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Les réfugiés centrafricains craignent de rentrer chez eux

Installés dans l’est du Cameroun où ils ont trouvé refuge pour échapper aux agresseurs masqués qui mutilaient, tuaient, kidnappaient et violaient les populations en toute impunité, quelque 45 000 réfugiés originaires de la République centrafricaine (RCA) n’envisagent pas de rentrer dans leur pays.

« Nous ne rentrerons pas en Centrafrique, même si la paix y revient », a affirmé Aladji Abdoulaye Gidjo Garga, père d’une famille de réfugiés dont des enfants ont été enlevés plusieurs fois. « Jamais nous ne pourrons oublier toutes les souffrances que nous avons subies », a-t-il expliqué à IRIN à Borongo, un petit village de la province est du Cameroun.

Le nord de la RCA est en proie à un conflit qui oppose les forces armées centrafricaines à des groupes rebelles qui ont incendié des centaines de villages et provoqué le déplacement de plus de 300 000 personnes – plus de sept pour cent de la population du pays -, une crise qui ne semble pas près de prendre fin.

Mais pour les réfugiés venant de l’ouest de la RCA, les causes de leur exil sont autres. Selon eux, ce sont des bandits – armés, masqués vêtus de noir ou d’uniformes militaires appelés localement 'zaraguinas' ou coupeurs de route – qui rendent la vie impossible aux populations.

Les agressions contre les populations de l’ouest sont si violentes que certains de ces réfugiés ont une seule certitude : ils ne pourront jamais envisager de rentrer chez eux.

Les observateurs soupçonnent les coupeurs de route d’être d’anciens rebelles ou même des soldats déguisés, mais leur identité reste inconnue.

Et la violence se poursuit. Certains villages du Cameroun reçoivent quotidiennement une vingtaine de réfugiés et selon les estimations du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 7000 à 10 000 nouveaux réfugiés pourraient arriver au Cameroun « dans les prochains jours »

Le 28 novembre, le Bureau des Nations Unies pour la coordination des Affaires humanitaires (OCHA) a sollicité une augmentation de l’aide internationale en faveur du Cameroun pour permettre à ce pays de faire face à l’afflux des réfugiés.

Les pasteurs Mbororo ciblés

Les réfugiés sont en majorité des pasteurs peuls de l’ethnie Mbororo. Considérant que ces pasteurs sont riches, parce qu’ils ont du bétail, les bandits enlèvent leurs enfants et exigent une rançon. Et si les parents refusent de la payer, ils exécutent leurs otages.

« Tous nos voisins ont perdu des enfants parce qu’ils n’avaient pas les moyens de payer les 'zaraguinas', », a raconté M. Garga, dont la famille est originaire de la province de l’Ouham, en RCA.

Selon les témoignages de personnes kidnappées, les ravisseurs les abandonnent sous le soleil pendant des jours, sans eau, pieds et mains liés. Certains otages ont été battus jusqu’à perdre connaissance et d’autres ont eu la gorge tranchée.

Abdoul, un berger, a eu les oreilles coupées parce que son patron avait refusé de payer une rançon à ses ravisseurs. Depuis quelques mois, il s’est réfugié à Garoua-Boulaï, une petite ville frontalière qui abrite actuellement environ 3 500 réfugiés.

Certaines familles confient avoir subi jusqu’à 20 enlèvements, d’autres, que leurs enfants ont été kidnappés plusieurs fois.

« Je préfère mourir que retourner en Centrafrique », a dit Oussamanou, installé au Cameroun depuis 2005, année de l’arrivée des premières vagues de réfugiés centrafricains dans ce pays.

Malgré le déploiement d’un bataillon militaire, en début d’année, des coupeurs de route se sont introduits plusieurs fois au Cameroun ; et les incidents sont nombreux. Le dernier incident remonte au mois de juin, lorsque des bandits ont enlevé une vingtaine de personnes dans la ville frontalière de Ngaoui, dans la province de l’Adamaoua.

Perte des moyens de subsistance

A quelques pas de sa nouvelle maison, à Garoua-Boulaï, M. Oussamanou s’est lancé dans la fabrication de briques de terre pour gagner sa vie.

Mais ces éleveurs ne se font pas d’illusion : il y a peu de chance qu’ils puissent un jour retrouver leur mode de vie fait de transhumances, faute de moyen. Certaines familles, dont les enfants avaient été enlevés, n’ont eu d’autre choix que de vendre leur troupeau pour payer la rançon exigée par les ravisseurs et d’autres ont perdu ainsi plusieurs centaines de têtes de bétail. La plupart de ces réfugiés arrivent les mains vides au Cameroun.

Installés en périphérie de villages camerounais où ils essaient de se regrouper par région d’origine, les réfugiés tentent de construire une nouvelle vie, sédentaire et tournée vers l’agriculture, et se lancent aussi dans des petites activités génératrices de revenus.

« Je ramasse du bois en ville pour le revendre en ville », a confié un autre réfugié.

Le soutien des agences des Nations Unies

Bon nombre de réfugiés vivent de l’aide que leur apportent les agences des Nations Unies qui, depuis le mois de juillet, leur ont fourni des vivres, des couvertures et des bâches.

« L’objectif est de les remettre dans une situation d’autosuffisance », a expliqué Jacques Franquin, représentant du HCR au Cameroun.

Mais pour l’agence onusienne, la tâche n’est pas facile. La zone où sont installés les réfugiés est très étendue et le HCR n’a pas encore pu recenser tous les sites où ils se sont établis. Il n’y a que quelques mois que le HCR s’est rendu compte que le nombre de réfugiés au Cameroun était le double de ce qu’il imaginait, et qu’entre mai et octobre, 23 000 nouveaux réfugiés avaient été recensés.

Si l’assistance que fournissent les agences des Nations Unies est « vitale » pour le moment, explique un réfugié, il espère bien pouvoir s’en passer un jour.
« Nous avons besoin de petits matériels agricoles pour arriver à nous en sortir et devenir indépendants ».

Comme les autres, il veut oublier la RCA où il n’a plus de famille.

« Tout le monde a quitté le pays » -a-dit-il. Et si certains ne l’ont pas encore fait, c’est parce qu’ils n’ont pas les moyens de faire passer leur famille de l’autre côté de la frontière, a-t-il précisé.

fp/ha/nr/cb


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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