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Vendre ses enfants pour rembourser une dette

Feeding children is not easy for impoverished families Kamila Hyat/IRIN
Les familles pauvres ont de plus en plus de difficultés à nourrir leurs enfants ; certaines n’ont même plus les moyens de leur offrir un repas décent
Dans l’incapacité de rembourser une somme d’argent qu’il avait empruntée, Muhammad Ahsan a donné son fils à son employeur, propriétaire d’une briqueterie ; aujourd’hui, il a honte que son fils travaille comme domestique au domicile de ce dernier, à Lahore.

« Je lui devais 100 000 roupies [1 176 dollars] que je lui avais empruntées, et je n’avais pas les moyens de le rembourser », a raconté M. Ahsan. « Il a accepté d’effacer ma dette si je lui “donnais” Sajjad, mon fils de 10 ans, pour travailler comme domestique chez lui, faire la vaisselle et laver les sols ».

« J’ai honte parce que j’ai effectivement “vendu” mon fils, et que pour cela, je lui ai fait arrêter l’école. Mais peut-être que j’aurai maintenant les moyens d’offrir une éducation à mes deux plus jeunes fils ».

Ce qui est arrivé à M. Ahsan n’est pas un cas isolé. Bien que la loi l’interdise, la servitude pour dettes est courante au Pakistan. Selon un rapport publié en 2009 par le gouvernement américain, le Pakistan est un pays source, de transit et de destination pour les hommes, les femmes et les enfants victimes de la traite à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle.

Dans le domaine du trafic d’êtres humains, la servitude pour dettes est le problème le plus grave au Pakistan, selon le rapport. Concentrée dans les provinces du Sindh et du Punjab, la servitude pour dettes est particulièrement courante dans les secteurs de la briqueterie, de la confection de tapis, de l’agriculture, de la pêche, de l’exploitation minière, du tannage et de la production de bracelets en verre. Les estimations varient sensiblement quant au nombre de victimes de servitude pour dettes, mais en comptant les victimes de mariages forcés et les femmes échangées entre tribus pour régler des querelles ou en guise de paiement, elles seraient probablement plus d’un million, peut-on lire dans le rapport.

Selon une étude publiée en 2003 par l’Institut pakistanais pour l’éducation et la recherche sur le travail, une organisation non gouvernementale (ONG) de Karachi, le secteur de la briqueterie compte plus d’un demi-million de travailleurs asservis pour dettes. Il est difficile d’obtenir des données plus récentes à ce sujet.

Pour la Coalition nationale contre la servitude pour dettes, un organisme pakistanais composé d’un groupe d’ONG locales, cette pratique est « l’une des formes d’esclavage moderne les moins connues, mais elle est responsable de l’esclavage de millions de personnes dans le monde ».

Outre le remboursement de dettes, d’autres raisons peuvent également inciter des familles à vendre ou à tenter de vendre leurs enfants.

Ghazala Bibi a passé plus de sept heures debout sur une place de Vehari, une ville du sud du Punjab, en quête « d’acheteurs » pour ses trois enfants, Mahnoor, neuf ans, Abdullah, sept ans et Masooma, quatre ans. « Mon mari est toxicomane et je n’ai plus les moyens de nourrir mes enfants », a confié Ghazala, qui travaille comme domestique.

En les vendant, a-t-elle dit, elle espérait leur offrir une vie meilleure.

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Un autre cas a été rapporté en novembre 2010 : à Vehari, quatre enfants se sont eux-mêmes mis en vente en affichant une bannière, afin de financer la greffe de rein de leur mère, Aqsa Parveen, 35 ans. Les autorités de la province du Punjab sont intervenues pour prendre en charge les coûts de l’opération.

« Je pense que certains organisent de “fausses” ventes, juste pour qu’on leur fasse la charité. Mais même dans ces cas-là, ces personnes sont généralement désespérées et pensent n’avoir pas le choix », a indiqué à IRIN Sumera Jabeen, travailleuse de la santé communautaire. De plus en plus de personnes envoient également leurs enfants mendier de la nourriture dans la rue, a-t-elle ajouté.

De plus en plus d’habitants plongés dans la pauvreté

Selon un rapport publié en avril par la Banque asiatique de développement, l’augmentation de plus de 10 pour cent des prix des vivres observée pendant les premiers mois de l’année 2011 a plongé dans la pauvreté 6,94 millions de Pakistanais supplémentaires. Le prix du blé a augmenté de 10 pour cent et le prix du riz de 13,1 pour cent cette année, peut-on lire dans le rapport.

« Nous n’avons même plus les moyens d’offrir à nos cinq enfants un seul repas décent dans la journée. Les prix sont trop élevés, j’ai récemment perdu mon emploi à l’usine et maintenant, je ne fais que des petits boulots, et je gagne environ 6 000 roupies [70 dollars] par mois. Je dépense presque tout pour acheter de la nourriture », a expliqué à IRIN Fareed Ahmed, ouvrier dans le textile.

Certains parents (originaires, dans un cas, de Quetta, chef-lieu de la province du Balûchistân) auraient également tenté de vendre leurs enfants rien que pour un sac de farine de blé.

« Il ne fait aucun doute que les conditions économiques sont de plus en plus difficiles pour la population. Les prix augmentent effectivement de jour en jour et les gens ont du mal à s’en sortir. Mais les personnes qui essayent de vendre leurs enfants sur le bord de la route tentent globalement d’attirer l’attention de médias sensationnalistes et espèrent que quelqu’un leur donnera de l’argent », a indiqué à IRIN Anwar Kazmi, porte-parole de la Fondation Edhi, une association caritative, depuis Karachi.

Un avis partagé par un membre de la municipalité de Vehari, qui n’a pas souhaité être nommé. « Le problème, c’est que les politiciens s’empressent de donner de l’argent à ces gens pour avoir une bonne image ; c’est pour cela que les gens font ce genre de numéros – mais ce n’est pas la solution. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une stratégie visant à créer un filet de sécurité sociale pour les personnes démunies, à créer des emplois et à contrôler l’inflation », a-t-il préconisé.

Selon la Coalition nationale contre la servitude pour dettes, les personnes touchées par ce problème perdent essentiellement leur liberté de circulation, leur droit à l’emploi et leur droit à vendre leur travail au prix du marché. Ces actes s’inscrivent en violation des droits humains reconnus par la communauté internationale.

kh/eo/cb – nh/amz

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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