1. Accueil
  2. Southern Africa
  3. Angola
  • News

Les ‘pour’ et les ‘contre’ la circoncision confrontent leurs arguments

Lorsqu’on suggère à Paula et Marta (des noms d’emprunt) qu’elles auraient pu apprécier un rapport sexuel avec un homme qui n’est pas circoncis, elles rigolent et disent qu’elles ne l’ont fait qu’une fois.

«Ce petit bout de peau fait mal», dit Marta, employé domestique de 28 ans qui travaille dans la capitale. «Personne ne m’avait averti que c’était douloureux pour la femme. Je ne veux plus le faire».

Une enquête informelle réalisée par IRIN/PlusNews auprès d’une douzaine de femmes choisies au hasard a révélé que la plupart d’entre elles préféraient un homme circoncis comme partenaire sexuel, entre autres pour une question d’hygiène, mais aussi parce qu’elles les trouvaient plus virils et esthétiquement plus beaux.

Ces préférences sont le reflet de la réalité en Angola, où 90 pour cent des hommes sont circoncis, selon Americo Kwononoka, directeur du Musée national d’anthropologie.

Pour la majorité des groupes ethniques, l’ablation d’une partie ou de la totalité du prépuce est une procédure associée à l’entrée dans la vie adulte. La tradition veut que cela se passe lorsque le garçon est âgé de 12 à 14 ans, et le rituel peut durer plusieurs mois.

«Cela commence par une fête. Ensuite, les candidats sont conduits en dehors de la communauté, dans un campement. Un homme fort tient le garçon pendant qu’un autre procède à l’intervention», explique M. Kwononoka. «L’ablation du prépuce se fait sans anesthésie», ajoute-t-il.

L’opération n’est que le début d’un long rituel qui a pour but de tester la capacité de l’individu à endurer la douleur et le froid, ainsi que son équilibre émotionnel pendant qu’il est tenu à l’écart de sa communauté.

On lui apprendra aussi une nouvelle langue qu’il est censé maîtriser pendant cette période, et pour chaque «mot interdit» prononcé, il se voit menacer de stérilité, comme punition.

A la fin du rituel, lorsqu’il est enfin considéré comme un homme, on l’accueille de retour à la maison avec une immense fête qui dure un ou deux jours ; on lui donne un nouveau nom, et on attend de lui qu’il «essaye» son nouveau pénis circoncis.

«C’est par la circoncision que les candidats pénètrent dans le monde secret des clans, et qu’ils reçoivent enfin le statut d’homme», dit M. Kwononoka. «Dans les zones rurales, l’homme qui se fait circoncire à l’hôpital est considéré comme immature.»

Dans les zones urbaines, la circoncision est aussi largement pratiquée, mais pas d’une manière aussi ancrée que dans les rituels et symbolismes.

La circoncision n’élimine pas le risque d’infection

Les données les plus récentes indiquent que la circoncision est liée à une réduction de plus de moitié des risques de transmission du VIH pendant les relations hétérosexuelles, même si elle fait encore l’objet de plusieurs études et reste un sujet controversé dans le milieu médical.

Des statistiques officielles datant de 2004, fondées sur des tests effectués sur 12 440 femmes enceintes en Angola, estiment le taux de prévalence du VIH à 2,8 pour cent. Ce taux est relativement bas dans une région où certains pays affichent un taux de séroprévalence allant jusqu’à 40 pour cent.

Les spécialistes du sida, tels que Daniel Halperin, chercheur sur le sida et défenseur de la circoncision masculine, commencent à tirer des conclusions.

«S’il est vrai que presque tous les hommes sont circoncis en Angola, cela voudrait dire que la circoncision agit comme un bouclier contre l’infection et diminue la propagation de l’épidémie», dit-il. «Cependant, si ce modèle quasi universel de la circoncision masculine venait à changer, l’épidémie pourrait exploser, compte tenu du niveau de comportement sexuel à risque dans le pays.»

En effet, le fait d’avoir plusieurs partenaires est la norme en Angola.

Marta est avec son actuel compagnon depuis cinq ans. Il a une autre partenaire avec qui il a un enfant. Marta, qui a aussi un enfant d’une relation précédente, désire partir de la maison de sa mère pour que son compagnon puisse vivre avec elle également.

Sa collègue Paula, 34 ans et cinq enfants, entretient aussi une relation avec un homme marié depuis quatre mois.

«Il est normal ici qu’un homme ait plusieurs épouses. Ils en ont parfois trois ou quatre, et partagent leur temps entre chaque maison», dit Paula. «Mais mon copain et moi utilisons toujours le préservatif.»

Ana Leitão, du Projet HAMSET de lutte contre le VIH/SIDA, le paludisme, les infections sexuellement transmissibles et la tuberculose de la Banque mondiale, dit qu’il est trop tôt pour évaluer l’impact de la circoncision sur le taux de prévalence du VIH en Angola.

Les statistiques nationales sont largement contestées et un grand nombre de personnes pensent que ce taux est nettement plus élevé que le montrent les chiffres.

Même si ces statistiques étaient correctes, d’autres facteurs pourraient aussi avoir contribué à diminuer ces taux, tels que le fait que les frontières du pays ont été en grande partie fermées durant la guerre civile qui a duré 27 ans et qui a pris fin en 2002.

Cependant, les statistiques indiquent que la séroprévalence dans la province de Cunene est de 9,1 pour cent, nettement supérieure à la moyenne nationale. Le groupe ethnique Kwanyama, majoritaire dans la région, ne pratique pas la tradition de la circoncision.

«Cela pourrait être la raison pour laquelle le taux est plus élevé ici, mais il y en a d’autres», a dit Mme Leitão. «Il faut rappeler que Cunene fait frontière avec la Namibie, où le taux de séroprévalence est très élevé, et il y a beaucoup de passage entre les deux pays dans cette région.»

Il peut également «y avoir d’autres raisons spécifiques pour que ce taux soit plus élevé en Namibie qu’à Cunene. Ou peut-être ne connaissons-nous pas le taux réel d’infection à Cunene – il pourrait être beaucoup plus élevé», a ajouté Mme Leitão.

Le risque de se croire protégé

L’on craint aussi que certaines personnes se croient, à tort, protégées contre le VIH par la circoncision ou la voient comme une alternative sûre à d’autres formes de protection, telles que les préservatifs.

Selon les experts, l’introduction de toute politique encourageant la circoncision devrait être incluse dans un ensemble plus grand de mesures visant à diminuer la propagation du virus.

«L’occasion s’offre à l’Angola d’éviter de commettre les mêmes erreurs que les autres pays et de contrôler l’épidémie», a dit M. Halperin. «Ce pays devrait concentrer ses efforts de prévention parmi les travailleurs du sexe, les chauffeurs de poids lourds et autres groupes à haut risque, ainsi que sur la réduction du nombre de partenaires parmi les jeunes.»

Les complications dues à des procédures rudimentaires de circoncision et les saignements et infections post-opératoires peuvent s’avérer catastrophiques et parfois provoquer la mort. Même dans les grandes villes, les circoncisions ne sont pas toujours pratiquées dans des hôpitaux et cliniques fiables.

Il n’est pas exclu que les dangers associés à la circoncision puissent être plus grands que les bénéfices, surtout dans le contexte angolais.

La guerre a laissé un système de santé en très mauvais état, qui ne dispose pas de fonds suffisants.

Plusieurs circoncisions sont pratiquées par des médecins traditionnels ou par des anciens, plutôt que par un médecin qualifié.

«Dans la plupart des cas, les instruments ne sont pas stérilisés, le personnel n’a pas la formation nécessaire pour pratiquer l’opération, et parfois plusieurs hommes sont circoncis en même temps», a dit Mme Leitão. «Dans certaines régions, l’homme ne boit pas pendant plusieurs jours pour éviter d’uriner, et certains d’entre eux meurent de déshydratation.»

Vu la nécessité urgente d’améliorer l’état des infrastructures de santé de base, il paraît prématuré que le gouvernement établisse une politique nationale sur la circoncision.

Toutefois, pour cette femme de 37 ans et mère de deux enfants, qui préférerait que son mari soit circoncis, cela devrait être une décision personnelle.

«Cela fait des années que je demande à mon mari de se faire circoncire, mais il refuse de le faire», dit-elle, préférant l’anonymat. «J’aimerais qu’il le fasse, les relations sexuelles seraient meilleures et tout le monde dit que c’est plus hygiénique, mas je pense que c’est à lui de décider. Après tout, nous devrions tous être libres de faire ce que nous voulons.»


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join