Le rapport, Ending the Everyday Emergency (mettre fin à l’urgence quotidienne), réalisé par Peter Gubbels à la demande des organisations non gouvernementales Save the Children et Vision Mondiale, tente d’évaluer les progrès, les leçons apprises et les difficultés des actions en faveur de la « résilience » au Sahel. De telles initiatives sont nécessaires partout, mais elles restent peu nombreuses.
À Diaout, un village de la région de Gorgol, en Mauritanie, la plupart des familles n’ont pas les moyens de manger plusieurs fois par jour. Or, grâce à l’argent utilisé pour forer un puits, acheter des semences potagères, acquérir des compétences de base en matière de jardinage et accéder à un terrain communautaire proche d’un point d’eau, elles ont pu résister à la sécheresse qui a tué le bétail et détruit les cultures de la localité.
Les villageois voudraient avoir accès à davantage de terres et à une pompe pour tirer de l’eau du fleuve Sénégal, qui s’écoule à quelques kilomètres de Diaout, car ils ont conscience qu’ils pourraient produire plus de nourriture et vendre ce dont ils n’ont pas besoin. Cette initiative a été mise sur pied par Oxfam, qui essaye d’étendre le projet à d’autres villages, mais manque de fonds pour ce faire.
Les régions de Gorgol, Brakna et Assaba forment le triangle de la pauvreté de la Mauritanie, où au moins 60 pour cent des habitants vivent avec moins d’un dollar par jour. Selon M. Gubbels, la population, qui est en situation d’insécurité alimentaire chronique, ne bénéficie généralement pas de l’aide au développement et « [n’obtient] suffisamment de soutien de l’action humanitaire que pour éviter la famine — [elle ne dispose] d’aucun soutien à long terme pour sortir du piège de l’endettement et de la faim ».
L’absence de protection pour ces familles est appelée « déficit de résilience ». Incapables de faire face aux chocs, des millions de personnes dans cette situation souffrent de faim chronique. Au moins 18 millions de personnes ont été touchées par la crise alimentaire due à la sécheresse au Sahel.
« La théorie actuelle du développement... [se base sur l’idée qu’en] augmentant l’approvisionnement alimentaire global, on crée des emplois pour les agriculteurs “improductifs” tout en réduisant le prix des aliments », a dit M. Gubbels.
« Je ne suis pas contre le fait d’investir dans l’agriculture en général, ni de favoriser la croissance économique par le biais de l’agriculture. Mais, dans le contexte du Sahel, je maintiens que la croissance économique laisse de côté un nombre grandissant de familles fortement exposées à l’insécurité alimentaire et d’enfants souffrant de malnutrition. La croissance économique au Sahel était supérieure à cinq pour cent en 2011, mais on assiste à une augmentation de la vulnérabilité et de la malnutrition ».
Selon le rapport, même pendant les années « hors crise », on estime que 645 000 enfants du Sahel meurent de causes pouvant en grande mesure être évitées ou soignées et, sur ces décès, 226 000 sont directement liés à la malnutrition. « La malnutrition aiguë touche 10 à 14 pour cent des enfants au Sénégal, au Mali, en Mauritanie, au Niger et au Burkina Faso et plus de 15 pour cent des enfants au Tchad. »
« Chaque acteur doit réfléchir non seulement à son propre travail, mais à la façon dont il s’articule avec celui de tous les autres acteurs, afin que les conséquences sur le terrain soient au centre de l’analyse et plus seulement un projet propre à chacun » |
Nouveaux mots, vieux défis
Selon Simon Levine, expert en humanitaire de l’Institut de développement d’outre-mer (Overseas Development Institute, ODI), un groupe de réflexion britannique, il y a peu à redire sur le rapport et les affirmations de M. Gubbels. Ce n’est pas la première fois que quelqu’un critique les interventions liées à l’amélioration de la sécurité alimentaire et aux moyens de subsistance comme étant un échec du point de vue du développement. La seule différence est que l’on parle maintenant de « déficit de résilience — mais la reformulation ne rend pas le problème moins important », a-t-il remarqué.
« Si ce nouveau terme permet d’attirer l’attention d’un public plus large dans le milieu du développement, alors cela ne me pose aucun problème. Ils [le rapport et son auteur] ont entièrement raison de dire que ce qui pose problème au Sahel, ce n’est pas vraiment la manière de répondre aux crises, mais plutôt la façon de les éviter ».
Le rapport suggère également de tirer parti de « l’agriculture à petite échelle pour la résilience », ce qui... « nécessitera une opérationnalisation prudente, si l’on ne veut pas faire face à des critiques selon lesquelles on porterait trop d’attention à la production alimentaire au détriment d’autres facteurs de vulnérabilité ».
Selon M. Levine toutes les organisations d’aide humanitaire doivent changer leur planification du développement [pour adopter] une approche stratégique « qui ne se résume pas à un changement de jargon – mais qui constitue un réel changement. Chaque acteur doit réfléchir non seulement à son propre travail, mais à la façon dont il s’articule avec celui de tous les autres acteurs, afin que les conséquences sur le terrain soient au centre de l’analyse et plus seulement un projet propre à chacun ».
jk/he – ld/ag/amz
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