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Le viol, une arme de guerre encore présente après la fin des hostilités

La fin de la guerre et la mise en place des institutions de la transition n’ont pas suffi à arrêter les vagues de viols des femmes et d’enfants en République démocratique du Congo (RDC).

Le nombre de victimes de viols ne fait en effet qu’accroître, ont indiqué les différents organismes luttant contre la violence sexuelle.

Des statistiques définitives n’existent pas encore sur ces abus. Néanmoins, 'l'Initiative conjointe de la lutte contre les violations sexuelles faites à la femme et à l'enfant' a pu réunir quelques chiffres. Ce groupe a été créé après la guerre. Il rassemble des représentants des agences des Nations Unies, des ONG et du gouvernement.

Depuis le début de la guerre, en 1998 ,"il y a eu 25.000 cas de violences sexuelles enregistrés au Sud-Kivu [est du pays], 11.350 cas au Maniema [est du pays], 1.625 cas à Goma [chef-lieu du Nord Kivu à l'est du pays], et près de 3.250 à Kalemie [une ville du sud-est]," a déclaré le 3 mars à IRIN, Flora Tshirwisa, un membre de l’initiative et directrice du programme santé de la reproduction à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Elle a en outre précisé que le phénomène se rencontre également dans des zones non directement affectées par la guerre, comme à Kinshasa la capitale par exemple, avec un nombre de 1.162 cas de viols d'enfants et de femmes enregistrés depuis 1998.

L’enquête du groupe d’Initiative n’est pas par ailleurs exhaustive car ne couvrant pas l'intégralité du territoire.

"Même si on dit que la guerre est terminée, des personnes conservent maintenant la culture de la guerre; il faut mener une lutte efficace pour arrêter ce phénomène," a noté Mme Tshirwisa.

De tout le territoire, la partie Est du pays reste la zone où les cas de viols ont été et sont encore les plus répandus.

Deux raisons expliquent l’explosion des chiffres, selon le groupe de l'Initiative.

La première est relative à la constatation d'un phénomène d'une grande ampleur pas forcément lié à la guerre. Des nombreux cas de viols sont en effet commis en dehors des zones de combats.

Le recours au viol en période de conflit a des causes multiples, a déterminé le groupe d'Initiative. Il permet aux violeurs de prouver leur domination et d'installer un climat de terreur dans la localité attaquée.

"L’age des femmes violées va de 4 à 80 ans. Il s’agit très souvent de viols collectifs commis durant la guerre et en présence de la communauté," a précisé Mme Thsirwisa.

Le viol est aussi utilisé à titre de représailles ou de vengeance quand il n'est pas dicté par certaines pratiques fétichistes.

"Certaines gens ont dans leur tête la conviction, selon une croyance erronée, répandue dans la partie Est, que si une personne adulte affectée par le VIH/Sida viole une enfant, elle sera guérie," a rapporté José Mutima, un assistant chargé du monitoring au Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme.

La deuxième raison tient au fait que nombre de victimes de ces abus dévoile de plus en plus les exactions subies par elles durant la guerre.

Les campagnes menées par des ONG, a estimé le groupe de l'Initiative, ne sont pas étrangères aux dénonciations des femmes. Le travail des ONG leur permet ainsi de s'affranchir de toute espèce de honte, de dénoncer les violences, d’être aidées psychologiquement et médicalement et parfois d'être soutenues dans leur réintégration dans la société.

Mamie Mboroko, une jeune fille de 17 ans, enceinte de neuf mois, a été ainsi recueillie à Goma par l’ONG américaine Doctors on Call for Service (DOCS), après avoir été utilisée comme esclave sexuel durant un peu plus d’un mois.

Près de 1.500 femmes violées, comme elle, ont été soignées dans ce centre.

Mamie ne connaît pas avec exactitude l’auteur de sa grossesse et craint l'avenir avec le bébé qu’elle mettra au monde.

Elle a eu la chance de pouvoir s’échapper de la forêt de Mbolo, près d’Uvira dans la province du Sud-Kivu où ses ravisseurs l’avaient, parmi tant d'autres, emmenée.

Elle a témoigné avoir été enlevée au début du mois de mai dernier par des rebelles burundais des Forces pour la défense de la démocratie (FDD) lors d'une attaque d'un quartier de Bukavu, dans la province du Sud-Kivu. Au cours des événements les rebelles avaient tué son père, sa mère et son frère aîné.

"Ils m’ont emmené dans leur cachette dans cette forêt. Et là, j’ai été régulièrement violée par trois combattants, à tour de rôle, le matin, à midi et la nuit. Ils n'utilisaient pas de préservatifs," a raconté Mamie.

"En plus, mes ravisseurs me battaient très fort chaque jour car je pleurais en me rappelant que j’étais contrainte de faire l’amour avec des hommes qui venaient de tuer mon père, ma mère et mon frère," a-t-elle ajouté.

"J’étais tellement malade que mes ravisseurs ont fui pour ne pas me voir mourir. J’ai rassemblé à ce moment là mes dernières forces pour m’échapper presque nue. Dans la forêt, il n’y avait pas le moindre cachet pour ne fut-ce que calmer de simples céphalées," a-t-elle dit.

Bien que traumatisée, elle se réconforte quelque peu de n'avoir pas contracté le VIH/Sida.

Nombreuses sont néanmoins les femmes à avoir été infectées par le VIH/Sida.

La conséquence de ces viols massifs est une augmentation du taux d’infection par le VIH/Sida dans plusieurs agglomérations ou villages de l'Est de la RDC.

"J’ai enregistré un taux de prévalence du VIH/Sida de 12% parmi les femmes violées," a déclaré le docteur Kalume.

Ce taux est, d’après le Programme national de lutte contre le sida, le même pour certaines grandes villes de l’Est comme à Kisangani, à Kindu, à Goma et Bukavu.

Outre le Sida, des complications uro-génitales noircissent le tableau.

"Une bonne centaine de femmes soignées ici souffrent de complications uro-génitales graves que nous appelons des fistules uro-génitales. Elles sont très difficiles à soigner," a déploré le docteur Jacques Kalume, médecin directeur pour l’ONG 'DOCS'.

Nombres de femmes soignées par l’ONG américaine ont perdu les membres de leurs familles, tués par des groupes armés ou ont été rejetées par leurs maris et leurs proches.

"Les femmes violées sont dans la plupart des cas rejetées par leurs proches et bon nombre de leurs maris ne veulent plus entendre parler d’elles," a affirmé Josiane Mutombo de l'ONG Nouvelle dynamique pour la jeunesse féminine. De ce fait, "certaines femmes hésitent encore à dénoncer les viols dont elles ont été victimes pour éviter d'être rejetées ensuite par la société", a expliqué Milen Kidane, chargée de protection pour le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF) à Goma.

Malgré l’appui des partenaires humanitaires, la situation de ces femmes restent précaires. Elles manquent de tout. Leur principal combat - mené avec les humanitaires - est de se faire à nouveau accepter par la société.

Depuis la fin des hostilités elles attendent d'être dédommagées par les responsables de ces actes.

"Même si une Commission vérité et réconciliation a été créée, les auteurs de ces viols doivent être punis, car l'impunité encourage la continuation de ces viols," a déclaré Josiane Mutombo.

Le modèle de la Commission vérité et réconciliation (CVR), est calqué sur celui établi en Afrique du Sud. Elle compte parmi les cinq institutions d’appui à la démocratie prévues au cours du dialogue inter-congolais.

Cette CVR est chargée de rétablir la vérité, de réconcilier les anciens ennemis et de réparer des torts commis durant les cinq années de guerre qui ont entraîné 3,5 millions de morts et déplacé près de 3 millions de personnes.

"La plupart des femmes violées sont très traumatisées. Ces femmes vivent tous les jours avec leurs bourreaux, des gens bien connus, que personne n’inquiète, alors qu’elles, les victimes, sont rejetées," a dit José Mutima.

Le président de la RDC Joseph Kabila et un de ses quatre vice-présidents, Azarias Ruberwa, en charge de la commission politique, défense et sécurité, ont récemment annoncé que les auteurs des viols de l'après guerre feront l’objet des poursuites judiciaires.

M. Ruberwa, leader de l’ancien mouvement rebelle, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma) n'a pas hésité à qualifier ces actes des crimes contre l’humanité.

"Le viol est d’abord une violation de la loi et est actuellement qualifié par le statut de Rome [du 17 juillet 1998 relatif à la Cour pénale internationale dont le siège est à La Haye (Pays Bas)] comme un crime contre l’humanité," a ajouté M. Mutima. Ce crime est par ailleurs imprescriptible.

Pour aider ces femmes, le groupe d’initiative a créé un fonds d’assistance judiciaire. Ce fonds a déjà reçu l’aval des bailleurs de fonds dont la Banque mondiale. Il sera officiellement effectif lundi, à l’occasion de la journée mondiale de la femme.

"Ce fonds d’assistance judiciaire aux victimes de violences sexuelles, servira d'abord à constituer des dossiers sur les cas de viols, puis à assister les avocats et les magistrats," a ajouté M. Mutima.

Le fond permettra également de former des magistrats et de doter les tribunaux en matériel informatique.

Le groupe d’initiative entend aussi pourvoir aux frais nécessaires au suivi des dossiers judiciaires des femmes victimes.

"La plupart de ces femmes sont des paysannes qui font les travaux champêtres. Elles ne vont plus en brousse préférant rester à la maison. Rejetées, elles n’ont plus aucune ressource pour payer les frais nécessaires aux procédures judiciaires," a expliqué M. Mutima.

Seule une enquête judiciaire pourra déterminer de manière précise les auteurs de ces actes. Selon les témoignages des femmes, les auteurs identifiés sont généralement des personnes en uniformes militaires, appartenant aux forces armées ou aux milices, ce qui n'exclut pas pour autant les civils.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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