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Réparer les dégâts de la violence sexuelle

Bien que le moral soit en berne et le budget serré, le groupe Monam qui rassemble des victimes de viols, basé dans la ville de Bossangoa, dans le nord de la République centrafricaine (RCA), fait tout son possible pour continuer d’exister.

« Nous devons nous débrouiller par nous-mêmes. Nous recevons peu d’aide de l’extérieur. Un grand nombre de nos membres sont morts », a déploré Pélagie Ndokoyanga, présidente du groupe.

Le groupe Monam, qui signifie « bien commun » en langue sango, a été fondé en 2006 afin de rassembler les femmes qui ont été victimes de violence sexuelle en 2001 et 2002, lors des troubles qui ont déclenché le plus récent des nombreux coups d’état fomentés en RCA et ayant porté au pouvoir François Bozizé, en mars 2003.

Outre son rôle de forum pour la solidarité, la création d’activités génératrices de revenus et le bien-être des femmes victimes de violence sexuelle, le groupe Monam vise également à combattre de tels abus, à identifier les auteurs de ces crimes et à lutter contre la stigmatisation des femmes en général, et des victimes de viols en particulier.

Selon Pélagie Ndokoyanga, de nombreuses femmes du groupe ont été abandonnées par leur époux, après avoir été violées.

Lorsqu’un centre de dépistage du VIH et de conseil a ouvert ses portes à Bossangoa, en 2005, la plupart des premières patientes infectées au VIH étaient des victimes de viols.

Parmi ces malades figure Mme Ndokoyanga, qui travaille également auprès de l’Association des personnes vivant avec le VIH, basée à Bossangoa.

- Crier pour se faire entendre - 

Marie Moudjougoto, une activiste communautaire qui a aidé des centaines de femmes à s’organiser en associations villageoises, professionnelles ou religieuses, a profité d’un défilé organisé à l’occasion de la Journée internationale de la femme (le 8 mars)  dans la ville de Paoua, dans le nord de la République centrafricaine, pour attirer l’attention sur la manière dont les femmes ont porté le fardeau de la violence en RCA et pour promouvoir le rôle que la femme devrait jouer à un moment où le pays tente de se reconstruire.

 

« Ce que nous voulons, c’est la sécurité... Permettons à nos malheureuses soeurs qui ont été violées, brutalisées, traumatisées et accablées d’avoir l’esprit en paix et l’espoir d’être des femmes, des mères et des grands-mères », a plaidé Mme Moudjougoto après que quelque 1 500 femmes membres de diverses associations eurent défilé dans la rue principale de Paoua.

 

Certaines d’entre elles portaient des pancartes ou des drapeaux imprimés aux couleurs de leur association, d’autres de simples panneaux avec des inscriptions, comme ‘L’association Katé Simbal pour la lutte contre la pauvreté’.

 

Bon nombre de femmes portaient également le fruit de leur commerce –céréales, légumes et même des briques- sur la tête en marchant au rythme de trois percussionnistes.


« Nous voulons que les femmes avec un grand F soient entendues, à la maison, au marché, au travail et même dans les champs, à l'église et à la mosquée... Nous voulons vivre en paix avec le désir d'avoir apporté, dans cette période, au nom des femmes, un espoir pour la vie, pour le pardon et pour la réconciliation », a dit Mme Moudjougoto.

 

De nombreuses femmes qui ont pris part au défilé, comme Bertille, une enseignante, avaient marché une journée entière depuis leur village pour assister à l’événement. « Nous sommes venues dire aux gens que nous souffrons », a-t-elle dit à IRIN/PlusNews.

 

Bertille a raconté comment, un dimanche de janvier 2007, des coups de feu avaient éclaté dans son village, situé en territoire sous contrôle rebelle.

 

« L’armée est arrivée et a mis le feu à 80 maisons, [les soldats] ont brûlé nos cultures de cacahuètes ainsi que nos stocks de semences. Ils ont dit que nous soutenions les rebelles », a-t-elle raconté.

 

« Après cela, nous somme restés dans la brousse, sans abri, pendant trois mois. Nous avons survécu en mangeant du manioc sauvage. Même encore maintenant, ce n’est pas facile de trouver de la nourriture », a-t-elle dit, expliquant que l’insécurité et la peur empêchaient toujours de nombreuses femmes de se rendre dans les champs, par crainte d’être attaquées par des bandits.

 

« C’est normal d’annoncer sa séropositivité à ses proches, ce n’est pas un péché », a-t-elle dit, lorsque plusieurs dizaines de membres de l’association ont rencontré l’équipe d’IRIN/PlusNews. « Mais ce sont les premiers à propager la nouvelle. »

« Personne ne travaille ici. J’ai tous mes diplômes, mais je n’ai pas d’emploi, car les gens savent que je suis séropositive », a-t-elle poursuivi.

Les deux associations souhaiteraient développer leurs activités génératrices de revenus, comme des échanges commerciaux, mais compte tenu du manque de fonds nécessaires, elles ont des difficultés à concrétiser de tels projets.

Le Programme commun des Nations Unies sur le sida, ONUSIDA, estime à 10 pour cent le taux de prévalence du VIH en RCA, et seuls trois pour cent des adultes séropositifs suivent un traitement antirétroviral, qui prolonge l’espérance de vie.

Ainsi, le besoin de développer les programmes de sensibilisation, de dépistage et de traitement est évident et urgent. Toutefois, le conflit armé et l’insécurité rendent la tâche difficile dans beaucoup de régions du pays.

De nombreux viols, peu de données

Il n’existe pas de statistiques justes et détaillées quant au nombre de femmes ayant été victimes de violence sexuelle. Cela est en partie lié à la stigmatisation qui entoure de tels crimes, mais également au fait que le gouvernement n’a pratiquement aucun pouvoir en dehors de la capitale.

En outre, les acteurs humanitaires internationaux ne sont arrivés que récemment en grand nombre dans le pays.

Fin février 2007, le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a indiqué que « plus de 15 pour cent des femmes et des jeunes filles [étaient] victimes de violence sexuelle », dans le nord de la RCA.

La violence s’est accentuée lors des troubles qui ont précédé le coup d’état, et au cours des affrontements qui ont éclaté début 2006 et début 2007.

En mai 2007, la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert plusieurs enquêtes importantes, à la demande du gouvernement centrafricain, dont une sur les « diverses allégations de viols et autres actes de violence sexuelle dont des centaines de femmes ont été victimes lors d’un pic de violence en 2002-2003 », a indiqué un rapport de la CPI.

En outre, le procureur de la Cour examine attentivement les actes de violence sexuelle commis après 2005, alors que deux rébellions se formaient dans le nord du pays.

« [Suite à la tentative de coup d’état à la fin 2002], des individus armés se sont adonnés à des viols et à des actes de violence sexuelle massifs. La violence sexuelle est l’une des principales caractéristiques du conflit », a souligné la CPI, rappelant qu’au moins 600 victimes de violence sexuelle avaient été identifiées au cours des cinq derniers mois seulement.

D’après la CPI, les victimes sont des femmes âgées, des jeunes filles et des hommes.

« Il existait souvent des aspects aggravants aux actes cruels, comme des viols perpétrés par plusieurs auteurs, en présence de tierces personnes, et auxquels des membres de la famille étaient parfois contraints de participer », a précisé la CPI, insistant sur les conséquences sociales « dévastatrices » de tels actes.

Des programmes longs à mettre en oeuvre

Jusqu’à présent, les personnes victimes de violence sexuelle ont reçu peu d’aide. Les membres de l’Organisation pour la compassion et le développement des familles en détresse (OCODEFAD), une ONG locale, ont témoigné des attaques sexuelles qui avaient été commises à leur encontre, au bureau du procureur de la CPI, à Bangui, la capitale.


Photo: Anthony Morland/IRIN
Les membres d'associations de femmes défilent dans les rues de Bossangoa, dans le nord de la RCA, à l'occasion de la Journée internationale de la femme
L’OCODEFAD a été fondée par Bernadette Sayo, une enseignante du secondaire, dont le mari a été tué devant ses yeux, en 2002, par des rebelles de la République démocratique du Congo (RDC), alliés au président centrafricain de l’époque Ange-Félix Patassé, lors d’une tentative de coup d’état.

Après avoir assisté au meurtre de son mari, elle a été violée par les mêmes hommes armés.

L’OCODEFAD a enregistré le nom de centaines de femmes et de douzaines d’hommes, ainsi que de jeunes enfants et de personnes âgées, qui ont été victimes de violence sexuelle lors de la période de troubles.

C’est en grande partie grâce à la pression de cette organisation et de groupes internationaux de défense des droits humains, que le gouvernement centrafricain a demandé à la CPI d’ouvrir une enquête.

Pour ce qui est de l’aide extérieure, l’ONG américaine International rescue committee (IRC) a élaboré, en mai 2007, un programme de lutte contre la violence sexuelle à Kaga-Bandoro, une ville du nord du pays, où elle offre gratuitement des soins médicaux et des conseils psychosociaux aux personnes qu’elle reçoit.

En outre, elle sensibilise les communautés voisines à la violence sexuelle et anime des discussions auprès de divers groupes militaires. La langue et la stigmatisation furent un obstacle au début.

« Il nous a fallu un mois avant de trouver une définition au mot viol. Ce mot n’existe pas en langue sango », a expliqué Catherine Poulton, coordonnatrice des programmes sur la violence sexuelle de l’IRC, en RCA.

Depuis son lancement, le programme de l’IRC, qui couvre les foyers implantés dans un périmètre de 50 km, a traité 1 040 cas de violence sexuelle. L’ONG a également pris en charge des personnes souffrant d’infections sexuellement transmissibles, de traumatismes et de rejet de la part de leur famille.

Sept autres programmes du même type sont prévus pour 2008, auxquels devraient participer des organismes tels que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) et le Comité d’aide médicale.

Dans le cas de la RCA, où les données sont limitées, les donateurs devraient rompre avec la tradition qui consiste à obtenir une estimation précise de l’ampleur du problème avant de signer un chèque.

Selon certains spécialistes, on devrait partir du principe que le problème est de taille. Par exemple, dans le cadre de l’expérience de l’IRC, c’est le programme qui a permis d’obtenir des données, et non le contraire.

am/sr/cd/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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