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Le virus Zika s'empare de la Colombie

The aedes aegypti mosquito that spreads the Zika virus as well as dengue fever and chikungunya James Gathany/Sanofi Pasteur
Depuis qu'elle a été infectée par le virus Zika il y a un mois, Wendy Johana Castillo souffre de douleurs dans tout le corps, d'une fièvre récurrente et d'éruptions cutanées. Mais cette jeune colombienne de 23 ans s'inquiète surtout pour son enfant à naître.

Tous les 15 jours, elle doit passer une échographie pour s'assurer que son fœtus ne développe pas de microcéphalie, une malformation congénitale liée au virus Zika transmis par le moustique. Les enfants microcéphales naissent avec un périmètre crânien anormalement petit, qui s'accompagne souvent d'anomalies du développement cérébral.

Alitée chez sa cousine à Soacha, une ville de la banlieue de Bogota, la capitale colombienne, Mme Castillo a dit à IRIN par téléphone : « Les médecins m'ont conseillé de ne pas trop bouger, et de foncer aux urgences les plus proches si mon enfant cessait de bouger ».

La jeune femme, enceinte de 19 semaines, travaillait comme gardienne sur un chantier de construction de Girardot, une ville touristique située à environ deux heures et demie de voiture de Bogota. « Mon lieu de travail était cerné de flaques et infesté de moustiques », a-t-elle dit.

Comment savoir si vous êtes infecté ?

Les symptômes habituels du virus Zika sont une légère fièvre et une éruption cutanée, généralement accompagnées d'une conjonctivite et de douleurs musculaires ou articulaires qui apparaissent jusqu'à une semaine après la piqûre du moustique porteur. La plupart des personnes infectées ne présentent aucun symptôme, mais un lien a été établi entre l'infection par le Zika chez les femmes enceintes et la recrudescence du nombre d'enfants nés microcéphales au Brésil voisin, causant l'inquiétude des experts. Lundi, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que le lien étroit constaté entre l'infection chez les femmes enceintes et la microcéphalie constituait une urgence de santé publique de portée mondiale.

Pour l'heure, des cas ont été confirmés dans 23 pays en Amérique latine et dans les Caraïbes, mais l'OMS s'attend à ce que le virus se propage rapidement dans les zones tropicales de la région et infecte jusqu'à 4 millions de personnes. Le Brésil est le pays le plus durement touché, et pas moins de 4 000 enfants seraient nés avec une microcéphalie liée au virus Zika depuis octobre 2015. Le pays a déclaré l'état d'urgence et dépêché 220 000 soldats dans ses rues pour tenter d'éradiquer les sites de reproduction des moustiques.

La Colombie est le second pays le plus touché avec 20 297 cas confirmés, dont 2 100 femmes enceintes, selon les chiffres du gouvernement communiqués samedi.

Jusqu'alors, la Colombie n'a signalé aucun cas de femmes infectées accouchant d'enfants microcéphales. La semaine dernière, le gouvernement a démenti la rumeur selon laquelle une fillette âgée de neuf ans serait décédée des suites d'une infection par le virus. Le gouvernement considère toutefois les femmes enceintes potentiellement infectées par le virus Zika comme autant de « grossesses à haut risque », et a conseillé aux femmes d'éviter de tomber enceintes avant mi-2016.

Vivre là d’où vient le virus Zika

À Girardot, d'où est originaire Mme Castillo, 1 437 cas d'infection par le virus Zika ont été recensés par la municipalité, qui a commencé à tenir des statistiques en novembre 2015 après que l'alerte a été lancée par les autorités sanitaires fédérales.

Cette ville densément peuplée connaît un climat tropical toute l'année, deux facteurs qui la rendent particulièrement vulnérable à une propagation du virus Zika. Bien qu'aucun cas de transmission d'homme à homme n'ait été confirmé jusqu'alors, un moustique qui pique une personne infectée peut transmettre le virus aux prochaines personnes qu'il piquera.

« Dans les services d'urgence, les médecins ont doublé leurs quarts de travail au détriment d'autres services », a dit Erika Lorena Ramirez, la responsable de la santé publique de Girardot. Les cliniques sont assaillies de personnes craignant d'être infectées, a-t-elle dit à IRIN. Les médecins de l'un des hôpitaux de la ville voient 50 patients par jour en moyenne, contre six en temps normal.

Mme Ramirez, qui est elle-même porteuse du virus, a rapporté que sa ville avait déjà eu à gérer des épidémies de dengue et de chikungunya, deux virus dont est également responsable le moustique Aedes egypti vecteur du Zika. L'année dernière, le chikungunya a infecté quelque 76 000 personnes à Girardot, soit près de la moitié de la population.

Combien de cas non signalés ?

Juliana Quintero, qui travaille comme épidémiologiste à la Fundación Santa Fé de Bogota, un hôpital et centre de recherche de Bogota, s'inquiète que de nombreux cas de Zinka pourraient ne pas être signalés. Selon elle, de nombreuses personnes gardent un mauvais souvenir de leur prise en charge par les établissements de santé mal équipés de Girardot lors des épidémies précédentes, et ont certainement préféré rester chez elles à tenter de régler le problème par leurs propres moyens.

« Les gens se disent : pourquoi me rendre à l'hôpital et attendre des heures pour que l'on finisse par me donner de l'acétaminophène (paracétamol) », a-t-elle dit à IRIN.

Il n'existe actuellement aucun traitement efficace contre le virus Zika, et aucun test rapide pour le diagnostiquer. Mme Quintero a expliqué que les symptômes s'apparentaient à ceux d'autres maladies, si bien que l'infection ne pouvait être confirmée que par un test de laboratoire. Les petites villes n'ont pas l'expertise requise pour la réalisation de tels tests, et dans les grandes villes, les laboratoires de l'Institut national de la santé sont engorgés. Pour l'heure, la priorité est donnée aux femmes enceintes et aux patients présentant des symptômes neurologiques. En plus de la microcéphalie, le virus Zika est lié au syndrome de Guillain-Barré pouvant occasionner la paralysie. Vendredi, le vice-ministre colombien de la Santé a déclaré que le pays avait recensé 41 cas de ce syndrome manifestement liés à une infection par le virus Zika.

Le gouvernement colombien a estimé qu'au moins 500 enfants risquaient de naître avec une microencéphalie avant que le virus ne soit maîtrisé, mais certains experts craignent un chiffre bien supérieur.

Les sites de reproduction

Les réservoirs d'eau à ciel ouvert flanqués de bassins appelés « albercas », où l'on fait sa lessive et autres tâches ménagères, sont courants dans les foyers à faible et moyen revenu de la région. Ils représentent 80 pour cent des sites de reproduction du moustique Aedes aegypti en Colombie, d'après Mme Quintero.

Elle dirige un projet pilote visant à réduire les populations de moustiques Aedes aegypti en recouvrant simplement ces réservoirs de filets spéciaux. Cette initiative soutenue par l'OMS s'avère plus efficace que les mesures appliquées actuellement, la plus populaire consistant à remplir un bas d'une substance mortelle pour les larves et à l'accrocher dans le réservoir. Cette méthode échoue souvent lorsque le niveau chute et que le bas n'est plus en contact avec l’eau du réservoir, a expliqué Mme Quintero.

Les campagnes de fumigation ont elles aussi un impact limité : elles ne permettent de tuer que les moustiques adultes, remplacés en quelques jours par une nouvelle génération issue des larves, a dit Mme Ramirez

En raison de sa situation géographique et de son climat tropical, 85 pour cent du territoire colombien est vulnérable au virus Zika, qui serait apparu en Ouganda dans les années 1940 avant de s'exporter en Amérique du Sud en 2015.

Mme Castillo a quitté Girardot pour s'installer chez sa cousine à Soacha, afin de se rapprocher de la capitale où elle doit régulièrement se rendre chez le médecin. Elle a perdu son emploi lorsqu'elle est tombée malade, et peine aujourd'hui à subvenir aux besoins de son fils de sept ans et à financer les vitamines et les analgésiques que le médecin lui prescrit. Ses examens médicaux sont couverts par son assurance maladie publique. Son compagnon l'a quittée lorsqu'il a appris qu'elle était enceinte, a-t-elle dit.

« J'ai peur que mon enfant naisse avec un problème cérébral quelconque », a dit Mme Castillo. « Quoi qu'il en soit, je garderai mon enfant jusqu'à ce que Dieu décide de le reprendre. »

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