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Des avancées, mais l'avenir reste incertain

Grâce au soutien des bailleurs de fonds internationaux, la Guinée a pu enregistrer des avancées significatives ces dernières années dans ses efforts pour combattre le VIH/SIDA, mais le faible engagement de l’Etat et le « bicéphalisme » de la lutte nationale contre l’épidémie restent des obstacles qui menacent la pérennisation de ces acquis.

Selon la dernière enquête démographique et de santé (EDS) 2005, le taux national de prévalence du VIH en Guinée est estimé à 1,5 pour cent, les femmes étant généralement plus touchées (jusqu’à 3,9 pour cent en milieu urbain).

Mais la prévalence nationale masque d’importantes et inquiétantes disparités. Selon l’enquête de surveillance comportementale et biologique (ESCOMB) 2007, la prévalence du VIH chez certains groupes vulnérables est élevée : de 5,2 à 6,5 pour cent chez les miniers, routiers, pêcheurs et forces de sécurité, et 34,4 pour cent chez les travailleuses du sexe –une proportion qui dépasse même les 49 pour cent parmi celles de Guinée forestière, dans le sud-est du pays, région frontalière de la Côte d’Ivoire, du Liberia et de la Sierra Leone.

Dans ces conditions, « la Guinée connaît une épidémie généralisée », a estimé le docteur Hadja Mariama Djélo Barry, secrétaire exécutive du Comité national de lutte contre le sida (CNLS).

L’arrivée de deux importants bailleurs de fonds internationaux, la Banque mondiale qui a accordé à la Guinée 20,3 millions de dollars en 2002 à travers le Projet multisectoriel de lutte contre le sida (PMS), et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui a octroyé en 2003 et 2007 deux subventions sida d’un montant total de 30 millions de dollars, a permis de lancer des programmes de prévention et de traitement du VIH/SIDA.

« Les choses se sont nettement améliorées depuis quelques années », a reconnu Mamadou Alimou Diallo, secrétaire général du Réseau guinéen des associations de personnes infectées et affectées par le VIH/SIDA (REGAP+).

Il y a à peine cinq ans, a-t-il noté, les ARV coûtaient 500 000 francs guinéens (environ 100 dollars) par mois et le pays ne disposait pas du plateau technique permettant d’effectuer les examens de suivi biologique du VIH, entre autres le CD4 (pour évaluer la résistance du système immunitaire) : les patients devaient se rendre à Dakar, au Sénégal, à environ 700 kilomètres de là – une option hors de portée de la majorité des malades.

Depuis, le gouvernement guinéen a décrété la gratuité de la prise en charge du VIH, devenue officielle en octobre 2007. Des efforts de prévention ont été déployés un peu partout dans le pays, la décentralisation de la prise en charge du VIH a commencé, et le suivi biologique est désormais possible à Conakry et dans quelques hôpitaux régionaux.

Lourde dépendance financière

Pourtant, la pérennité de ces avancées est loin d’être garantie. La lutte contre le sida en général, y compris la gratuité de la prise en charge, est presque exclusivement financée par les bailleurs de fonds.

En dépit des immenses potentialités minières de la Guinée, grâce à ses gisements de bauxite, fer, or, diamant et autres minéraux qui en font le pays « potentiellement le plus riche d’Afrique de l’Ouest », selon l’aveu même des autorités, plus de 53 pour cent de la population vit avec moins d’un dollar par jour, d’après les Nations Unies – en grande partie en raison de « contre-performances dans la gestion des affaires publiques », la corruption étant endémique - et l’implication financière du gouvernement dans la lutte contre le sida reste symbolique.

En 2006, sur les plus de 25 millions de dollars consacrés à la lutte contre le sida en Guinée, 96 pour cent provenaient des partenaires, a noté le rapport de progrès présenté par la Guinée en juin dernier, dans le cadre du suivi de la Déclaration d’engagement sur le sida adoptée en 2001 lors de la Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le sida (UNGASS).


Photo: Anne-Isabelle Leclercq/IRIN
Le docteur Hadja Mariama Djélo Barry, secrétaire exécutive du Comité national de lutte contre le sida en Guinée
« Les fonds alloués par l’Etat ne sont pas suffisants, tous nos programmes sont extrêmement dépendants [de l’aide extérieure] », a reconnu Mme Djélo Barry, du CNLS. « L’Etat intervient toujours, mais à hauteur [d’environ] 20 pour cent, [contre] 80 pour cent pour les bailleurs. Il faudrait que ce soit l’inverse ».

Cette participation est pourtant cruciale. Le PMS de la Banque mondiale prendra fin début 2009, tandis que le Fonds mondial a failli mettre un terme à ses subventions en 2005, puis 2007, par manque de transparence dans la gestion des fonds alloués. Suite à un intense plaidoyer des partenaires et à des changements au sein du CCM, la structure en charge de la gestion du financement Fonds mondial, l’organisme international a accepté de poursuivre son aide, mais cette suspension a eu des effets, notamment sur l’approvisionnement en ARV : aucun nouveau patient n’a pu être mis sous traitement depuis plusieurs mois, rappelant ainsi le risque de cette dépendance financière.

En dehors de ces deux gros bailleurs, « il n’y a pas beaucoup d’autres partenaires de la lutte contre le sida en Guinée : peu de [partenaires] bilatéraux, peu d’organisations [non gouvernementales] internationales », a noté Marcos Sahlu, coordonnateur du Programme commun des Nations Unies sur le sida, ONUSIDA, en Guinée.

« Bicéphalisme » de la lutte

Outre cette lourde dépendance financière, l’un des autres obstacles majeurs de la lutte est l’absence de structure unique de coordination de la lutte contre le sida en Guinée, tels que le prônent les « Trois principes » directeurs recommandés par l’ONUSIDA (un cadre national commun de lutte, un organisme national commun de coordination, un système commun de suivi-évaluation).

« Il y a bien une autorité nationale [le CNLS], mais elle n’a pas les ressources nécessaires pour assurer son rôle de coordination de la riposte nationale », a noté M. Sahlu.

Rattaché à la Primature, le CNLS, qui doit en principe assumer ce rôle de coordination mais aussi de mobilisation des ressources, est chargé de la mise en œuvre du PMS de la Banque mondiale, et n’a ni les moyens, ni le temps, de jouer son rôle premier.

De son côté, le ministère de la Santé publique, à travers le Programme national de prise en charge sanitaire et de prévention des IST [infections sexuellement transmissibles]/VIH/SIDA, le PNPCSP, est le principal bénéficiaire des subventions du Fonds mondial, mais la structure en charge de la gestion de ce financement « n’a aucune relation fonctionnelle avec le CNLS », a noté le rapport UNGASS.

Ce « bicéphalisme » de la lutte est « une difficulté que nous n’avons pas pu surmonter », en raison de « problèmes internes », a reconnu Mme Djélo Barry.

Des obstacles dont la Guinée n’a pas besoin, étant donné l’étendue de la tâche. En juin 2007, 42 pour cent des districts sanitaires ne disposaient toujours pas de centres de dépistage du VIH. Fin 2007, les programmes de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant étaient accessibles dans 44 sites à l’échelle nationale, sur 496 centres de santé. En matière de sécurisation des dons sanguins, en 2006, seuls 52,5 pour cent des dons reçus avaient été testés, selon le rapport UNGASS.

Fin 2007, 5 230 patients recevaient des antirétroviraux, soit moins d’un sur quatre en attente de ces traitements, dans 14 centres répartis sur tout le territoire. Ils seraient plus de 8 000 aujourd’hui, mais ces estimations sont reconnues comme peu fiables par l’ensemble des acteurs, en l’absence d’un système efficace d’information sanitaire, autre obstacle majeur à la lutte.

Par ailleurs, la décentralisation des services reste freinée par la pénurie de personnels formés, à la fois sur le plan sanitaire et administratif, dans un pays où l’instabilité politique chronique complique encore davantage la donne.

Conscients de l’urgence d’agir, les différents acteurs de la lutte contre l’épidémie ont travaillé, avec l’appui de l’ONUSIDA, à l’élaboration d’un cadre stratégique national 2008-2012, dans lequel tous les partenaires intervenant dans la lutte contre le sida en Guinée sont exhortés à s’inscrire.

Selon ce cadre stratégique, les besoins financiers pour la période 2008-2012 sont évalués à 240 millions de dollars. Il n’y a donc pas de temps à perdre pour se lancer dans la mobilisation des fonds, à commencer par ceux de l’Etat, car les bailleurs de fonds « ne sont pas des acteurs éternels », a noté Franck Bossant, chef de mission de MSF Belgique (Médecins sans frontières) en Guinée.

« L’Etat a une très lourde responsabilité », a-t-il dit. « Si on commence à investir dans la formation, dans des centres de santé, c’est toute une dynamique qui se met en place. Cela créé des attentes et des espoirs, mais si au bout de la chaîne, cela ne fonctionne pas, c’est toute la structure qui risque de s’effondrer ».

ail/


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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