La manifestation avait été organisée par des négociants de khat, suite à l’annonce des tribunaux islamiques interdisant les vols d’avions transportant ces feuilles légèrement narcotiques à l’aéroport de Kismayo.
« Ils [les négociants] étaient mécontents de la décision des tribunaux islamiques d’interdire un commerce qui leur permettait de gagner leur vie », a expliqué un témoin oculaire. Mais le mouvement islamique a décidé que cette interdiction prendrait effet pendant la période du Ramadan.
Un peu plus tôt, des milliers d’habitants de Kismayo s’étaient rassemblés dans les rues pour accueillir et célébrer la prise de la ville par le groupe islamique. Kismayo est située à Lower Juba, une région agricole riche et économiquement importante. La prise de Kismayo étend la mainmise des tribunaux islamiques à tous les ports du sud et du centre de la Somalie et accroît leur pouvoir sur cette région.
La veille de la prise de la ville portuaire, le chef de la milice locale qui contrôlait Kismayo a quitté les lieux. Les troupes des tribunaux islamiques « sont entrées dans Kismayo vers 6 heures du matin [lundi] heure locale, et n’ont rencontré aucune résistance », a déclaré Yusuf Mire Serar, vice-président de l'alliance de Juba Valley (JVA), qui contrôlait jusque-là la ville.
Le colonel Barre Hiraale, président de JVA et ministre de la Défense du gouvernement fédéral de transition (TFG), et plusieurs de ses partisans ont quitté Kismayo en emportant du matériel militaire (char d’assaut), à la suite de dissensions survenues au sein de son mouvement à propos de l’attitude à adopter vis-à-vis des tribunaux islamiques.
« Nous étions en discussion avec les tribunaux islamiques depuis la semaine dernière et certains d’entre nous sont arrivés à la conclusion qu’il ne devrait pas y avoir de combat à Kismayo », a déclaré M. Serar. « La majorité ne voulait pas d’effusion de sang à Kismayo et c’est pour cette raison que nous avons décidé de laisser prendre la ville sans résistance. Malheureusement M. Barre, qui ne partageait pas cet avis, a quitté la ville dimanche soir pour se rendre à Gedo [région du sud-ouest] ».
Selon lui, les tribunaux islamiques auraient accepté de garantir la sécurité de M. Hiraale et de ses forces « jusqu’à Gedo ».
Les tribunaux islamiques ont expliqué qu’ils se sont rendus à Kismayo sur l'invitation des habitants de la ville.
« Nous n'avons pas eu recours à la force. Nous avons été invités par la population locale qui a demandé du renfort pour lutter contre l’invasion de forces étrangères », a déclaré Ibrahim Hassan Adow, secrétaire des Affaire étrangères du mouvement des tribunaux islamiques.
Les tribunaux islamiques ont établi des points de contrôle sur « toutes les artères principales de la ville », a affirmé Ali Abdulkadir, un habitant de Kismayo. « Tout le monde continue de vivre comme si rien ne s’était passé » a-t-il ajouté. « La plupart des gens ont réservé un bon accueil aux éléments des tribunaux islamiques ».
Selon M. Abdulkadir, plusieurs commandants de la JVA sont se sont ralliés aux tribunaux islamiques et coopèrent dorénavant avec eux. « M. Barre est parti avec environ 26 engins militaires, ses plus fidèles partisans et des membres de sa famille », a-t-il dit.
Pour l’instant, le gouvernement fédéral de transition n’a fait aucun commentaire sur la prise de Kismayo. Toutefois, il avait précédemment déclaré que toute avancée des tribunaux islamiques serait considérée comme une violation du récent accord de cessez-le-feu signé entre les deux parties à Khartoum, la capitale soudanaise.
Les relations entre le gouvernement de transition et les tribunaux islamiques se sont détériorées depuis le mois de juin, lorsque les forces du groupe islamique se sont emparées de Mogadiscio après avoir défait les seigneurs de la guerre qui contrôlaient la ville depuis 1991, suite à la chute du régime du défunt président, Muhammad Siyad Barre.
Depuis, les tribunaux islamiques ont étendu leur autorité à d'autres régions du sud de la Somalie, au grand dam du gouvernement de transition, une administration mise en place en 2004 à la suite de pourparlers du Kenya qui ont scellé la réconciliation entre les divers clans de la Somalie et les factions politiques.
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