1. Accueil
  2. Africa
  3. DRC

Les candidats à l'immigration clandestine attendent patiemment leur tour

[Mauritania] A Senegalese illegal migrant in a holding centre in Nouadhibou, Mauritania, whose journey to the Canary Islands ended when the boat he was riding in broke down. He is awaiting repatriation to Senegal. [Date picture taken: 01/06/2006]
Marie-Pierre Olphand/IRIN
Un migrant sénégalais dans un centre de détention de Nouadhibou, en Mauritanie. La traversée vers les îles Canaries a pris fin lorsque son embarcation a connu une avarie.
Depuis le mois de mai, les patrouilles maritimes menées conjointement avec l’Espagne ont permis à la Mauritanie d’intercepter puis d’expulser quelque 10 000 ressortissants d’Afrique de l’ouest qui tentaient de rejoindre en pirogues les côtes de l’archipel espagnol des Canaries, puis l’Europe continentale.

Ces opérations ne suffisent pas à décourager les milliers de migrants clandestins qui continuent à embarquer depuis les plages sénégalaises et gambiennes ou tous ceux qui sont restés en Mauritanie dans l’espoir de pouvoir tenter à nouveau l’aventure.

« J’ai déjà versé 200 000 ouguiyas mauritaniens [soit 775 dollars américains] à un passeur mauritanien », a confié Aziz, un jeune Guinéen, qui travaille dans un restaurant de Nouakchott, la capitale. « Nous partirons dès que les 40 places de la pirogue seront prises ».

« Je sais que c’est dangereux, mais Dieu est bon et un des mes amis a déjà réussi la traversée et vit maintenant à Barcelone», a-t-il ajouté.

Selon les estimations de l’Organisation internationale pour la migration (OIM), plus de 27 000 migrants ont débarqué cette année sur les côtes des Canaries, un archipel situé à une centaine de kilomètres au large de la pointe sud du Maroc. Ces candidats à l’immigration fuient la pauvreté, le chômage et recherchent une vie meilleure que ne peut leur offrir leur pays d’origine.

Au moins 500 autres migrants ont péri en mer, a annoncé le gouvernement espagnol. Des corps échouent régulièrement sur les berges des plages désertiques de la Mauritanie, une république islamique qui a une superficie de plus d’un million de Km² et une population de 3,2 millions d’habitants.

Des frontières mieux surveillées

Avec l’aide de leurs homologues espagnols, les forces de sécurité mauritaniennes ont arraisonné plusieurs pirogues en haute mer ou lorsqu’elles s’apprêtaient à quitter le port de Nouadhibou, dans le nord de la Mauritanie, a déclaré un haut responsable du service de l’immigration, qui a requis l’anonymat.

« Nous avons également mis en place des barrages routiers afin d’intercepter les personnes qui arrivent à Nouadhibou par la route en partant du Sénégal ou du Mali », a-t-il expliqué.

La Mauritanie compte au total 63 barrages de police et 37 de gendarmerie le long de ses frontières avec le Mali et le Sénégal, et l’OIM a proposé son soutien pour en ouvrir cinq autres. Les migrants sont de plus en plus nombreux à être refoulés à la frontière, a indiqué le responsable du service de l’immigration, sans pour autant apporter de précisions.

Jusqu’à récemment, la Mauritanie s’était peu impliquée dans la lutte contre l’immigration clandestine, prétextant un manque de moyens.

« Avec 5 000 kilomètres de frontières terrestres et 740 kilomètres de frontières maritimes, il est extrêmement difficile pour la Mauritanie de contrôler l’afflux incessant d’immigrants clandestins sur son territoire », ont rappelé Bernardino Leon Gross, le secrétaire d’Etat espagnol aux affaires étrangères, et Antonio Camacho, le secrétaire d’Etat espagnol chargé de la sécurité, dans un rapport gouvernemental publié à l’occasion d’une visite en Mauritanie.

Pour venir en aide à la Mauritanie, l’Espagne a envoyé quatre patrouilleurs, un hélicoptère et une vingtaine de gendarmes de la garde civile. Ces derniers ont été déployés dès le mois de mai. Depuis, ils ont mis en place des patrouilles côtières et formé des forces de sécurité mauritaniennes.

Des conditions de détention « déplorables »

Au mois de juillet dernier, plus de 3 500 ressortissants de pays ouest-africains ont été arrêtés et expulsés. Puis au mois d’août, ce chiffre a quasiment doublé avec l’arrestation de 3 150 personnes supplémentaires.

« Certains disent que nous nous sommes améliorés et que nous arraisonnons davantage de pirogues qu’avant. Mais en fait, c’est juste qu’il y a de plus en plus de pirogues qui partent en mer », a affirmé le responsable des services de l’immigration.

La mer est généralement plus calme au mois d’août et la plupart des personnes à bord étaient des jeunes gens, qui devaient certainement profiter des vacances scolaires pour quitter leur pays, a-t-il précisé.

Les personnes interceptées ont été placées dans le centre de détention de Nouadhibou construit en avril dernier par le gouvernement espagnol.

Selon la Croix-Rouge locale, ce centre a été conçu pour accueillir 250 personnes, mais en réalité, il en reçoit beaucoup plus et les conditions de détention sont « déplorables ».

« Les toilettes sont dans un piteux état, il y a des problèmes de ventilation, et jusqu’à 40 personnes vivent entassées dans une seule et même pièce », a déploré Ahmedou Ould Haye, qui travaille pour la Croix-Rouge. « Les fenêtres qui se trouvent au fond de la pièce sont bouchées par un mur pour éviter que les gens ne s’enfuient ».

Les projets de construction de quatre autres centres de détention dans les villes de Zouerate, Nouakchott, Rosso et Kaedi ont été abandonnés, a annoncé le responsable du service de l’immigration.

« Pour le gouvernement, la priorité maintenant, ce sont les élections de novembre et de mars », a-t-il fait remarquer.

Contourner les mesures de sécurité

Comme prévu, le nombre d’arrestations et d’expulsions a chuté après le mois d’août. Ainsi, en septembre, seules 1 821 personnes ont été interceptées et expulsées, a indiqué le responsable du service de l’immigration.

Selon lui, face aux opérations menées par l’Espagne et la Mauritanie, les candidats à l’immigration préfèrent adopter un profil bas.

« Nous savons qu’ils sont toujours dans le pays, la plupart d’entre eux travaillent avec des pêcheurs sénégalais », a-t-il expliqué. « Lorsque tout le monde sera habitué à leur présence, ils pourront s’enfuir sans attirer l’attention de quiconque ».

Les pêcheurs sénégalais se sont établis sur la côte mauritanienne depuis des générations. « Tant qu’ils ont leur carte d’identité [sénégalaise], ils peuvent rester », a-t-il ajouté.

Théoriquement, la loi en matière d’immigration s’est durcie en 2001, lorsque la Mauritanie s’est officiellement retirée de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Cependant, le pays autorise toujours la libre circulation des biens et des personnes avec le Sénégal, le Ghana, la Guinée et la Gambie.

Depuis 2002, un visa est exigé aux ressortissants de la Côte d’Ivoire, du Ghana, de la Guinée et d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest pour entrer en Mauritanie. Mais dans la pratique, ils peuvent entrer dans le pays avec une simple carte d’identité, a admis le responsable du service de l’immigration.

En réalité, le gouvernement mauritanien ne s’est jamais vivement intéressé au problème de l’immigration, a-t-il reconnu. En 2003, la Mauritanie a signé un accord avec l’Espagne et s’est engagée à rapatrier tous les migrants clandestins qui avaient transité par la Mauritanie.

Cependant, le gouvernement n’a jamais appliqué cette loi. Seuls les ressortissants de pays ouest-africains qui n’avaient pas de papiers d’identité ou ceux qui avaient été arrêtés dans des pirogues à destination de l’Europe ont été expulsés.

Jusqu’à présent, les patrouilles maritimes ont uniquement arraisonné les pirogues qui entraient dans les eaux territoriales mauritaniennes, depuis le Sénégal ou la Gambie.

Mais, les pirogues s’éloignent de plus en plus de la côte afin d’éviter d’être repérées par les patrouilles, a expliqué le responsable du service de l’immigration. Ce qui rend le voyage encore plus périlleux.

« La plupart des pirogues que nous arraisonnons sont celles qui sont contraintes à s’arrêter en Mauritanie parce que l’équipage est confronté à des problèmes techniques, parce qu’il est perdu ou parce qu’il n’a pas prévu assez de ravitaillements », a-t-il conclu.

//Cet article est le quatrième d'une série d'articles sur l'immigration clandestine.//


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join