Les différentes factions qui se querellent actuellement au Liban se dirigent vers une impasse, un accord ou la guerre ; la décision reviendra aux acteurs internationaux tout autant qu’aux parties prenantes locales, selon certains analystes.
Le scrutin présidentiel qui devait avoir lieu le 25 septembre a été reporté au 23 octobre, les députés n’étant pas parvenus à désigner un candidat par consensus. Les députés membres de l’opposition ont boycotté le scrutin ; selon eux, le système politique libanais, sectaire et fragile, exige un président qui convienne aux deux camps.
La constitution autorise une période de deux mois de maquignonnage et à en croire plusieurs analystes, au Liban, l’élection immédiate d’un président a toujours été rare. Malgré tout, d’ici au 23 novembre, les députés doivent choisir un successeur au président Emile Lahoud, dont le mandat a été prolongé il y a trois ans par un amendement constitutionnel d’influence syrienne, plongeant le Liban dans le chaos.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a exhorté le Liban, le 27 septembre, à élire son président librement, justement et dans les temps.
Petit pays, grande influence
Le Liban est une bande de côte méditerranéenne qui compte à peine quatre millions d’habitants, pourtant les élections libanaises représentent un enjeu international de taille. Les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, avec, à leurs côtés, une majorité de la communauté internationale, soutiennent le Premier ministre Fouad Siniora.
« Les Etats-Unis s’intéressent au Liban pour diverses raisons, notamment en tant que succès démocratique à préserver et comme moyen d’exercer des pressions sur la Syrie », a expliqué Oussama Safa, directeur du Centre libanais pour les études politiques. « Et les Etats-Unis ne veulent pas que l’opposition tire profit de ces élections, et surtout pas le Hezbollah ».
Quant à l’Iran et la Syrie, les ennemis jurés de Washington, ils soutiennent le Hezbollah. « Si les Iraniens décident d’en découdre avec les Américains, la situation va probablement s’aggraver au Liban », selon M. Safa.
Le doigt sur la gâchette
Depuis la guerre de l’été dernier entre Israël et le bras armé du Hezbollah – largement acceptée comme une défaite stratégique pour Israël – les yeux de la communauté internationale sont braqués sur les armes du Hezbollah.
Photo: Lucy Fielder/IRIN |
Les divisions politiques libanaises se sont accentuées au lendemain de la guerre qui a opposé l'été dernier le mouvement Hezbollah à Israël |
Le conflit qui divise le Liban en deux depuis la prolongation du mandat de M. Lahoud et l’assassinat en février 2005 de l’ancien Premier ministre Rafik Hariri – que Washington et ses alliés libanais ont imputé à la Syrie – a débordé après la guerre de l’été dernier.
Bien qu’au cours des Sessions de dialogue national de juillet 2005, le gouvernement ait confirmé le « droit » du Hezbollah à « libérer » les fermes de Chebaa, une poche frontalière occupée par Israël, le 13 août 2006, les membres du cabinet ont demandé qu’une session soit organisée pour débattre du désarmement du Hezbollah.
Cette mesure leur a valu les foudres de Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah, qui a traité M. Siniora de « traître » et l’a accusé d’être à la solde des Etats-Unis et d’Israël. La querelle a pris de l’ampleur et, en novembre dernier, tous les ministres shiites et un allié chrétien ont démissionné du gouvernement. « Que veulent les Etats-Unis, pour les élections libanaises ? Un candidat qui travaille pour leur compte, c’est-à-dire qui neutralise la résistance », a expliqué Amal Saad Ghorayeb, expert du Hezbollah au Middle East Centre de la Fondation Carnegie, à Beyrouth.
Handicaper l’Iran ?
Les Etats-Unis veulent déposséder la Syrie et l’Iran de leur carte joker, le Hezbollah, selon un autre analyste.
« En fin de compte, le conflit avec la Syrie et l’Iran est plus important. La Syrie a besoin du Hezbollah plus que le Hezbollah a besoin de la Syrie, c’est pourquoi ils [les Etats-Unis] souhaitent l’en priver » |
Le 29 septembre, Jeffrey Feltman, ambassadeur des Etats-Unis au Liban, a déclaré que Washington n’avait « jamais participé à la nomination de candidats présidentiels [au Liban], et ne le ferait jamais », réitérant ainsi la position des Etats-Unis, qui souhaitent que les élections soient conformes à la constitution.
En 2007, dans le but direct de renforcer les Forces armées libanaises, les Etats-Unis ont augmenté l’aide militaire qu’ils versent au Liban ; elle est passée de 45 millions de dollars l’année dernière à 280 millions de dollars, selon plusieurs sources à l’ambassade américaine de Beyrouth.
Implication des Nations Unies
Les Nations Unies aussi surveillent de près le Liban. La Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) compte environ 13 000 Casques bleus stationnés au Sud-Liban et le long de la frontière israélo-libanaise, une région auparavant strictement contrôlée par le Hezbollah.
Photo: Lucy Fielder/IRIN |
Après avoir quitté le gouvernement, le mouvement Hezbollah et ses alliés ont organisé une manifestation permanente pour faire tomber le gouvernement |
L’assassinat, au début du mois, du quatrième politicien anti-syrien depuis l’explosion qui a coûté la vie à M. Hariri, mais aussi à Bassel Fleihan, le ministre de l’Economie, est venu s’ajouter au nombre de dossiers à traiter par les enquêteurs des Nations Unies. Le gouvernement accuse la Syrie d’avoir orchestré ces assassinats ; selon lui, Damas vise à reprendre sa mainmise sur son petit voisin libanais en faisant accéder un de ses alliés à la présidence. « Le Liban est indiscutablement une priorité pour les Nations Unies », selon M. Safa. « L’organisation s’inquiète sans aucun doute de voir la situation de sécurité se dégrader ».
La paix régionale ?
Pour M. Makdisi, il est encore possible de parvenir à un consensus sur la désignation d’un candidat présidentiel pour éviter la catastrophe. L’Arabie saoudite semble s’efforcer, en coulisses, de trouver un compromis avec l’Iran, selon M. Safa. « Ils peuvent se mettre d’accord pour contenir la situation et empêcher [le Liban] de se diriger vers un vide constitutionnel ».
Quelles que soient les motivations de chacun à soutenir l’une ou l’autre faction, de nombreux Libanais craignent que la lutte acharnée que se livrent les acteurs internationaux n’empêche la résolution des problèmes dont ils souffrent. « Je pense que si l’on avait laissé les Libanais décider, on serait déjà parvenu à un consensus, et à une certaine stabilité », a expliqué M. Makdisi. « Mais tant de forces différentes interagissent et s’opposent ».
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