En réalité, la plupart des crises de réfugiés et de déplacés se poursuivent longtemps après que l’attention du public et l’intérêt des bailleurs de fonds se sont affaiblis, et d’autres ne sont jamais médiatisées. Dans ce contexte, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) et les organisations d’aide humanitaire héritent souvent de la difficile tâche de venir en aide à de vastes populations de réfugiés, de migrants forcés et de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) sans bénéficier d’un financement, d’une volonté politique ou d’un soutien suffisant de la part de la communauté internationale.
IRIN examine ci-dessous certaines des crises de réfugiés et de déplacés les plus négligées au monde.
1. Les réfugiés soudanais au Tchad : Près d’une décennie de conflit dans la région occidentale soudanaise du Darfour a entraîné le déplacement de quelque 1,8 million de Soudanais. Plus de 264 000 d’entre eux ont fui au Tchad voisin, où ils vivent toujours dans 12 camps situés le long de la frontière orientale avec le Soudan. Le Tchad est l’un des pays les plus pauvres au monde, selon le HCR, et l’environnement de travail est « extrêmement difficile » en raison du manque d’infrastructures et de ressources naturelles de la région. Les femmes qui vivent dans les camps racontent qu’elles doivent parfois marcher pendant toute une journée pour trouver du bois de chauffage. Par ailleurs, le manque d’accès aux terres arables a rendu les réfugiés presque totalement dépendants de l’aide humanitaire pour satisfaire leurs besoins essentiels. Les accords de paix qui ont été conclus par le passé entre les rebelles du Darfour et le gouvernement soudanais n’ont pas réussi à calmer l’instabilité de la région, ce qui explique la réticence des réfugiés à rentrer chez eux. Les travailleurs humanitaires estiment par ailleurs que la nature prolongée de la crise a provoqué la lassitude des bailleurs de fonds.
2. Les réfugiés érythréens dans l’est du Soudan : Les réfugiés érythréens installés dans l’est du Soudan ont quitté leur pays pour fuir les combats de la guerre d’indépendance contre l’Éthiopie, dans les années 1960 et, plus récemment, pour échapper à la politique érythréenne de conscription militaire illimitée. À l’heure actuelle, environ 66 000 Érythréens vivent dans des camps de réfugiés dans les États de Gedaref, de Kassala et de la mer Rouge, qui sont parmi les plus pauvres du Soudan, et 1 600 autres traversent la frontière chaque mois. Les nouveaux arrivants sont nombreux à considérer le Soudan comme un pays de transit et à poursuivre leur chemin vers le nord dans le but d’atteindre l’Europe ou Israël. Ils sont dès lors souvent la cible des passeurs et des trafiquants d’êtres humains. Ceux qui restent au Soudan ne peuvent légalement posséder des terres ou des biens et ont de la difficulté à trouver du travail dans le secteur formel. En 2002, le statut de réfugié de ceux qui avaient fui la guerre d’indépendance et le conflit qui a suivi entre l’Éthiopie et l’Érythrée a été révoqué, mais les rapatriements ont cessé en 2004 lorsque le pays a été vivement critiqué par la communauté internationale pour son bilan en matière de respect des droits de l’homme.
3. Les réfugiés soudanais au Soudan du Sud : Au cours des 18 derniers mois, environ 170 000 personnes ont fui le conflit qui oppose les forces du gouvernement soudanais et l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA-branche nord) dans les États soudanais du Nil bleu et du Kordofan du Sud, et qui déborde dans les États sud-soudanais du Nil supérieur et d’Unity. Les organisations d’aide humanitaire se préparent à un nouvel afflux de réfugiés à la fin de la saison des pluies, lorsque les routes seront de nouveau praticables. Les travailleurs humanitaires craignent que le nombre croissant de réfugiés, les inondations et les maladies n’aggravent la crise et le HCR lance un appel urgent pour réunir 20 millions de dollars supplémentaires afin de répondre aux besoins essentiels des populations des camps. Le mauvais état des infrastructures au Soudan du Sud rend à la fois difficile et onéreuse la fourniture d’une aide d’urgence.
4. Les PDIP dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) : Les défections de l’armée congolaise, qui ont donné lieu à la création du groupe armé M23, ont entraîné une résurgence de la violence dans la province du Nord-Kivu au cours des six derniers mois. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), plus de 260 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays jusqu’à présent et 68 000 autres ont fui en Ouganda et au Rwanda voisins. Les PDIP vivent dans quelques dizaines de camps de fortune répartis dans l’ensemble de la province. Les organisations d’aide humanitaire leur fournissent abri, protection, vivres et soins de santé en dépit d’une grave pénurie de financement et d’attaques récurrentes à l’encontre des travailleurs humanitaires. Le nouvel afflux de PDIP vient s’ajouter au 1,7 million de personnes déjà déplacées dans le pays, selon le HCR.
5. Les réfugiés Rohingyas au Bangladesh : Les Rohingyas, une minorité ethnique musulmane originaire de l’État de Rakhine, dans l’ouest du Myanmar, sont victimes de mauvais traitements et d’une discrimination systémique depuis 50 ans. Ils se sont même vus privés de leur citoyenneté par une loi passée en 1982. Au cours des 50 dernières années, des milliers d’entre eux ont fui le pays, la vaste majorité pour le Bangladesh. Le HCR n’a as été autorisé à enregistrer les nouvelles arrivées depuis la mi-1992, mais il estime que plus de 200 000 Rohingyas vivent dans le sud-est du pays. Seulement 30 000 d’entre eux sont enregistrés et vivent dans l’un des deux camps gérés par le gouvernement dans le district de Cox’s Bazar, où ils bénéficient de l’aide du HCR. Les organisations internationales, incluant le HCR, se sont vu interdire par le gouvernement bangladais de venir en aide aux réfugiés qui ne sont pas officiellement enregistrés, dont la plupart vivent en périphérie des camps du gouvernement. Officieusement, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) internationales offrent des services à ces réfugiés, mais on ignore jusqu’à quand elles seront autorisées à le faire.
7. Les réfugiés afghans en Iran : L’Afghanistan est à l’origine de l’une des plus importantes et des plus longues crises de réfugiés au monde. Les Afghans ont été nombreux à fuir le pays à la suite de l’invasion soviétique de 1979, durant le régime taliban dans les années 1990 et, finalement, pendant le conflit de la dernière décennie entre les insurgés talibans et les forces de la coalition dirigée par les États-Unis. Si on a beaucoup écrit au sujet des 2,7 millions de réfugiés afghans au Pakistan, la présence de quelque 900 000 réfugiés enregistrés et de 1,4 million d’Afghans non enregistrés en Iran voisin n’a pas reçu la même attention. La plupart d’entre eux vivent dans des zones urbaines et leurs enfants sont exclus du système éducatif régulier. Le régime actuel a par ailleurs exacerbé l’intolérance des populations des villes envers les réfugiés. Les promesses de naturalisation de certains d’entre eux sont restées lettre morte, et ils sont souvent les victimes de déportations de masse. Les experts croient qu’un retour massif forcé en Afghanistan pourrait déstabiliser encore davantage le pays, dont la capacité à fournir emplois, services essentiels et protection aux personnes retournées est limitée.
8. Les réfugiés de la Corne de l’Afrique au Yémen : Le Yémen a longtemps été un pays de transit pour les migrants qui tentaient d’atteindre l’Arabie saoudite dans le but d’y trouver du travail. Depuis 2006 toutefois, le pays accueille aussi un nombre croissant de réfugiés somaliens, éthiopiens et érythréens. Malgré le conflit, la pauvreté et une certaine xénophobie, 103 000 réfugiés et migrants – un chiffre record – ont afflué au Yémen en 2011, faisant passer le nombre total de réfugiés enregistrés à 230 000, en plus des quelque 500 000 migrants. Leur présence a été largement éclipsée par le soulèvement et la crise politique survenus l’an dernier, qui ont entraîné le déplacement de centaines de milliers de Yéménites et contribué à l’accroissement de la pauvreté dans un pays qui était déjà le plus pauvre de la région. Les réfugiés qui vivent dans les milieux urbains doivent faire concurrence aux populations locales pour les rares emplois disponibles et les ressources limitées, une situation qui a aggravé les tensions et accru la vulnérabilité de nombreux réfugiés. Une pénurie de financement d’environ 30 millions de dollars a contraint le HCR à limiter son aide.
9. Les PDIP et les réfugiés maliens dans les pays voisins : La prise de contrôle du nord du Mali orchestrée en avril par les rebelles touaregs, qui ont rapidement été supplantés par les groupes islamistes, a poussé quelque 34 977 Maliens à fuir au Burkina Faso, 108 942 en Mauritanie et 58 312 au Niger. Quelque 118 000 Maliens ont été déplacés à l’intérieur de leur propre pays, dont 35 300 dans le Nord, soit dans les régions de Kidal, de Gao et de Tombouctou. Le HCR doit composer avec de graves pénuries de financement au Mali et dans chacun des pays hôtes, et l’insécurité croissante limite l’accès humanitaire aux populations qui ont besoin de protection. Pour les gouvernements des pays hôtes et les organisations d’aide humanitaire, l’afflux de réfugiés vient aggraver la crise alimentaire et des moyens de subsistance qui affectait déjà la région du Sahel. L’intervention de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), si elle a lieu, risque de faire augmenter encore davantage les populations de réfugiés.
10. Les PDIP en Colombie : Depuis le début du conflit entre le gouvernement colombien et les guérillas armées marxistes au milieu des années 1960, la menace de la violence a poussé des millions de personnes à abandonner leur foyer. Les populations indigènes et afro-colombiennes des régions rurales et isolées ont été particulièrement affectées. Le gouvernement estime à 3,6 millions le nombre de PDIP, mais plusieurs ONG font remarquer que de nombreux déplacés n’ont pas été officiellement enregistrés et que le chiffre est probablement plus proche de 5 millions. La plupart d’entre eux vivent en périphérie des villes colombiennes. Ils ont souvent de la difficulté à s’adapter à la vie urbaine et sont régulièrement victimes de discrimination dans leur recherche d’emplois et d’opportunités. Nombre d’entre eux n’ont pas accès aux soins de santé publics parce qu’ils n’ont pas de documents d’identité. Malgré les récents pourparlers de paix entre le gouvernement et les guérillas, la plupart des PDIP ne peuvent pas rentrer chez eux en toute sécurité. Dans ce contexte, l’amélioration de l’intégration dans les communautés hôtes est devenue une priorité.
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