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« J’ai une dette morale envers mon enfant »

Lorsque le médecin a reçu les résultats catastrophiques des examens de suivi du VIH/SIDA de Claire M’Darangaye, sa première réaction a été de demander si cette personne était encore en vie. Quatre ans plus tard, cette tchadienne de 46 ans est bien en vie, bien décidée à le rester et à se battre pour son plus jeune fils, lui aussi infecté.

C’est en 2002, alors qu’elle était rentrée de N’Djamena, la capitale tchadienne, dans son village de Koumra, dans le sud du pays, que cette mère de cinq enfants a commencé à avoir des doutes sur son statut sérologique.

« Je n’étais pas malade en arrivant là-bas, mais un jour, j’ai eu mal à un sein et j’ai vu apparaître de petits boutons, ça faisait mal », a-t-elle raconté à IRIN/PlusNews. « J’en ai parlé à la femme de mon cousin et elle m’a dit que ça devait être un zona [une affection cutanée répandue chez les personnes vivant avec le VIH] ».

Claire n’avait jamais vu de zona auparavant, mais ayant vécu plusieurs années à Bangui, la capitale de la République centrafricaine, pays voisin du Tchad et qui enregistre le plus fort taux de prévalence du VIH en Afrique centrale, où elle avait suivi son mari parti travailler sur place, elle avait été sensibilisée sur l’épidémie et avait entendu parler du lien entre zona et sida.

Elle s’est donc immédiatement rendue à l’hôpital. « Docteur, qui dit zona, dit sida », a-t-elle tout de suite dit au médecin qui la recevait en consultation. « Si ça arrive, je serai brave moralement, je saurai quoi faire pour être responsable, alors vous devez me le dire, n’ayez pas peur et n’ayez pas pitié ».

En dépit de son courage, le choc de l’annonce de sa séropositivité est rude pour Claire. Et lorsque son plus jeune fils, né en 1998, est dépisté positif au VIH juste après elle, le médecin estime qu’elle ne pourra pas supporter ces deux nouvelles en même temps et décide de ne pas lui révéler le statut sérologique de l’enfant.

En partie en raison du manque de disponibilité de traitements à cette époque dans un pays confronté à des décennies d’instabilité politique où l’insécurité est vue comme une priorité, de nombreux professionnels de la santé préféraient ne pas révéler leur statut aux patients dépistés positifs au VIH –ce qui arrive toujours aujourd’hui dans des zones isolées où les services VIH/SIDA ne sont pas encore disponibles.

Une réalité toujours douloureuse

Savoir que son enfant est infecté est une réalité toujours douloureuse pour elle. « Si seulement j’avais su que son père était infecté et que je l’étais aussi, j’aurais pu prendre des précautions, mais je ne savais pas », a dit Claire. « Par méconnaissance, j’ai allaité mon enfant pendant deux ans... Ca me fait très mal de penser à cela, j’ai une dette morale envers [lui] ».

En 2002, les services de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant ne sont pas encore disponibles au Tchad : ils n’ont été lancés que trois ans plus tard, avec l’arrivée des financements internationaux, mais des problèmes de gestion des fonds et d’insécurité ont retardé son expansion.

A l’annonce de sa séropositivité, Claire décide de rentrer à N’Djamena. Sa famille l’accueille et la soutient, une générosité dont elle est toujours aussi reconnaissante, dans un pays où la stigmatisation est très forte. « Ma famille s’est vraiment occupée de moi, j’étais au chômage, elle a payé toutes mes ordonnances... Elle m’aime vraiment ».

Mais son état de santé empire. En 2003, Claire est tellement faible que sa famille l’emmène à l’hôpital. Lorsque les résultats de son test CD4, qui permet de mesurer la résistance du système immunitaire, arrivent entre les mains du médecin, ils sont tellement catastrophiques que ce dernier reste incrédule.

« Il a demandé : ‘la personne qui a ce CD4, elle est encore vivante ?’. Quelqu’un lui a répondu ‘oui c’est celle qui est sur le banc dehors, elle est venue en marchant’, alors le médecin a demandé à refaire les examens », a-t-elle raconté, amusée.

Lorsque le résultat du deuxième test arrive, confirmant le premier, le médecin fait venir la soeur de Claire. « Il a dit à ma soeur qu’à ce stade, la médecine moderne ne pouvait plus rien, qu’il fallait me ramener chez moi », a raconté Claire. « Ma soeur lui a répondu que le miracle de Dieu était possible, qu’elle allait payer l’hospitalisation et que tant que je respirerais, elle ne me ramènerait pas. C’est ça, quand on aime quelqu’un... »

A ce moment-là, Claire ne fait plus que 48 kilos, contre plus de 80 avant la maladie, mais en dépit de sa faiblesse, elle résiste. Pendant deux semaines, elle va rester alitée, son petit garçon allongé sur elle. « Je n’ai pas rendu l’âme », dit-elle fièrement.

Claire est alors mise sous traitement antirétroviral (ARV) et reprend peu à peu des forces. Grâce au soutien indéfectible de ses proches, qui payent ses soins, elle retrouve son poids d’avant la maladie. « Je n’ai jamais connu un seul mois de rupture d’ARV », a-t-elle dit.

Assumer, mais pas culpabiliser

Déterminée à se battre, pour elle et pour son enfant, repris par son ex-mari parce qu’elle n’avait pas les moyens de s’en occuper, Claire rejoint alors l’association Fraternité +, l’une des premières organisations de personnes vivant avec le VIH au Tchad, qui revendique quelque 250 membres sur tout le territoire, et dont elle est aujourd’hui chargée de programmes.

Elle commence à témoigner à visage découvert, dans des réunions et à la télévision, pour apporter son soutien aux personnes séropositives et donner un message d’espoir. « Il y a des jeunes infectés qui ont des ambitions dans la vie, mais quand tu as le sida, on te dit que tu ne dois rien envisager, que comme tu es déjà infecté, on ne va pas faire d’efforts pour toi », a-t-elle regretté.

« On n’a pas passé un concours pour avoir le VIH, on ne l’a pas acheté, il faut assumer ses responsabilités mais pas se culpabiliser », a estimé Claire, que les gens reconnaissent parfois dans la rue.

Et surtout, il faut vivre et aimer, insiste cette femme qui reconnaît avoir souvent été montrée du doigt et dont le franc-parler choque souvent dans un pays où les sujets liés à la sexualité sont tabous.

« Faire l’amour, c’est un besoin biologique. Si tu as des sentiments, ce n’est pas le préservatif qui va t’empêcher de ressentir des choses vraies pour [le partenaire], un latex c’est dans la tête. Mon témoignage peut beaucoup aider », a dit Claire, qui partage aujourd’hui sa vie avec un homme séronégatif.

En janvier 2008, Claire a été élue présidente du conseil d’administration du RNTAP+, le Réseau national tchadien des associations de personnes vivant avec le VIH, qui regroupe une cinquantaine d’association. Une marque de confiance que cette femme volontaire a bien l’intention d’honorer. « Il y a beaucoup de défis à relever pour prendre en considération tous les problèmes des associations », a-t-elle noté.

Et sur le plan personnel, son défi est de trouver les moyens de reprendre son fils avec elle et de s’en occuper. « « Même si son traitement coûtait les yeux de la tête, je ferais n’importe quoi pour le sauver », a-t-elle dit.

ail/


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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