sa petite maison en terre battue de Kattin d’autres orphelins du sida : ils sont aujourd’hui 13 enfants à y vivre et à dormir sur de simples nattes ; le jeune homme consacre la majeure partie de son temps à chercher de quoi les nourrir.

«Je demande aux boulangeries si elles n’ont pas quelque chose à donner, ou aux voisins s’ils peuvent aider avec quelques feuilles de manioc», a-t-il raconté. «Quand on trouve, on mange, sinon, on dort sans manger.»

Pour subvenir aux besoins alimentaires des plus jeunes, les aînés avaient pensé à faire un jardin potager. Grâce à l’aide de quelques bonnes volontés, ils ont pu collecter des graines et les planter sur un petit bout de terrain inoccupé.

«On avait planté des tomates, des légumes, ça poussait bien, mais le terrain n’était pas à nous et un jour, la propriétaire est arrivée, elle a tout arraché, on n’a rien pu manger», a-t-il raconté, désignant le petit lopin de terre à l’abandon.

Solidaires face aux difficultés

Lorsque les plus jeunes sont malades, c’est le même parcours du combattant pour trouver des médicaments. Parmi les orphelins dépistés et infectés au VIH, aucun ne reçoit d’antirétroviraux (ARV), a affirmé Julio. Les plus faibles nécessitent un suivi médical régulier, que les aînés tentent de leur assurer.

«On fait un plaidoyer à l’hôpital, dans les églises ou auprès d’organisations [caritatives], et la Croix-Rouge passe pour faire les vaccins», a expliqué Serrano. «Normalement, les soins devraient être gratuits pour les enfants dans les hôpitaux mais les médecins demandent souvent de l’argent. Beaucoup d’enfants sont morts du sida ici.»

Pour vivre malgré tout et dans les meilleures conditions possibles, les orphelins de Kattin s’entraident. Lorsqu’une partie du toit en tôles rouillées de la maison de Ghislain a été emportée par le vent, les plus grands se sont réunis et ont réparé eux-mêmes les dégâts.

Ceux qui trouvent des «petits boulots», de la couture, du transport de marchandises au marché ou des travaux champêtres, partagent leurs maigres recettes avec les autres. Malgré cela, la vie reste difficile et le moment des festivités de fin d’année est toujours douloureux, a avoué Serrano.

«Pendant les fêtes de Noël, nous ne sommes pas dans la joie, chez vous on pense d’abord aux enfants, chez nous, la fête, c’est seulement pour les enfants des patrons», a-t-il dit tristement.

Pour ce jeune homme volontaire, le seul espoir de voir un jour les orphelins s’en sortir est qu’ils suivent une scolarité. Mais pour pouvoir inscrire les enfants à l’école, il faut d’abord les doter d’un état civil, dont beaucoup sont dépourvus : les plus grands s’occupent donc de faire les démarches administratives pour fournir à leurs cadets des papiers d’identité.

«Les filles aussi veulent aller à l’école, et pour les grandes surtout, ça me gêne [qu’elles n’y aillent pas] parce qu’elles veulent avoir un bon travail plus tard pour s’occuper des cadets mais comme [en attendant] elles n’ont pas d’argent, certaines prennent des risques [face au VIH]», a expliqué Serrano, citant le cas de certaines orphelines du quartier, contraintes d’accepter d’avoir des relations sexuelles non protégées contre de l’argent.

La participation aux frais de scolarité est aussi un frein. Les aînés des orphelins qui ont pu étudier avant le décès de leurs parents, comme Serrano, ont donc décidé de transmettre leur savoir aux plus jeunes : assis sur le sol en terre battue de la maison de l’un d’eux, les enfants apprennent à lire et à compter sur un petit tableau noir posé au milieu de la pièce.

«Le problème, c’est que quand ils ont le ventre vide, ils n’écoutent pas», a déploré Serrano.

L’AOR reçoit parfois de l’aide des membres du Recapev, de voisins ou de paroissiens des environs, mais cette aide est irrégulière et insuffisante. Pour pouvoir bénéficier du soutien d’autres organisations, l’association, jusque là informelle, est en train de créer ses statuts.

«Il faut que les partenaires pensent à nous, qu’ils descendent sur le terrain pour voir comment on vit tous les jours», a plaidé Serrano. «On a perdu notre dignité, notre valeur, notre protection. Il faut nous aider, nous former, pour qu’on ne tombe pas dans la même condition que nos parents. Non, il ne faut pas qu’on connaisse ça ».

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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