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Les associations, seul espoir des orphelins du sida

[Nigeria] In Kaduna, north of Nigeria, the Mother's Welfare Group home welcomes children who became vulnerable or orphans because of aids. Anne Isabelle Leclercq/IRIN
Fati, cinq ans, a du mal à contenir ses larmes. Elle qui se faisait une joie d’aller à l’école vient de se faire refuser l’entrée de l’établissement. Comme les trois autres enfants renvoyés en ce jour de rentrée scolaire, Fati est séropositive et orpheline du sida. La tête basse, son uniforme scolaire dissimulant mal un estomac proéminent dû aux médicaments antirétroviraux (ARV) qu’elle prend depuis un an, Fati (un nom d’emprunt) se réfugie dans les bras de Kathryn Barrera, directrice de l’organisation Mother’s Welfare Group (MWG) à Kaduna, à 200 kilomètres au nord d’Abuja, la capitale du Nigeria. «C’est la pire chose qu’on pouvait lui faire», tempête cette femme énergique, venue des Etats-Unis il y a plus de 30 ans et que tous les enfants appellent «grand-mère». «Lorsque Fati est arrivée chez nous l’année dernière, on ne pensait pas qu’elle allait survivre. Elle a fait plusieurs arrêts cardiaques, c’est un miracle qu’elle soit encore là et maintenant on la renvoie de l’école parce que son estomac est trop gros!», se révolte-t-elle en prenant la petite fille sur ses genoux. Ce matin-là, MWG a envoyé 14 enfants à l’école, tous orphelins du sida ou rendus vulnérables par l’épidémie : quatre ont été renvoyés par la direction de cette institution religieuse privée de Kaduna. C’étaient de nouveaux inscrits. «De toute façon, si vous ne pouvez pas y retourner, je vous enlève tous de cette école!», dit Mme Barrera en s’adressant aux enfants qui attendent, cartable sur le dos, au milieu du salon de la maison que Kathryn et son mari ont aménagée à Kaduna, dans le nord du Nigeria, pour y accueillir les enfants rendus vulnérables par le sida. C’est en 2001, face à la situation alarmante de ces enfants, que MWG a commencé à accueillir les premiers orphelins ; 26 enfants vivent aujourd’hui dans cette maison entourée d’un jardin verdoyant, où résonnent en permanence des voix et des rires. Leur nombre ne cesse d’augmenter, car dans cet Etat du nord du pays à majorité musulmane, qui affiche un taux de prévalence de six pour cent, contre cinq pour cent pour la moyenne nationale, selon les autorités, la stigmatisation liée au virus est encore très forte. Des enfants en danger A Kaduna, un travailleur social a expliqué sous couvert d’anonymat avoir eu connaissance de nombreux cas de mauvais traitements, voire de torture parfois mortelle, sur des enfants. Qu’ils soient séropositifs ou séronégatifs, ils sont quelquefois accusés de sorcellerie et tenus pour responsables de la mort de leurs parents, ou alors être victimes des questions d’héritage. Les menaces qui pèsent alors sur certains de ces enfants sont parfois telles que les laisser dans leur famille ou leur communauté reviendrait à les condamner à mort, a expliqué ce travailleur social. Pourtant, en dehors d’une poignée d’orphelinats publics, seules quelques organisations caritatives ou religieuses s’occupent des «enfants du sida» au Nigeria, dont beaucoup ont vécu des situations familiales traumatisantes. «Certaines familles gardent les enfants à la maison mais ils ne s’en occupent pas jusqu’à ce qu’ils meurent, ils font comme s’ils ne les voyaient pas», dit Bukky Olumodeji, une jeune fille de 19 ans qui travaille depuis deux ans avec MWG en attendant de reprendre ses études d’infirmière. «Si on peut, on laisse les enfants dans leurs familles, on le fait et on les aide, mais parfois c’est impossible», confirme Bulus Cheto, directeur-adjoint et co-fondateur de MWG. «Parfois, on donne de la nourriture à la famille mais la nourriture n’est pas donnée aux enfants». En dehors de la stigmatisation, le déni de l’épidémie et les tabous qui l’entourent font que peu de gens osent se faire dépister et l’accès aux traitements ARV reste limité à quelques privilégiés, dont les enfants ne font pas partie.
La stigmatisation des personnes vivant avec le VIH est beaucoup plus forte dans le nord du Nigeria, à majorité musulmane
«Il y a encore quelques années, personne ne réalisait ici qu’un enfant pouvait être infecté par le virus, y compris au sein du corps médical», explique un médecin d’un hôpital gouvernemental de la région, qui a requis l’anonymat. Ce médecin a dit se souvenir du jour où l’hôpital de Kaduna a, pour la première fois, dépisté un enfant positif au VIH. C’était au milieu des années 90. «Au départ, nous recevions un enfant par mois, puis un par semaine. Aujourd’hui, c’est presque tous les jours qu’on dépiste un enfant positif au VIH à l’hôpital», dit le médecin. Au Nigeria, près de quatre millions de personnes vivent avec le virus, dont plus de 300 000 enfants de moins de 15 ans, selon les Nations unies. Fin 2003, le sida avait rendu orphelins de père ou de mère près de deux millions d’enfants de moins de 17 ans. Pas d’ARV pédiatriques à Kaduna Selon la branche du Comité national d’action contre le sida (Naca) au niveau de l’Etat, le Saca, 230 000 personnes vivaient avec le VIH dans l’Etat de Kaduna fin 2003. «Probablement moins d’un millier» d’entre eux ont aujourd’hui accès aux ARV subventionnés par le gouvernement, qui coûtent au patient 1 000 nairas (près de huit dollars) par mois, explique Andrew S. Yohanna, responsable des approvisionnements au Saca. Les ARV pédiatriques coûtent dix fois plus cher, environ 80 dollars par mois, une somme inabordable pour la majorité des Nigérians, dont les deux tiers vivent avec moins d’un dollar par jour, selon les Nations unies. «Certaines familles font des sacrifices énormes pour apporter des soins à leurs enfants séropositifs», constate le médecin de l’hôpital. «Ils se privent de leurs propres médicaments pour en donner à leurs enfants». Les ARV pédiatriques ne sont pas encore disponibles à Kaduna, selon le Saca. Son budget de 2005 pour l’achat de médicaments atteignait à peine 50 millions de nairas (380 000 dollars), une somme dérisoire compte tenu du nombre de patients qui attend de recevoir des ARV. Seuls quelques enfants reçoivent ces traitements à Zaria, à une centaine de kilomètres au nord de Kaduna, a précisé le SACA. «Il n’y a pas de programme pour les enfants séropositifs en dehors du système scolaire», reconnaît M. Yohanna. «En plus, très peu d’enfants ont été dépistés. Même dans les orphelinats, on ne sait pas qui est séropositif. Il faudrait pouvoir financer une enquête pour les identifier», ajoute-t-il. A la maison de MWG, les ARV sont gratuits pour les enfants séropositifs. L’association les achète en Europe avec le soutien de ses partenaires , parmi lesquels les organisations néerlandaise Van Leer foundation, anglaise CAFOD (Catholic Agency For Overseas Development), ou espagnole Manos Unidas. Ceux qui arrivent trop tard à la maison n’ont guère de chances de survivre. Les enfants ont ainsi vu mourir plusieurs d’entre eux et cela les pousse à s’entraider. «Ils prennent vraiment soin les uns des autres, en vérifiant que chacun a pris ses médicaments. Si l’un est malade, l’autre va lui demander s’il a bien pris ses comprimés comme il faut», se réjouit la jeune Bukky. Pour ces enfants, rejetés par leurs familles ou ayant échappé à la mort, aller à l’école est essentiel. Des orphelins de plus en plus nombreux Deux heures après avoir été renvoyés de l’école, Fati et les trois autres enfants en reprennent le chemin, précédés de Mme Barrera, bien décidée à se battre. Dans la salle de classe où se déroulent les inscriptions, la directrice de l’école, très embarrassée et manifestement soucieuse d’éviter tout scandale, jette des coups d’oeils inquiets aux autres mamans présentes dans la salle. Elle parle de malentendu et, à voix basse, se dit convaincue lorsque Mme Barrera lui explique qu’elle n’enverrait jamais des enfants à l’école s’ils étaient dangereux pour les autres. En quelques minutes, les quatre enfants exclus sont réintégrés dans leur classe. «C’est une nouvelle directrice», explique Mme Barrera en sortant. «Celle d’avant soutenait beaucoup les enfants, sa remplaçante n’a pas pu se débarrasser de ceux qui étaient déjà inscrits, alors elle a tenté de refuser les quatre qui étaient de nouveaux élèves», analyse-t-elle, assise sur un banc au milieu de la cour de l’école, entourée d’une dizaine d’enfants qui se disputent qui sa main, qui ses genoux. «Mais tous les jours il faut se battre sur des choses comme ça, à peine un problème est réglé qu’il en arrive un autre», dit Mme Barrera. Quelques heures plus tard, les membres de MWG doivent effectivement gérer une nouvelle situation d’urgence. Un nouveau-né, âgé de quelques heures à peine, est arrivé cette nuit à la maison, recommandé par l’hôpital public de Kaduna. «La mère du bébé est morte en couche», explique Bukky. «Quand l’hôpital a découvert qu’elle était infectée au VIH et l’a annoncé à son mari, expliquant que le bébé l’était certainement aussi, il s’est enfui en abandonnant son fils». «La grand-mère maternelle du bébé est restée, elle est là mais elle ne sait pas quoi faire», ajoute-t-elle, très éprouvée. Pour Kathryn Barrera, cela implique qu’il va falloir trouver de nouveaux moyens financiers, car le nombre d’enfants pris en charge par son organisation ne cesse de grossir. Outre les enfants logés à la maison de MWG, l’organisation soutient plus de 400 autres orphelins et enfants vulnérables du sida, en termes de soins, de nutrition et d’éducation. Elle appuie également des communautés de femmes villageoises. Selon le Saca, un programme d’assistance aux orphelins et enfants vulnérables devrait être mis en place au niveau de l’Etat de Kaduna en 2006, avec le soutien de la Banque mondiale. Ce programme se traduirait notamment par des subventions aux communautés et aux organisations sur le terrain qui financeraient les frais de scolarité, les uniformes, la nourriture de ces enfants. «Même si ce programme voit le jour, 2006 c’est loin», dit Mme Barrera. «La rentrée scolaire, c’est maintenant, et des enfants arrivent presque tous les jours...»

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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