Comme des millions de personnes, Uzma Khan (un nom d’emprunt), 16 ans, a visionné la flagellation publique de cette jeune fille dans le village de Kala Killay, à Kabal Tehsil, une région de Swat, et elle en a pleuré. « Les cris de cette pauvre fille étaient tout simplement insoutenables. Elle a été traitée comme un animal. Aujourd’hui, je veux quitter Swat pour toujours », a déclaré Uzma au cours d’un entretien téléphonique accordé à IRIN.
Le cas de l’adolescente, du nom de Chand Bibi, a fait les gros titres de la presse après que des chaînes de télévision privées eurent diffusé à plusieurs reprises une séquence vidéo basse résolution de la jeune fille, vêtue d’une burqa bleue, tenue au sol et flagellée en pleine rue par des Talibans pakistanais.
Des manifestations ont eu lieu dans toutes les grandes villes du pays ; le président et le Premier ministre ont également demandé qu’une enquête soit ouverte sur cette affaire.
Selon le récit des faits qui circule dans les médias, la jeune fille aurait été aperçue aux côtés d’un homme sans lien de parenté avec elle. Les Talibans de la région avaient ordonné que Chand Bibi et Adalat Khan, avec qui elle avait été aperçue, reçoivent 30 coups de fouet pour leur comportement « immoral ».
« Les médias ne disent pas tout. Seule la fille est montrée à l’image. Mais l’homme qui était avec elle a lui aussi été châtié comme il se doit », a déclaré à IRIN Muslim Khan, porte-parole du Tehrik-e-Taliban Pakistan à Swat, ajoutant que la séquence avait été filmée il y a neuf mois, pendant l’opération militaire menée par le gouvernement contre les militants, à Swat.
« Un avertissement »
« Ce n’est pas seulement une affaire de flagellation. C’est un avertissement, qui nous montre ce qui risque de nous attendre », a déclaré à la presse Asma Jahangir, éminente défenseuse des droits humains, dans la ville de Lahore (est), où elle participait, aux côtés de centaines de personnes, à un rassemblement organisé pour protester contre l’incident. « Il faut résister aux Talibans », a-t-elle martelé.
« Il ne s’agit que d’un cas parmi tant d’autres violences, plus générales, dont sont victimes les femmes de ce pays. Les femmes ont été exposées à des sévices, surtout sous le régime taliban », a expliqué à IRIN Ali Dayan Hassan, chercheur principal sur l’Asie du Sud chez Human Rights Watch, une association américaine de défense des droits humains.
« Ce n’est pas seulement une affaire de flagellation. C’est un avertissement, qui nous montre ce qui risque de nous attendre . Il faut résister aux Talibans ... » |
Diverses atrocités, commises par les Talibans à Swat, se font jour de temps à autre, et selon les médias, au moins 25 hommes et deux femmes, outre Chand Bibi, ont été flagellés en public ces derniers mois, mais la violence contre les femmes est monnaie courante.
Reprenant les statistiques de l’Institut des sciences médicales du Pakistan, sis à Islamabad, Amnesty International avait indiqué dans un rapport publié en 2002 que « plus de 90 pour cent des femmes mariées déclarent recevoir des coups de pied, des gifles, des coups ou être victimes de sévices sexuels lorsque leurs maris sont mécontents de leur cuisine ou du ménage, ou lorsqu’elles ne “parviennent pas” à avoir un enfant ou donnent naissance à une fille plutôt qu’à un garçon ».
Aujourd’hui, la peur grandit au sein des populations. « Nous craignons tous que cet incident ne donne des idées aux extrémistes des autres régions... Déjà, nous ne parlerions même pas à un cousin en public, car nous avons bien trop peur de ce qui pourrait se passer. Maintenant, nous allons peut-être même arrêter de discuter par email ou messagerie instantanée, de peur des conséquences possibles », a confié Sumaira Ijaz (un nom d’emprunt) à IRIN, à Peshawar.
Meurtre de travailleuses humanitaires
Le 6 avril, trois travailleuses humanitaires et leur chauffeur ont été abattus près de Mansehra, dans une région de la PFNO où les islamistes ont pris pour cible les organisations humanitaires, selon Reuters.
Les victimes travaillaient toutes pour Rise International, une organisation non-gouvernementale (ONG) qui mène des activités dans le secteur de l’éducation, en collaboration avec le gouvernement et avec le soutien de l’Agence américaine d’aide au développement (USAID).
Les travailleuses humanitaires rencontraient des parents pour les convaincre d’inscrire leurs enfants à l’école, en particulier leurs filles.
« Tout le monde est sous le choc », a déclaré à IRIN Shezad Ahmed, chargée de projets chez Rise International, ajoutant que Rise n’avait reçu « aucune menace, sous quelque forme que ce soit ».
Depuis le tremblement de terre d’octobre 2005, qui a fait au moins 72 000 morts dans la PFNO et au Cachemire pakistanais, Mansehra est devenue une plateforme humanitaire pour les ONG : bon nombre d’entre elles y ont ouvert des bureaux, la ville permettant d’accéder facilement à de nombreuses régions du nord.
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