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La difficile prévention du VIH chez les MSM du Myanmar

To mark their anniversary together, on 3 March 2014, a gay couple exchanged vows publicly for the first time in Myanmar, a country where homosexuality is effectively criminalized Vincent Macisaac/IRIN
Une loi datant de la période coloniale criminalise les rapports sexuels « contre nature » au Myanmar, renforçant la stigmatisation dont sont victimes les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (men who have sex with men, MSM) et les contraignant à vivre « cachés, dans le silence et la honte », ce qui ne fait qu’entraver les efforts visant à maîtriser la prévalence du VIH/sida chez ce groupe de population très à risque, affirment les experts et les activistes.

L’article 377 du Code pénal, qui date de l’époque où le Myanmar était une colonie britannique, est rarement mis en application. Mais un certain nombre de moines, de juristes et de fonctionnaires de police l’invoquent pour réclamer l’emprisonnement d’un homosexuel et d’un activiste du VIH/sida ayant organisé, cette semaine, une cérémonie aux allures de mariage pour célébrer le dixième anniversaire de leur rencontre.

La cérémonie a fait la une des journaux le 3 mars, mais le retour de bâton a été prompt et brutal. Dès le lendemain, l’Eleven Daily – le plus grand quotidien d’information du pays – assimilait le sexe entre hommes à la zoophilie et s’étonnait que le couple n’ait pas été mis en examen pour violation de l’article 377, un crime passible de 10 ans de prison.

Aung Myo Min, le directeur du groupe de défense des droits de l’homme Equality Myanmar, qui dirige actuellement la campagne pour l’abrogation de l’article 377, a dit qu’Eleven Media véhiculait un « discours haineux » fomentant l’homophobie, mais que tous les médias ne suivaient pas son exemple.

L’hostilité grandissante à l’égard des MSM pourrait compliquer l’accès aux membres les plus cachés de la communauté, a dit Nay Oo Lwin, responsable de programme auprès de Population Services International (PSI), qui gère le plus vaste programme de sensibilisation au VIH/sida de Yangon.

Une population cachée

Les spécialistes du sida au Myanmar affirment qu’il est déjà très compliqué d’approcher les MSM pour leur fournir des services d’information sur les pratiques sexuelles sans risque, des conseils ou des tests de dépistage du fait d’une profonde stigmatisation qui les incite à rester cachés.

Les MSM sont « difficiles à atteindre au sens le plus extrême » et la « stigmatisation les incite à rester cachés », a dit le représentant pays de l’ONUSIDA au Myanmar, Eamonn Murphy.

Anne Lancelot, la directrice du programme d’approche ciblé de PSI, est du même avis. « Nous savons qu’une part importante de la population MSM ne s’identifie pas comme tel, mais nous ne nous connaissons même pas l’ampleur de cette population », a-t-elle ajouté.

M. Murphy a néanmoins observé que la visibilité des MSM s’était accrue au cours des 10 dernières années, en particulier dans les villes.

Des statistiques discutables

Le programme birman de lutte contre le sida (NAP, en anglais) estime que les MSM représentent moins de 0,5 pour cent de la population, soit 240 000 personnes sur une population d’environ 60 millions. Moins de 30 pour cent d’entre elles ont bénéficié des services de prévention du VIH.

Le faible niveau de sensibilisation de ce groupe, qui pourrait par ailleurs être largement sous-estimé, alarme les experts. L’absence d’éducation sexuelle au Myanmar ne fait qu’exacerber leur inquiétude.

La première initiative de surveillance de la prévalence du VIH chez les MSM, menée par le NAP en 2007, HSH a conclu à un taux d’infection de 29 pour cent. Le taux actuel est de l’ordre de 7-8 pour cent, contre moins de 0,6 pour cent pour l’ensemble de la population.

Cette baisse est souvent attribuée aux décès liés au manque d’accès à un traitement antirétroviral et à un recours accru au préservatif, mais il se peut également qu’un certain nombre de MSM dissimulent leur identité pour échapper à la stigmatisation, a dit M. Murphy.

Une autre épidémie urbaine ?

Près de la moitié des quelque 200 000 personnes atteintes du VIH/sida au Myanmar vivent à Yangon ou à Mandalay, les deux plus grandes agglomérations du pays, selon un rapport récent du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

Si les villes offrent davantage de liberté aux MSM, le risque d’infection y est accru lorsque la sensibilisation aux pratiques sexuelles sans risque est insuffisante, la discrimination y est répandue et les services sont fragiles, souligne le rapport.

Si le Myanmar souhaite éviter le sort des autres grandes villes asiatiques, il doit lutter contre la stigmatisation et développer les services à l’intention des MSM dans les villes, poursuit le rapport, en soulignant la nécessité d’abroger l’article 377.

Les médecins doivent se montrer moins hostiles envers les MSM, recommande le rapport. Ces derniers sont souvent traités avec mépris par les médecins, si bien que « de nombreux MSM sont terrifiés à l’idée de se rendre chez le médecin pour une maladie sexuellement transmissible », a dit Mme Lancelot.

Identités changeantes

Les MSM du Myanmar disposent, pour s’autodéfinir, d’un ensemble de termes spécifiques fondés notamment sur la part de masculinité et de féminité ressentie et affichée. Les transgenres sont moins susceptibles de vivre cachés et sont davantage confrontés au harcèlement, en particulier de la part de la police, selon les plaintes exprimées par la Commission des droits de la personne mise en place par le gouvernement – théoriquement civil – du Myanmar.

Les MSM qui se considèrent hétérosexuels, en revanche, sont plus enclins à vivre cachés et à être mariés, et ils sont dès lors plus vulnérables au chantage, selon le rapport du PNUD.

Toutefois, la démocratisation de l’accès à Internet au Myanmar favorise la prise de contact anonyme des MSM, tout en multipliant les possibilités de rapports sexuels à risque.

PSI est en train de développer son programme de sensibilisation en ligne. « Nous nous rendons sur les sites et les applications de rencontre, comme Grinder et Jack D », a dit Mme Lancelot. « Cela peut nous permettre d’atteindre des personnes qui ne se rendent pas dans nos [18] centres d’accueil. »

« Nous observons de très près ce qui se passe actuellement en Thaïlande, où il semblerait que l’épidémie de VIH connaisse un certain regain chez les MSM. Nous devons anticiper la courbe », a-t-elle dit.

La prévalence du VIH chez les MSM de Bangkok est montée en flèche, passant de 17,3 à 28,3 pour cent entre 2003 et 2005, et s’est stabilisée autour de 30 pour cent, selon un rapport de 2013 du ministère thaïlandais de la Santé publique et des CDC (Centres for Disease Control and Prevention).

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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