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Humanitaires improvisés — l’essor et le possible déclin de l’aide de la diaspora syrienne

Men distribute water at a refugee camp established near Peshkhabor, Iraq. Tens of thousands of Iraqis were forced from their homes by the recent advancements of the IS and have sought shelter in the relative safety of Iraqi Kurdistan. Mackenzie Knowles-Coursin/IRIN
Men distribute water at a refugee camp established near Peshkhabor, Iraq.
Il y a quelques années, Hussein ignorait presque tout de l’aide humanitaire. Ce Syrien affable, vendeur de voitures à Doha, vivait une vie simple partagée entre son domicile et son travail. À part quelques cadeaux ou transferts d’argent occasionnels, il n’avait jamais rien envoyé en Syrie. 

Aujourd’hui, Hussein est pourtant devenu un expert en logistique. Responsable d’un bureau d’aide créé pour la circonstance à Doha et dirigé par des bénévoles syriens, il passe ses soirées et ses weekends à envoyer des articles de secours à Deir Ezzour, sa province d’origine. Dans une récente campagne, l’association a collecté des couvertures et des vêtements pour l’hiver. Une autre fois, c’était des denrées alimentaires et avant ça, des produits pour les réfugiés du camp jordanien de Zaatari. « Les gens sont très heureux de pouvoir faire quelque chose », a-t-il dit. 

Hussein n’est qu’un membre parmi d’autres de cette armée d’expatriés syriens qui, depuis 2011, utilisent leur temps libre, leurs économies et même leurs revenus pour envoyer de l’aide chez eux. On estime à environ 10 millions le nombre d’expatriés syriens qui vivaient déjà à l’étranger bien avant que le printemps arabe atteigne leur pays d’origine. Nombre d’entre eux étaient des opposants aux gouvernements successifs d’Hafez Al-Assad et de son fils, Bachar. Connaissant personnellement la rigueur du régime, ils aidèrent de bon coeur les manifestants à se rassembler. Et si de nombreux travailleurs du Golfe avaient peu d’économies sur lesquelles compter, d’autres s’étaient constitué de grands empires commerciaux et une vie stable de classe moyenne. 

Les expatriés commencèrent leur action avec une idée simple en tête : si le monde entier pouvait assister au soulèvement des Syriens, il ne tolèrerait pas la répression. Les réseaux sociaux pouvaient diffuser des images des manifestations et des vidéos de la réaction des forces de sécurité. Ce système avait entraîné la chute des dirigeants tunisien et égyptien, pourtant au pouvoir depuis longtemps et, en Libye, l’Occident était prêt à intervenir pour empêcher l’armée de l’air de Mouammar Kadhafi de frapper des civils. Les expatriés pensaient donc qu’en Syrie non plus personne ne supporterait de regarder sans rien faire le président Bachar Al-Assad assassiner des manifestants sans armes.

Dès que les manifestations dégénérèrent, les entrepreneurs du Golfe commencèrent à chercher des façons de fournir aux militants des outils de désobéissance civile : appareils photos, téléphones portables, crédit de communication et parfois même des téléphones satellites. « Il y avait toujours une voie commerciale solide entre le Golfe et la Syrie et nous comptions parmi nous des personnes qui savaient comment transporter ce matériel », s’est souvenu un expatrié qui a participé à cette initiative depuis Abu Dhabi.

À chaque envoi, les petits groupes d’exilés de toute la région s’organisaient un peu mieux. Bientôt, ils formèrent ce qu’ils appellent des comités locaux de coordination, ou tansiqiya. Des structures parallèles émergèrent sur le terrain en Syrie. Ensemble, ces réseaux constituèrent une chaîne d’approvisionnement. Les tansiqiya sur le terrain envoyaient des listes de matériel dont ils avaient besoin et les tansiqiya à l’étranger les leur envoyaient.

Étonnamment, ces réseaux de la diaspora apparurent simultanément et indépendamment les uns des autres. Aux Émirats arabes unis, les expatriés soutenaient qu’ils étaient seuls, tout comme des groupes similaires de Syriens au Koweït et au Qatar. Un réseau de soutien naissait en exil aussi naturellement que le soulèvement lui-même. 

Bientôt, les outils envoyés par les exilés pour éviter un bain de sang les transformèrent en humanitaires. 

Mi-2011, les forces de sécurité encerclaient les jeunes hommes dans des bastions d’opposition et leurs familles avaient besoin d’aide pour payer les factures. Les militants réclamaient du matériel médical pour soigner les blessés, qui risquaient de se faire arrêter s’ils se rendaient dans les établissements de santé publics. Soudain, plutôt que des smartphones Samsung, les cartons à destination de la Syrie se trouvèrent remplis d’antibiotiques et de poches de sang. 

À mesure que la crise humanitaire s’étendait, la diaspora était la mieux placée pour comprendre les besoins sur le terrain. « La difficulté [pour les organisations humanitaires], c’était d’entrer en contact avec la population », a expliqué Hussein. Les organisations internationales avaient du mal à réunir des informations depuis l’arrière des lignes de front changeantes. Les membres de la diaspora, en revanche, pouvaient envoyer des messages à leurs proches sur le terrain pour être instantanément mis au courant des changements et y répondre rapidement. Pour chaque zone ou ville dans le besoin « un Syrien ici [au Qatar] connaît une personne de confiance à l’intérieur » — que ce soit un ami ou un parent — à qui envoyer l’aide, a expliqué Hussein.

Les réseaux sociaux permirent aux expatriés d’acheminer l’aide grâce à de multiples intermédiaires. À chaque étape du transport, des ports de Dubaï ou de Doha jusqu’en Syrie, quelqu’un prenait en photo les cargaisons pour en attester la bonne livraison. Des vidéos filmées sur le terrain prouvaient à la diaspora que leurs dons de matériel médical, de nourriture, de vêtements et même de cigarettes étaient arrivés à destination.  

Ces aides étaient souvent mal coordonnées, sporadiques et désordonnées, mais elles parvenaient dans des zones auxquelles les autres organisations de secours n’avaient pas accès. Grâce à leurs relations personnelles et à leur connaissance du terrain, ces réseaux réussissent à passer les postes de contrôle — souvent grâce à quelques billets de banque — plus facilement et avec moins de restrictions politiques que les organisations humanitaires officielles. « Pour acheminer de la nourriture vers certaines régions, nous versons trois fois le prix de cette nourriture à l’armée syrienne, » a expliqué une expatriée aux Émirats Arabes Unis.

Aujourd’hui, quatre ans après le début du conflit syrien, les tansiqiya de la diaspora se sont révélées être parmi les sources les plus importantes d’aide pour des millions de civils. Mais cela risque de ne pas durer. De nombreux membres de la diaspora, qui n’auraient jamais pensé que le soulèvement durerait aussi longtemps, ont épuisé leurs économies personnelles en envoyant de l’aide. Les Syriens à l’étranger organisent des dîners, agissent en partenariat avec des organismes de bienfaisance locaux et acceptent toutes sortes de dons. Mais ils continuent à chercher des manières de financer la plus grande partie de l’aide eux-mêmes. Un nombre incalculable d’hommes, de femmes et de jeunes dépensent la majeure partie de leur salaire à envoyer de l’aide. 

Pourtant, les besoins s’accroissant, toute la générosité de la diaspora ne suffira pas. Le soutien familial depuis l’étranger dont dépendent tant de Syriens se réduit comme peau de chagrin. C’est probablement l’une des raisons pour lesquels de plus en plus de réfugiés partent vers l’Europe en quête de sécurité. Désespérée et en faillite, la diaspora ne peut empêcher des millions de Syriens de la rejoindre. 
 
Elizabeth Dickinson est l’auteure de Godfathers & Thieves: How Syria’s Diaspora Crowd-Funded a Revolution [Parrains et voleurs : Comment la diaspora syrienne a soutenu la révolution grâce au financement participatif] .
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