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L’Ouganda devrait-il se retirer du Soudan du Sud ?

Ugandan president Yoweri Museveni (R) and South Sudan president Salva Kiir Mayardit (L) UN Photo
Alors que le processus de paix au Soudan du Sud est au point mort, des questions s’élèvent quant à l’intervention militaire de l’Ouganda. Selon certains analystes, celle-ci entrave les efforts régionaux pour parvenir à un accord de paix.

Bien que le président sud-soudanais Salva Kiir et le chef de l’opposition Riek Machar, protagonistes du conflit, aient signé le 23 janvier un Accord de cessation des hostilités appelant au retrait progressif de toutes les troupes étrangères présentes au Soudan du Sud, les Forces de défense populaires de l’Ouganda (UPDF) sont toujours là.

« Nous continuons de soutenir la mise en application de l’Accord de cessation des hostilités du 23 janvier, qui appelait au retrait de toutes les forces extérieures au Soudan du Sud », a dit à IRIN Erin Rattazzi, porte-parole par intérim du Bureau africain du département d’État américain.

Le président ougandais, Yoweri Museveni, a laissé entendre que l’Ouganda retirerait ses troupes lorsque l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), l’organe régional de médiation entre les belligérants, dont l’Ouganda est membre, déploierait sa force de protection et de dissuasion. On ignore toutefois encore quand cette force deviendra opérationnelle.

Sécuriser Juba

Au mois de décembre, M. Museveni a envoyé des soldats et des avions pour, selon ses propres mots, éviter un possible génocide au Soudan du Sud. Le Parlement a autorisé rétroactivement la mission, qui était prévue à l’origine pour évacuer les milliers d’hommes d’affaires ougandais vivant au Soudan du Sud et protéger les intérêts du gouvernement tels que l’aéroport et le Palais législatif.

Le rôle de l’armée a cependant changé pour éviter un massacre à Juba.

M. Museveni a évité « des pertes colossales de vies et de biens » dans la capitale et empêché le gouvernement sud-soudanais de riposter face à l’avancée de l’Armée blanche, principalement composée de jeunes nuer, en mobilisant ses propres « groupes ethniques alliés pour faire des ravages », selon Abraman Awolich, fondateur du Sudd Institute, basé à Juba.

« Vu ce qui s’est passé quand les dizaines de milliers de miliciens de ladite Armée blanche ont pris le contrôle de Bor, ils auraient causé un génocide s’ils avaient réussi à atteindre Juba, car ils avaient l’intention de tuer, de piller et de détruire les propriétés publiques et privées », a ajouté M. Awolich.

On ignore quel contrôle M. Machar exerce sur l’Armée blanche et dans quelle mesure ses membres respecteraient un ordre de cessez-le-feu.

« La dégradation de la sécurité et de l’État de droit qui a suivi l’APG [Accord de paix global, signé en 2005 entre Khartoum et le Soudan du Sud], notamment en milieu rural, a nécessité une militarisation soutenue des jeunes et le recours à la vengeance pour offrir un sentiment de justice et compenser les pertes de vies et de biens », note un rapport sur le rôle de l’Armée blanche publié en juin par l’Institut d’Oslo de recherches sur la paix (PRIO).

« Même s’ils coopèrent militairement contre le gouvernement dans le conflit actuel, ils ont combattu en parallèle et sous des structures de commandement différentes », ont dit les auteurs du rapport.

Panther Alier, un ancien « garçon perdu » qui est rentré au Soudan du Sud après son indépendance pour travailler dans le développement, convient que M. Museveni a « évité un désastre » et un génocide potentiel dans la capitale, mais il estime que l’aide des Ougandais n’est plus aussi nécessaire. (Les garçons perdus étaient des enfants orphelins qui ont marché sur des centaines de kilomètres pour fuir la guerre civile soudanaise de 1986-2005).

« Leur présence ne représente actuellement qu’une aide psychologique », a-t-il dit à IRIN. « Il ne s’agit que de deux bataillons et leur rôle dans une guerre de longue durée ne serait que minime. »

Les troupes ougandaises ont « fait plus de bien que de mal », a-t-il cependant remarqué.

Le rôle « partial » de l’Ouganda


Certains s’inquiètent de voir que Kampala contribue maintenant à l’impasse persistante.

Selon Akshaya Kumar, analyste politique du Soudan et du Soudan du Sud pour le projet Enough, les actions militaires de l’Ouganda ont été « profondément politisées ». Le gouvernement sud-soudanais prétend qu’elles étaient nécessaires pour protéger Juba, tandis que l’opposition fait valoir cette intervention pour retarder l’application de l’accord de cessation des hostilités.

« La présence continue de l’Ouganda dans le pays affecte sans aucun doute l’équilibre des pouvoirs dans le conflit », a-t-elle dit à IRIN. « Pour que les pourparlers de paix se traduisent par une solution durable et globale, il est nécessaire de concevoir une approche intégrant bien plus l’ensemble des parties au conflit. Le retrait des soldats ougandais et l’arrivée d’autres forces de l’IGAD pourraient servir de levier pour garantir la tenue de discussions ouvertes à tous. »

« La présence de toute force étrangère au Soudan du Sud doit se faire sous l’égide du bloc régional ou des Nations Unies et les troupes doivent venir de pays perçus comme neutres ou qui le sont réellement », a dit à IRIN Nicholas Opiyo, analyste politique en Ouganda.

« Le rôle de l’Ouganda dans le conflit est partial – non pas en tant qu’arbitre, mais en combattant aux côtés des forces de M. Kiir. [Les forces ougandaises] font donc partie du problème et ne peuvent pas faire partie de la solution », a-t-il dit.

Des organismes confessionnels sud-soudanais ont également soutenu que le rôle militaire de l’Ouganda posait problème.

« Une aide étrangère est nécessaire, mais ne devrait pas pouvoir déterminer le programme du processus de paix et de réconciliation », a dit à IRIN le révérend Bernard Suwa, secrétaire général du Comité pour l’apaisement national, la paix et la réconciliation (Committee for National Healing, Peace and Reconciliation, CNHPR). « Comme vous le savez peut-être, la guerre est devenue une entreprise et nous ne devrions pas permettre à des forces extérieures de manipuler le processus de réconciliation dans leur propre intérêt égoïste. »

Des critiques injustes ?

L’ambassadeur sud-soudanais en Ouganda, Samuel Luate Lominsuk, n’est pas du tout d’accord. « L’appel au retrait des troupes ougandaises du Soudan du Sud n’est pas sérieux. Les troupes sont là pour apporter la paix et la sécurité. La délégation rebelle veut que les troupes ougandaises s’en aillent pour pouvoir aller à Juba et déstabiliser le pays », a-t-il dit.

« L’Ouganda ne retirera ses troupes qu’après le déploiement de la force régionale de protection et de dissuasion de l’IGAD pour combler le manque d’effectifs sur le terrain. Si [les forces ougandaises] se retirent sans que l’IGAD ne soit sur le terrain, cela créera un vide qui renversera la situation actuelle de paix et de stabilité », a-t-il ajouté.

M. Museveni, le président ougandais, s’est fait l’écho de ce sentiment. « [Nous retirer] ne nous pose aucun problème. Nous n’avons plus rien à faire là. Nous avons atteint l’objectif pour lequel nous nous étions déployés là : maintenir la paix et réconcilier [M. Kiir et M. Machar] », a-t-il dit. « Nous y sommes allés pour mettre fin aux combats. Nous ne souhaitions pas l’effondrement du Soudan du Sud. Nos frères vont maintenant avoir la chance de reconstruire leur pays. »

Mais les pourparlers de paix ayant été reportés pour « consultations » à la suite du boycott des discussions par l’opposition le 10 juin, il semble peu probable que l’Ouganda se retire bientôt.

Tensions régionales

Stephen Oola, analyste de la justice transitionnelle et la gouvernance pour le Refugee Law Project de l’Université Makerere, a dit à IRIN que « la paix au Soudan du Sud est dans l’intérêt de l’Ouganda », mais l’intervention militaire de l’Ouganda a peu de chances de réaliser cet objectif.

« Si les pourparlers de paix échouent et, pire, s’ils échouent parce que l’intervention de l’Ouganda y fait obstacle, l’histoire nous jugera rapidement et les conséquences pourraient être terribles. Cela affaiblirait non seulement l’IGAD en tant qu’institution ayant pour but de résoudre les conflits entre les États membres de manière pacifique, mais cela présenterait clairement l’Ouganda comme une force d’occupation », a-t-il dit.

Pour certains observateurs, l’Ouganda est intervenu militairement pour défendre ses propres intérêts.

« Yoweri Museveni a cultivé assidument des liens personnels avec Salva Kiir, le président sud-soudanais. Le scénario que l’Ouganda craint le plus est une victoire absolue des forces de l’opposition », a dit Berouk Mesfin, chercheur principal à l’Institut d’études de sécurité d’Afrique. « Cela pourrait conduire à la chute de [M.] Kiir, ce qui représenterait un revers stratégique pour l’Ouganda et éroderait sa capacité d’influence sur les futurs développements au Soudan du Sud. »

La situation a renforcé les tensions entre les autres voisins du Soudan du Sud. « Le conflit prend déjà une dynamique régionale », a dit M. Opiyo. « La seule différence, c’est que ces pays étrangers ne se battent pas activement les uns contre les autres. Les tensions sont cependant manifestes. »

« Une régionalisation de cette crise serait très inquiétante. Nous travaillons étroitement avec des partenaires de la région, notamment avec l’IGAD, pour favoriser une résolution pacifique de ce conflit », a dit Mme Rattazzi. « Leur rôle a été décisif pour amener les parties à la table des négociations. Nous nous opposerions à tout effort venant de l’étranger favorisant l’expansion ou l’escalade du conflit. »

So-aps/cb-ld/amz

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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