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Le conflit afghan et l’arrivée de l’hiver compliquent les secours postséisme

Inside the EMERGENCY Surgical Centre for Civilian War Victims in Kabul, Afghanistan, in 2015 EMERGENCY
Inside an Emergency surgical centre for civilian war victims in Kabul
Les forces afghanes et les insurgés Taliban se disputent plusieurs districts proches de l’épicentre du séisme de magnitude 7,5 qui a secoué l’Afghanistan ce lundi, ce qui complique l’assistance aux personnes touchées. 

Le nombre de victimes de la guerre dans le nord de l’Afghanistan est monté en flèche depuis que les forces du gouvernement s’efforcent de juguler la progression des Taliban, notamment autour de la ville de Kunduz. Le Badakhshan, la région à l’extrême nord-est du pays qui a été la plus durement touchée par le séisme, a récemment lui aussi été le théâtre d’affrontements violents.

Selon Abdullah Najay Nazari, chef du conseil provincial du Badakhshan, la présence des insurgés Taliban entrave les secours.

« Dans les districts de Yamgan et de Warduj et dans certains secteurs du district de Jurm, la population n’a reçu aucune aide », a-t-il dit à IRIN. « Le gouvernement dit que de l’aide sera distribuée après évaluation, mais comment peut-il envoyer des équipes d’évaluation dans des secteurs où les Taliban sont présents ? Ce sont des secteurs où les gens ont souffert et nous nous inquiétons aussi du froid. »

Des Taliban se sont emparés de Warduj le 1er octobre et le district se trouve toujours sous le contrôle d’« éléments antigouvernementaux », selon un document listant les districts occupés par les insurgés présenté à IRIN par un employé humanitaire occidental. Trois autres districts du Badakhshan sont tombés aux mains des Taliban depuis le mois de juin, dont celui de Yamgan. Ils ont été reconquis depuis, mais les experts en sécurité ont remarqué que les Taliban avaient souvent la mainmise sur les villages et les vallées tandis que les forces du gouvernement contrôlaient le centre des districts.

Depuis le séisme, les autorités afghanes ont enregistré 115 morts, tandis qu’au moins 248 décès ont été confirmés au Pakistan voisin. Ces chiffres, ainsi que le nombre de blessés qui s’élève actuellement à plus de 2 000, risquent d’augmenter dans les prochains jours, lorsque les équipes d’évaluation parviendront jusqu’aux secteurs les plus reculés des monts de l’Hindu Kush.

Les Taliban ont publié un communiqué enjoignant « les organisations caritatives à ne pas hésiter à offrir des abris, de la nourriture et du matériel médical aux victimes de ce séisme ». Mais des organisations humanitaires ont déjà été prises pour cible dans des secteurs où les Taliban sont actifs. C’est notamment le cas du Programme alimentaire mondial, qui a suspendu ses opérations de distribution d’aide alimentaire dans la province du Badakhshan en septembre, quand cinq de ses camions et des membres de son personnel ont disparu alors qu’ils revenaient d’une distribution de nourriture (les chauffeurs ont été libérés depuis).

Autrefois bien plus fermes dans leur position résolument « anti-infidèles », les Taliban semblent depuis quelques années se montrer moins sévères envers les organisations non gouvernementales (ONG) internationales. 

Néanmoins, selon Madara Hettiarachchi, responsable des programmes humanitaires pour l’Asie et le Moyen-Orient de Christian Aid, l’accès aux familles vulnérables risque d’être limité pour des raisons de sécurité, car les zones touchées par le séisme chevauchent des secteurs en conflit.

« Nous n’avons pas fini d’évaluer la situation, alors il est difficile de dire si cela posera un problème », a dit Mme Hettiarachchi à IRIN. « Il pourrait y avoir des difficultés, mais nous espérons pouvoir acheminer l’aide humanitaire par l’intermédiaire de nos partenaires. »

Le risque de chevauchement ne se limite pas au Badakhshan. Dans la province voisine de Takhar, elle aussi fortement touchée par le séisme, le gouvernement a récemment repris le contrôle d’un district occupé par les Taliban, et des « rapports contradictoires » jettent le flou sur la situation de trois autres districts, selon le document montré à IRIN par l’humanitaire occidental sous couvert d’anonymat.
 
En tout, le document dénombre 24 districts pris par les insurgés depuis le mois de mai, dont certains ont été reconquis par les forces gouvernementales. Dix-huit de ces districts se situent dans le nord de l’Afghanistan. Cette année, les Taliban ont avancé progressivement dans cette région auparavant considérée comme l’une des plus sûres du pays. Ils ont même brièvement pris le contrôle de la ville de Kunduz ce mois-ci. C’était la première fois que le mouvement occupait une capitale provinciale depuis son éjection du pouvoir en 2001.

Un journaliste d’IRIN présent à Kunduz a signalé de violents combats autour de la ville ce mardi soir.
 
Malgré les perturbations potentielles dues à la présence des Taliban, le responsable du bureau provincial de l’Autorité nationale de gestion des catastrophes au Badakhshan, Abdul Humayoon Dehqan, a dit à des fonctionnaires des Nations Unies que ses équipes avaient réussi à atteindre les secteurs les plus touchés proches de l’épicentre, dans le district de Jurm. L’agence Associated Press a cependant cité M. Dehqan disant que certains districts du Badakhshan étaient encore sous l’emprise des Taliban et qu’il ne savait pas comment ils allaient pouvoir aider les habitants de ces régions.

Janu Rao, directeur des programmes de Concern Worldwide en Afghanistan, a dit à IRIN que 19 des 28 districts du Badakhshan étaient touchés et que 2 700 logements ou abris étaient partiellement ou complètement détruits. Dans la province de Takhar, huit des 17 districts ont été touchés et plus de 450 logements ou abris endommagés. M. Rao a précisé que ces évaluations préliminaires faites par l’ONG et par ses partenaires étaient susceptibles de changer.

Avant l’arrivée de la neige

Confirmant les craintes de Mme Hettiarachchi, de Christian Aid, M. Rao a dit que l’arrivée de l’hiver risquait de compliquer les activités de secours.

« Avec les températures négatives de ces cinq derniers jours, certains articles — tels que les tentes — qui seraient distribués en temps normal, ne conviennent plus aux besoins des personnes vulnérables touchées par le séisme. »

Les conditions hivernales empêchent également la construction ou reconstruction de logements plus permanents. 

Au Pakistan voisin, l’armée a pris la tête de l’intervention postséisme. Sur son fil Tweeter, le lieutenant-général Asim Bajwal a listé les activités d’assistance de l’armée, dont l’acheminement de matériel d’urgence par la route et par les airs, le déblaiement des glissements de terrain et l’envoi d’équipes médicales dans les régions les plus touchées. 
 
En Afghanistan, en revanche, l’armée ne s’est pas montrée très impliquée dans les secours, mais le séisme n’a pas stoppé une opération contre les Taliban qui était déjà prévue avant la catastrophe.
 
Sulaiman Shah, officier de l’armée, a dit à IRIN que les forces du gouvernement menaient « d’intenses combats » pour reprendre le district de Dashti Arche, dans la province de Kunduz, conquise par les Taliban au mois de juin.

« Les deux camps ont recours à des armes lourdes », a dit Haji Bashir, un notable local, à IRIN. « Deux obus de mortier ont atterri dans une maison, blessant trois enfants et une femme. »
 
Le nombre de victimes civiles a fortement augmenté cette année en Afghanistan, surtout ces deux derniers mois, car les Taliban ont repris des forces et tentent d’accroître leur emprise au-delà de leurs bastions ruraux du sud du pays.
 
Le bilan civil de cette année « devrait être égal ou supérieur aux chiffres record enregistrés en 2014 », peut-on lire dans un rapport de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, qui compte 1 592 morts et 3 329 blessés dans les six premiers mois de l’année. Ce rapport a été publié le 5 août, quelques jours avant que les Taliban lancent plusieurs assauts sur les provinces du Badakhshan, de Takhar et de Kunduz.
 
On ignore le nombre de morts et de blessés dus aux récents affrontements dans le nord, mais un hôpital qui n’accepte que les victimes de la guerre du nord et du centre du pays a observé une hausse spectaculaire du nombre de patients pris en charge. L’hôpital de Kaboul, qui est dirigé par l’organisation humanitaire médicale italienne Emergency, a soigné 2 640 patients cette année jusqu’à début octobre. L’organisation n’en avait soigné que 2 402 sur toute l’année 2014, selon Lucca Radaelli, coordonnateur de programme pour Emergency.
 
Malgré l’augmentation des souffrances due à l’intensification du conflit dans le nord, les organisations humanitaires ont été contraintes d’interrompre ou de réduire leurs activités. Il leur est donc encore plus difficile d’apporter leur aide aux populations touchées par le séisme.

M. Nazari, le chef du conseil provincial du Badakhshan, a appelé à une action urgente.

« J’ai demandé aux conseils locaux de voir si nous pouvions apporter de l’aide par leur intermédiaire et le Croissant-Rouge afghan a pris la responsabilité de distribuer de l’aide », a-t-il dit à IRIN. « Nous voulons que le gouvernement agisse rapidement. Les gens, surtout les enfants, ont besoin d’aide. »

bs-ewb-jf/ag/ha-ld/amz 

(Avec l’aide d’Eleanor Weber-Ballard, édité par Jared Ferrie et Andrew Gully)
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