1. Accueil
  2. West Africa
  3. Guinea

L’Etat déterminé à éradiquer corruption et fraude dans l’éducation

Pour la toute première fois en Guinée, des professeurs ont été suspendus de leurs fonctions pour des faits de corruption et des étudiants ont été condamnés à payer une amende ou à une peine de prison pour fraude aux examens.

Les autorités de l’Education nationale ont renforcé les contrôles pour lutter contre la fraude et la corruption dans l’attribution des diplômes et des places à l’université.

Durant les examens cette année, la pratique qui consistait à acheter les épreuves, à recevoir les réponses des sujets via des téléphones mobiles, ou à faire composer un ami à sa place, a été mise en échec : bon nombre d’élèves ont rédigé un courrier désespéré au ministre de l’Education sur leurs feuilles d’examen, ou ont tout simplement rendu des copies vierges.

Dans cette nouvelle stratégie de lutte contre la corruption qu’un étudiant guinéen a appelé le « cyclone Souaré » - en référence au nouveau ministre de l’Education, Ousmane Souaré – la Guinée tente de s’attaquer à un système dans lequel la fraude et la corruption ont longtemps été considérés comme les seuls moyens d’avancer dans les études.

« Jusqu’à présent, ces pratiques ont été tolérées », a expliqué à IRIN M. Souaré, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, le 19 novembre. « C’était le désordre total et le laisser-aller, et cela devait cesser ».

Lors de sa prise de fonction, M. Souaré – qui est issu du syndicat des enseignants et qui a lutté par le passé contre la corruption – avait indiqué qu’il ferait de la lutte contre la fraude et la corruption sa première priorité. Depuis, le pays a engagé un débat très ouvert sur l’ampleur du phénomène et sur les moyens de l’éradiquer, ont expliqué plusieurs étudiants et observateurs.

M. Souaré fait partie du nouveau gouvernement du Premier ministre Lansana Kouyaté, qui a été nommé en mars à la suite d’un soulèvement sans précédent organisé par des citoyens pour dénoncer la mauvaise gestion du pays.

Selon certains observateurs, l’une des premières mesures prises par M. Souaré a été de renforcer la surveillance pendant les examens. Contrairement aux années précédentes, où des individus pouvaient se promener librement sur le campus, seuls les candidats aux examens, les surveillants et les personnels autorisés ont pu accéder cette année aux zones des salles d’examen, ont dit à IRIN des enseignants de Conakry. Et pour la première fois, les téléphones portables ont été interdits.


Photo: Nancy Palus/IRIN
Collège 1 de Donka, à Conakry, en Guinée
« Nous avons instauré un peu de rigueur cette année », a affirmé Aboubacar Dione, directeur du collège 1 de Donka de Conakry. « Nous allons progressivement institutionnaliser ces mesures et les élèves vont finalement comprendre qu’il est possible d’obtenir un diplôme par un moyen autre que la corruption ».

Pour M. Dione, comme pour bien d’autres responsables d’établissements scolaires, un changement de comportement est déjà perceptible chez les élèves.

« Pendant les vacances, les classes d’école sont remplies d’élèves qui viennent suivre des cours de soutien », a-t-il indiqué. « On se croirait en milieu d’année scolaire ».

Une pratique autodestructrice

Le phénomène de la corruption a pris racine dans le système éducatif de Guinée et est perçu comme une pratique normale et positive, ont fait remarquer certains observateurs à IRIN.

« Lorsque vous avez un problème, par exemple, on vous dit va donc voir tel ou tel enseignant ; il est vraiment gentil et il peut t’aider », a expliqué Abdoulaye Diallo, coordinateur guinéen du Comité africain de lutte contre la corruption affectant les jeunes (CALCAJ). « Ils ne voient pas l’aspect négatif de ce phénomène ».

A en croire certains observateurs, de plus en plus de Guinéens se rendent compte que la corruption est une pratique autodestructrice.

« Si la corruption continue au niveau que nous connaissons, et que les élèves se contentent de payer de l’argent pour obtenir des diplômes ou pour passer en classe supérieure, le pays est condamné », a expliqué Sékou Mouctar Touré, étudiant en quatrième année à la section Economie et finances de l’université Lansana Conté de Sonfonia, à Conakry.

« C’est un investissement totalement improductif pour l’Etat ».

Pour Ahmed Tidiane N’diaye, proviseur du lycée Donka de Conakry, le pays doit combattre un système qui fait des diplômes guinéens des diplômes sans valeur. « Ici, sur le marché du travail, les gens sont heureux de dire : j’ai embauché tel ou tel étranger – un Sénégalais, un Ghanéen – plutôt qu’un Guinéen. Nous voulons combattre cela ».

Elèves, enseignants et analystes, tous s’accordent à dire qu’il faudra des années pour éradiquer le phénomène de la corruption, mais tous reconnaissent que les récentes mesures constituent un réel changement.

« Il faudra trois ou quatre ans pour avoir des résultats probants », a affirmé Alpha Amadou Bano Barry, sociologue et vice-recteur de l’université de Sonfonia, ajoutant que le combat exige le soutien et la collaboration de tous. Mais, a-t-il souligné, on assiste en Guinée à un « changement de philosophie ».

Victimes

Bien qu’il se félicite des actions menées pour lutter contre la corruption dans l’éducation, M. Diallo du CALCAJ pense que le gouvernement doit envisager des mesures en faveur des étudiants qui ont monnayé leurs diplômes contre des pots-de-vin.

« J’ai quelques inquiétudes », a-t-il confié à IRIN, arguant que les jeunes gens qui pourraient perdre leur place à l’université ou leur diplôme seraient laissés au bord de la route. « Nous devons faire très attention ; ces mesures ont été trop brutales et présentent un risque. Certes, c’est une bonne chose de combattre le phénomène de la corruption dans l’enseignement et de constater que nous sommes complètement engagés dans ce processus. Mais que deviendront ces jeunes gens ? Ce sont des Guinéens eux aussi ».

« Nos étudiants ne peuvent être que ce que nous voulons qu’ils soient »
Le gouvernement doit aider ces jeunes à se réinsérer sur le marché du travail.

Pour M. Dione du collège 1 de Donka, ces étudiants ont été victimes du système. « Les étudiants sont innocents », a-t-il dit. « Nos étudiants ne peuvent être que ce que nous voulons qu’ils soient. Et cela relève de notre responsabilité, en tant qu’éducateurs ».

En collaboration avec l’Association guinéenne pour la transparence, le ministère de l’Education a lancé une enquête nationale destinée en partie à identifier les différentes formes de corruption et a ouvert un débat national sur ce phénomène.

Quant au CALCAJ, il a créé des comités de lutte contre la corruption dans les universités et y a installé des boîtes dans lesquelles les étudiants peuvent, de manière anonyme, signaler les cas de fraude dont ils auraient pris connaissance.

np/cb/ads/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join