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La hausse du prix des vivres accentue la précarité des Nigériens

A la saison prochaine, une fois que les caméras auront cessé de tourner et que les reporters du monde entier auront quitté le Niger, les Nigériens démunis seront très probablement de nouveau confrontés à la faim et les enfants les plus affaiblis en mourront.

« Tous les ans, dans tous les villages du Niger, on trouve des enfants malnourris », a déclaré Salif Sow, représentant régional du Réseau des systèmes d’alerte précoce contre la Famine (FEWS NET), une organisation financée par les Etats-Unis.

Selon certains travailleurs humanitaires, la crise humanitaire qui touche en cette saison plusieurs régions du Niger, un pays aride situé dans le Sahel, découle aussi bien du prix des denrées alimentaires que de leur disponibilité sur l’ensemble du territoire.

Mais le problème ne vient pas d’une pénurie alimentaire nationale. L’année dernière, la production totale de céréales – bien qu’étant en-deça de la production moyenne des cinq dernières années – était néanmoins supérieure de 22 pour cent à celle de 2000/2001, une année qui n’avait été marquée par aucune « crise alimentaire préoccupante », selon le rapport de FEWS NET.

Ce qui a changé cette année, c’est le prix des vivres. Dans certaines zones de la région australe qui va de la frontière burkinabée au Tchad, les prix des denrées alimentaires sont exorbitants, tandis que le prix du bétail a chuté de manière spectaculaire.

L’année dernière, le sac de 100 kg de mil, la céréale de base, se vendait entre 8 000 et 12 000 francs CFA environ (entre 16 et 24 dollars américains). Aujourd’hui, il coûte plus de 22 000 francs CFA (44 dollars).

Environ 3,6 millions de personnes sur une population totale de 12 millions sont confrontées à l’insécurité alimentaire. Deux millions et demi d’entre elles, considérées comme extrêmement vulnérables, doivent impérativement bénéficier d’une aide alimentaire.

Les travailleurs humanitaires veillent à ne pas utiliser le terme « famine » pour décrire la crise qui affecte le Niger, deuxième pays le plus pauvre du monde, selon l’Indice de développement humain des Nations unies.

« Je n’utilise jamais les termes “disette” et “famine” car nous n’avons pas la preuve de l’existence de tels phénomènes. Nous avons plutôt affaire à une crise d’insécurité nutritionnelle et alimentaire » a expliqué Victor Aguayo, conseiller régional en nutrition pour le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF).

En temps normal, la vie est déjà dure pour les populations du Niger. Dès lors, lorsque le sort les accable, leur pauvreté oppressante les laisse complètement démunies.

Dans tout le Niger, les systèmes agropastoraux demeurent inchangés depuis des siècles, en dépit du changement climatique et d’une désertification de plus en plus rapides. Le peu de services médicaux disponibles, l’absence d’un système éducatif pour les enfants, et le statut traditionnel de la femme ne font qu’ajouter à la condition désastreuse des Nigériens.

En 1998, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) avait établi le profil du Niger. Ce profil, qui réunissait une série d’informations obtenues au cours des 10 années précédentes, tirait la conclusion suivante : « Les taux de malnutrition chez les enfants sont élevés dans l’ensemble du pays : plus de 32 pour cent des enfants présentent un retard de croissance – pour la moitié d’entre eux, il s’agit d’un retard sévère -, plus de 15 pour cent souffrent de dépérissement, et plus de 36 pour cent présentent une insuffisance pondérale ».

« Chaque année, les taux de malnutrition au Niger dépassent le seuil d’urgence », a déclaré Marcus Prior, responsable de la communication du Programme alimentaire mondial (PAM). « A bien des égards, je ne pense pas que la [crise nutritionnelle actuelle] soit un phénomène nouveau ».

Selon le rapport publié par la FAO en 1998, la région la plus touchée par la malnutrition était Maradi. Cette année, selon le PAM, Maradi est une nouvelle fois au centre de la crise nutritionnelle, aux côtés de plusieurs zones situées dans cinq autres régions du sud.

Selon une étude publiée en avril dernier par l’organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF), les taux de malnutrition aiguë dans certains départements de Maradi dépassent les 19 pour cent.

Mais le problème reste flou. En effet, on ne sait pas précisément si les souffrances des populations nigériennes découlent davantage de leur vulnérabilité sous-jacente ou de la crise actuelle.

« Ce n’est pas parce que ce problème arrive chaque année qu’il faut le tolérer », a déclaré Johanne Sekkenes, responsable de la mission de MSF au Niger. « Cette situation n’est en aucun cas acceptable ».

Au Sahel, en temps normal, le prix des denrées alimentaires baisse entre septembre et décembre, avant de remonter. L’année dernière, selon Salif Sow, non seulement les prix n’ont pas baissé, mais ils ont « atteint des sommets inégalés » à partir du mois de janvier.

Selon M. Sow, cette hausse était due en partie à des prix élevés au niveau régional mais aussi à un facteur de spéculation. Les commerçants, qui prévoyaient que l’invasion de criquets de 2004 provoquerait une pénurie, avaient conservé leurs réserves alimentaires au lieu de les écouler sur les marchés.

Les essaims de criquets pèlerins qui se sont abattus sur les cultures ont également détruit les pâturages. Pour ne rien arranger, la saison des pluies s’est achevée trop tôt, au grand dam des communautés pastorales, qui ont vu ce qu’il restait de leur fourrage se flétrir sous la chaleur écrasante du soleil, affaiblissant et décimant leurs troupeaux.

Depuis toujours, les bêtes sont troquées contre de la nourriture, mais les conditions du troc ne sont plus en faveur des bergers. « Dans les zones touchées, les bergers doivent à présent vendre deux ou trois bêtes pour se procurer la quantité de nourriture qu’ils pouvaient obtenir en n’en vendant qu’une », a expliqué M. Sow.

Actuellement, le pays traverse la période de soudure, une période difficile qui précède la prochaine récolte, qui aura lieu en octobre. Les paysans luttent pour trouver de quoi se procurer de la nourriture sur les marchés. Des dizaines de milliers d’entre eux n’y parviennent pas.

Il y a quelque temps, avant que les fonds commencent à affluer, les différents protagonistes de la crise s’opposaient au sein d’un débat laborieux : les distributions de nourriture gratuite déséquilibreraient-elles le marché libre et créeraient-elles une dépendance ?

En avril, le gouvernement, largement dépendant des bailleurs, a augmenté les taxes imposées sur une série de biens de consommation, y compris le lait et la farine. Il s’agissait d’une condition à remplir pour pouvoir bénéficier de l’aide budgétaire accordée par le Fonds monétaire international (FMI). Plusieurs de ces taxes ont été annulées à la suite de manifestations.

« Le plus grand défi du Niger et de la communauté internationale pour faire en sorte que cette crise ne se répète plus, c’est d’aider le pays à se sortir de ce qui est, en réalité, une pauvreté intolérable », a déclaré M. Prior, du PAM.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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