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Interview avec Petronille Vaweka, la présidente de l’assemblée spéciale intérimaire pour l’Ituri

Petronille Vaweka est la présidente de l'assemblée spéciale intérimaire pour l'Ituri, une région riche en ressources naturelles, dans le Nord-Est de la République Démocratique du Congo (RDC). L'Ituri, a été dévastée en raison d'affrontements pour le contrôle économique et politique de la région. Les combats ont entraîné la mort de 50.000 personnes et déplacés plus de 500.000 autres depuis 1998, lorsque la dernière guerre avait éclaté en RDC.

Les combats entre les ethnies Lendu et Hema ainsi que leurs alliés respectifs, ont continué malgré l'installation d'un gouvernement transitoire et d'une armée unifiée pour mettre fin à plus de quatre années de guerre en RDC.

Petronille Vaweka a été choisie pour servir en tant que députée de sa province au sein de l'assemblée nationale transitoire. La période transitoire s'achèvera dans deux ans avec l'organisation d'élections générales.

IRIN l'a rencontrée, vendredi dernier à Bruxelles (Belgique), à l'occasion d'une tournée en Europe organisée par Pax Christi International, un mouvement international catholique pour la paix. Sa visite intervient au moment où les derniers éléments de l'opération Artémis, lancée le 12 juin 2003 par l'UE sous mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies, ont quitté Bunia, le chef-lieu de l’Ituri, le 6 septembre. Artémis a depuis lors été remplacé par la force des Nations Unies, la Monuc, qui dispose d'un mandat renforcé.

QUESTION: Comment évaluez-vous l'opération Artémis? A-t-elle stabilisé l'Ituri?

REPONSE: La mission Artémis a été nécessaire, car elle est intervenue à un tournant : l'espoir commençait à diminuer et la MONUC n'avait pas de mandat musclé. Les groupes armés commençaient à se renforcer et c'est grâce à Artémis qu'on a pu éviter le pire. Depuis les affrontements de mai et de juin 2003, la ville de Bunia s'était vidée de ses habitants. Ceux-ci ont pu revenir durant l'opération Artémis et, s'ils ne pouvaient rentrer chez eux, ils étaient au moins sous les bâches en ville.

Q: La mission est, à présent, terminée. Ne risque-t-on pas de retomber dans la situation antérieure?

R: La mission Artémis n'était pas de se déployer à l'intérieur de l'Ituri, mais de sécuriser et de désarmer la ville de Bunia. La force de la MONUC qui vient d'arriver aura une lourde tâche, car elle devra s'appuyer sur ce qu'Artémis a fait pour déployer ses troupes à l'intérieur de l'Ituri. Mais pour qu'elle soit efficace, trois conditions devront être respectées: maintenir une stratégie conforme au mandat sous chapitre sept de la charte des Nations Unies, remplir le cadre prévu pour les effectifs et respecter le plan de déploiement. Mais je suis déjà rassurée par le fait qu'Artémis lui a ouvert la voie et qu'elle se montre également disposée à discuter avec les habitants.(1)

Q: Quel est l'avenir de la Commission de pacification de l'Ituri (CPI) étant donné l'installation du gouvernement de transition à Kinshasa?

R: L'actuelle administration de l'Ituri est intérimaire. Il faudra donc que dans un proche avenir le gouvernement de transition puisse étendre son autorité de manière plus visible jusqu'en Ituri. Disons que la CPI aura encore besoin de quelques mois afin de préparer les gens à une cohabitation pacifique, ce qui est son premier rôle. Jusqu'à présent, elle n'a pas pu travailler convenablement à cause des groupes armés.

Q: Que sont devenus ces groupes armés?

R: Artémis a mené une véritable politique de dialogue avec ces milices, ce qui a amené certaines d'entre elles à se diriger vers les cantonnements prévus pour leur démobilisation. Si on y ajoute la commission de concertation des groupes armés [qui fait partie de la CPI], où les leaders peuvent échanger leurs points de vue, et la réunion qui s'est tenue dernièrement à Kinshasa, j'en tire la conviction que leurs leaders commencent à s'investir pour la paix. Même si je suis consciente que des milices n'ont toujours pas désarmé et que des armes continuent d'entrer.

Q: En attendant, comment les empêcher de nuire?

R: Depuis la mise en place de l'assemblée [assemblée spéciale intérimaire de l’Ituri] en avril 2003, nous demandons de l'aide technique et d'autres moyens pour le cantonnement de ces groupes, mais sans réponse jusqu'à présent, à part des promesses. La MONUC dit qu'elle n'a pas ce mandat en charge. Pendant ce temps, la situation se détériore et des groupes armés se transforment en groupes de bandits qui pillent pour se nourrir et qui forment des poches de résistance un peu partout. Cela montre combien le programme de démobilisation et de réinsertion est important. En trois mois, avec de vrais techniciens, on peut arriver à décanter la situation. Nous souhaiterions que le gouvernement de transition prenne ce programme en charge, mais il pourra être appuyé par des organisations internationales.

Q: Quelle est aujourd'hui la situation humanitaire en Ituri? La réponse est-elle suffisante?

R: On peut engager tous les moyens humanitaires, mais cela ne résoudra pas le problème de l'Ituri vu le nombre de déplacés et la destruction de toute l'économie. On peut nourrir les déplacés pendant une semaine, mais ce ne sera jamais suffisant. Par contre les agences humanitaires pourraient tenter de ramener les déplacés chez eux. Il y en à Butembo, Beni, Kanyabayonga, également en Ouganda. Il faudra donc renforcer la sécurité pour que les gens puissent rentrer chez eux et commencer à cultiver. D'autre part, le programme humanitaire doit être mieux pensé. Des mafias s'organisent dans les camps de déplacés: des tickets sont revendus, des produits alimentaires stockés, au détriment des personnes vraiment vulnérables qui n'ont plus accès à ces aides.

Q: Quel est votre avenir professionnel?

Est-ce qu'il m'appartient? Je suis entrée en politique sans le vouloir, quand la population de l'Ituri m'a placée à la tête de son assemblée. A peine ce travail commencé, j'ai été nommée députée au niveau national. Mon plus grand souci est que mon action politique puisse servir la pacification de l'Ituri.
Quand ce sera le cas, je crois que je reprendrai mon bâton humanitaire au sein des ONG. Ma vraie raison de vivre, c’est pour les personnes les plus vulnérables et pour tous ceux qui souffrent.

NOTE :

(1) La Brigade Ituri, le nom de la force onusienne dans cette région, a succédé à la Force multinationale intérimaire d’urgence depuis le premier septembre. En vertu de la résolution 1493, adoptée par le Conseil de Sécurité sous le chapitre sept de la charte des Nations Unies, ces casques bleus ont l’autorisation de recourir à la force pour protéger la population civile et le personnel humanitaire.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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