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Trouver des solutions aux conflits fonciers

Land issues in Liberia require urgent mediation Rosie Collyer
Les conflits liés à la terre nécessitent une médiation urgente au Liberia
Depuis près de 25 ans qu’il mène des études topographiques et participe à la résolution des conflits fonciers, J. Patrick Vanie possède des connaissances uniques sur les subtilités de la propriété foncière dans le comté de Nimba, au Liberia. « Je connais ce comté sur le bout des doigts », dit M. Vanie. Ce commissaire foncier reconnaît toutefois qu’il se sent débordé par une charge de travail écrasante. « Le commerce de la terre est difficile ici, vraiment difficile », admet M. Vanie. « La demande de terres est très, très élevée ».

Les conflits fonciers irrésolus dans le comté de Nimba soulèvent de sérieuses inquiétudes au niveau national et local. Depuis la fin de la guerre, il y a sept ans, la situation est relativement calme dans ce comté du nord-est du Liberia. Mais les griefs de longue date refont fréquemment surface.

Le 26 juillet, à l’occasion des célébrations de l’indépendance, la présidente Ellen Johnson-Sirleaf s’est rendue à Sanniquellie, la capitale administrative du comté, et a mis en garde : « Les conflits fonciers durent depuis bien trop longtemps ici ».

Elle a également annoncé que le marché de Ganta, l’un des plus grands marchés de l’intérieur du pays, allait désormais être un « domaine éminent », et ainsi devenir une propriété de l’État. Cette décision avait pour objectif de mettre un terme aux controverses de longue date portant sur la propriété des terres sur lesquelles se tient le marché et opposant les commerçants de la communauté Mandingo aux résidents des communautés Gio et Mano. À la fin du mois de juin, une commission foncière spécialement désignée a présenté à Mme Sirleaf un rapport proposant des mesures compensatoires et des mécanismes de régulation éventuels. Mais le commissaire foncier Vanie a prévenu qu’il n’y aurait pas de solution rapide au conflit. « J’ai deux ou trois nouvelles affaires à gérer chaque semaine ».

Une équipe du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) travaille en collaboration avec M. Vanie et ses collègues. Le programme ICLA (information, conseil et assistance légale) du NRC a été mis en place au Liberia en 2006. L’accent a principalement été mis sur les besoins et l’aide à la réintégration des anciens réfugiés et des déplacés internes dans une région qui a été le théâtre d’importants mouvements de population pendant la guerre. Mais le projet a également pour objectif de promouvoir des solutions pratiques et accessibles pour les personnes et les communautés impliquées dans des conflits fonciers.

Le NRC et M. Vanie ont mis en garde contre une simplification et une exagération des problèmes auxquels est confronté le comté de Nimba. Ils se montrent particulièrement critiques vis-à-vis des tentatives de certaines sections des médias libériens et autres de résumer les conflits fonciers de Nimba à un simple affrontement entre la communauté Mandingo, d’un côté, et les communautés Gio et Mano, de l’autre. Nyahn Flomo, un chargé de projet du NRC, dénonce les tentatives de faire de la question foncière un problème politique ou ethnique, alors que des responsables politiques essayent de tirer profit des griefs communautaires. « Quand on comprend certains des facteurs du problème, on se rend compte que l’on peut aborder et résoudre ces conflits », a dit M. Flomo.

Le comté de Nimba, qui compte près de 500 000 habitants, est le deuxième comté le plus peuplé du Liberia après celui de Montserrado, où se trouve la capitale, Monrovia. La croissance de la population a accentué la pression sur les terres, tout comme les séquelles de la guerre.

Les séquelles de la guerre

Le comté de Nimba, d’où est partie l’insurrection conduite par l’ancien président Charles Taylor en décembre 1989, s’est retrouvé à de nombreuses reprises au cœur du conflit qui a duré 14 ans. La fuite de milliers de personnes, notamment vers la Guinée voisine, a entraîné une série de transferts de terres et de propriétés, des transferts forcés et volontaires, légaux et illégaux. La réintégration des communautés déplacées a été rendue encore plus complexe par les confusions permanentes sur l’identité des véritables propriétaires des terres.

La plupart des fragiles infrastructures de Nimba ont été détruites lors des combats. Le County Development Agenda, un ambitieux programme de développement sur quatre ans (2008-2012), met l’accent sur la sécurité, la régénération économique, la fourniture de services et l’autorité de la loi, et place ses espoirs dans l’expansion du commerce transfrontalier, la croissance agricole et les nouveaux investissements réalisés par des entreprises comme le géant de l’acier ArcelorMittal. Le programme note toutefois qu’il est crucial de trouver des solutions à long terme au problème foncier.

Les prix de la terre augmentent dans les zones rurales et urbaines de Nimba, où les parcelles sont vendues entre 600 et 700 dollars. Selon le commissaire foncier Vanie, les propriétaires terriens sont de plus en plus jeunes, les jeunes hommes souhaitant quitter le domicile de leurs parents et acquérir un terrain. Si le marché des transferts fonciers s’avère stable, M. Flomo, du NRC, insiste sur la nécessité de mettre en place un système d’enregistrement plus méthodique, soulignant que le Liberia paye aujourd’hui le prix d’une mauvaise tenue des registres et des dossiers.

« Confusion »

« Il y a beaucoup de confusion et d’ignorance », a dit M. Flomo. Cette confusion s’explique en grande partie par l’existence de deux politiques de gestion des terres, l’une fondée sur les actes de propriété, l’autre sur les régimes fonciers coutumiers. « Les populations coutumières considèrent que les terres qu’elles occupent leur reviennent de droit, alors que le gouvernement dit qu’il faut d’abord disposer d’un acte de propriété pour posséder des terres de manière légitime ».

Certaines des affaires présentées au NRC remontent à des générations. Nombre de ceux qui demandent de l’aide disposeront d’un « certificat tribal » qui confirme la propriété des terres. Ces certificats n’ont aucun poids légal, mais constituent au moins un point de départ pour des revendications. Obtenir un acte de propriété officiel peut se révéler long, laborieux et extrêmement coûteux. Un futur propriétaire doit demander que le gouvernement effectue une expertise des terres en question, puis attendre que le bureau du surintendant du comté envoie l’acte de propriété au ministère des Terres, des Mines et de l’Énergie à Monrovia. L’acte est ensuite envoyé au bureau du Président avant d’être reconnu par un tribunal successoral.

Les équipes d’expertise du gouvernement étant surchargées, le NRC a fourni sa propre expertise foncière tout en encourageant les parties en conflit à résoudre leurs problèmes sans recourir à des procédures judiciaires coûteuses. Si l’objectif premier est de désengorger les tribunaux, la médiation demande une patience extrême et une connaissance solide des mécanismes juridiques et des coutumes locales. 

Accaparement des terres

Selon Rebecca Secklo, assistante de projet du NRC, les citoyens ordinaires ne disposent généralement d’aucun document et se retrouvent ainsi sans défense lorsque des personnes s’accaparent leur terrain et utilisent de manière abusive des terres qu’ils considèrent être les leurs. « Ils pourraient dire : ‘ce ruisseau délimite mes terres’, mais aujourd’hui, les gens font délibérément fi des délimitations traditionnelles et commencent à planter des cultures comme le caoutchouc et le cacao. C’est de là que vient la confusion ».

Le NRC traite des affaires très diverses. À Sanniquellie, Westmore Gayleh et John Zulu se disputent plusieurs parcelles de terrain. M. Gyaleh dispose d’un acte de propriété au nom de sa mère aujourd’hui décédée, qui a été signé par l’ancien président William Tubman il y a plus de 40 ans. M. Zulu soutient que les terres ont été attribuées au père de M. Gayleh, mais qu’elles devraient désormais lui revenir de droit. Le NRC tente de servir de médiateur entre ces deux personnes.

Cooper Gehpaye se dit victime de la confusion qui règne au sujet des frontières du village, car il a perdu des terres accordées à sa famille sous la présidence d’Edwin Barclay dans les années 1930.

Mathew Payzine, un mécanicien, a acheté à une famille très en vue des terres situées aux abords de Ganta dans l’intention d’y construire une maison. Il s’est finalement rendu compte que le terrain avait déjà été vendu. Quand on lui a accordé un deuxième terrain en compensation, il a découvert qu’il avait lui aussi été acheté par une autre personne, un pasteur ghanéen très embarrassé par la situation.

M. Flomo, du NRC, met la population en garde contre les entrepreneurs peu scrupuleux qui profitent de la confusion ambiante. « Certaines personnes se montrent malhonnêtes dans la conduite des affaires », reconnaît M. Flomo. « Vous prenez l’argent d’une personne, et quelques jours plus tard, vous prenez l’argent d’une autre personne, et ainsi de suite jusqu’à ce que vous fassiez un arrangement avec le plus offrant ».

Le NRC insiste sur le fait qu’il ne peut pas faire appliquer ses recommandations, mais qu’il peut amener les parties en conflit à négocier jusqu’à ce qu’un accord informel soit obtenu.

Pour Rebecca Secklo, du NRC, l’envie de posséder des terres est plus que compréhensible. « Si vous possédez des terres, vous avez une vie. Vous pouvez construire une maison, faire pousser des récoltes, de la nourriture que vous pourrez manger. Si vous n’avez pas de terres, vous n’êtes personne ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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