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L'expérience de l'Ouganda contre Ebola

The headline of the Sunday paper in the nations capital highlights the nationwide concern of the outbreak. (file photo) CDC Global
L'Ouganda a connu cinq épidémies d'Ebola en 14 ans. Elles ont été enrayées rapidement grâce à la fois à une certaine chance épidémiologique et à un système de réponse bien coordonné des services de santé à plusieurs niveaux.

D'après les Centres américains de contrôle des maladies (CDC - US Centres for Disease Control), la première épidémie d'Ebola en Ouganda s'est déclarée en l'an 2000 dans le district de Gulu, au nord du pays, et a fait 224 morts pour 425 personnes infectées. La deuxième, en 2007, a tué 37 personnes dans le district de Bundibugyo, à l'ouest, et en 2011, la maladie a fait un mort dans le district central de Luwero. En 2012, une première épidémie a infecté en juillet 24 personnes dans le district de Kibaale, à l'ouest du pays, faisant 17 morts et, en décembre, une deuxième épidémie a fait quatre morts à Luwero.

IRIN s'est intéressé à la manière dont l'Ouganda a fait face à ces épidémies.

L'Ouganda a-t-il eu de la chance ?

« L'Ouganda a toujours très bien géré ces cas [d'Ebola]. Si un cas d'Ebola est suspecté, les autorités sanitaires locales suivent un processus d'investigation et de communication sur un échantillon suspect par le biais du DHIS2 [le système d'information sur la santé au niveau du district], » a dit à IRIN Trevor Shoemaker, épidémiologiste du service sur les agents pathogènes viraux spéciaux du CDC en Ouganda.

« C'est vrai, l'Ouganda a su enrayer plusieurs épidémies d'Ebola par le passé sans grand débordement, du moins dans le pays ou la région », a confirmé à IRIN Freddie Ssengooba, professeur agrégé en gestion des systèmes de santé de l'École de santé publique de l'Université de Makerere.

« L'Ouganda a eu de la chance. La plupart de ces épidémies se sont déclarées en milieu rural et avaient donc de bonnes chances d'être enrayées grâce à des publications au journal officiel et des mesures de quarantaines dans ces régions. En milieu urbain, par contre, la question du contrôle et de l'enrayement d'une épidémie est délicate. [Les personnes touchées] sont difficiles à contenir. Elles s'échappent et montent dans un bus et, avant que vous puissiez réagir, elles sont partout dans le pays et la propagation de l'épidémie s'accélère », a-t-il expliqué.

« Les pays d'Afrique de l'Ouest n'ont pas eu de chance : la plupart des épidémies et des contagions ont eu lieu en milieu urbain. La plupart des gens courent à l'aéroport ou la gare routière et se rendent rapidement dans un autre village, pour être près de leur famille, ou dans un autre pays pour être mieux soigné. Ce sont ces voyages d'une ville à l'autre et ces moyens de transport qui ont pratiquement internationalisé l'épidémie. »

Comment l'Ouganda répond-il aux épidémies ?

Un membre d'une équipe de santé villageoise ou un professionnel de santé du district prévient l'équipe de surveillance du district ou un fonctionnaire de la santé publique de tout cas suspect d'Ebola.

Les autorités de santé évaluent le patient pour s'assurer qu'il répond aux critères correspondant à un cas suspect de fièvre hémorragique virale (FHV). Si tel est le cas, le patient est pris en charge par un établissement médical local, on lui fait une prise de sang et il est isolé de tous les autres patients en attendant les résultats du laboratoire confirmant ou non qu'il est atteint d'Ebola.

Le responsable de la santé du district envoie alors une alerte au niveau national par le biais du système de notification électronique DHIS2. L'échantillon sanguin est enregistré et envoyé à l'Institut de recherche virologique (Uganda Virus Research Institute, UVRI) et au CDC d'Entebbe pour des tests.

« Un système a été mis en place en Ouganda pour notifier les cas suspects, faire des prises de sang, les envoyer en laboratoire, puis en faire connaître le résultat en 24 à 48 heures », a dit à IRIN Issa Makumbi, directeur de l'épidémiologie et de la surveillance épidémiologique au ministère de la Santé.

« Ce qui est différent dans la réponse aux épidémies d'Ebola en Ouganda, c'est l'importance donnée au signalement des cas suspects de FHV [dont Ebola fait partie] et d'Ebola, qui sont généralement signalés et testés en quelques jours et non plusieurs semaines » a dit à IRIN M. Shoemaker, du CDC.

« Grâce au soutien du CDC, l'Ouganda est maintenant capable de tester des échantillons sanguins en 24 à 48 heures après réception et cela permet de déployer rapidement une équipe d'intervention dans le district [touché] pour réagir dans les plus brefs délais. Ce simple facteur temps peut fortement limiter le nombre total de cas, car il permet d'identifier rapidement les nouveaux cas et de surveiller les contacts », a-t-il expliqué.

« Nos partenaires ont redoublé d'efforts en matière de diagnostic. Avant, il nous fallait plusieurs semaines pour confirmer un cas suspect. Maintenant, nous obtenons les résultats sous 6 à 48 heures. Nous pouvons alors dire aux gens s'il s'agit d'un cas d'Ebola ou non, car notre laboratoire a gagné en capacité d'analyse », a dit à IRIN Asuman Lukwago, secrétaire permanent du ministère de la Santé.

« Avant, nous pouvions envoyer ces prélèvements à Atlanta [États-Unis] et cela pouvait nous laisser dans l'angoisse pendant deux à trois semaines durant lesquelles l'épidémie pouvait se propager. Maintenant, nous pouvons confirmer rapidement [les cas] et alerter la population pour que tout le monde prenne des précautions. »

Qui participe à la lutte contre Ebola ?

Selon M. Makumbi, en cas d'épidémie d'Ebola, le ministère de la Santé travaille en partenariat avec l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), les CDC, Médecins sans frontières (MSF), la Société du Croissant-Rouge ougandaise et des organisations non gouvernementales (ONG), qui apportent un soutien technique et l'aide de leurs laboratoires, mènent des campagnes de sensibilisation et participent aux opérations de surveillance.

« Si nous avons un problème [une épidémie], nous contactons nos partenaires de développement pour les en informer. Nous organisons une réunion d'urgence et réactivons le groupe de travail national, qui se tient toujours prêt à intervenir », a-t-il expliqué.

Le groupe de travail coordonne les équipes de santé, les ONG locales et les partenaires extérieurs à l'échelle du pays, des districts, des comtés et des municipalités.

Les responsables politiques ougandais, notamment le président Yoweri Museveni, participent à la sensibilisation de la population lors des épidémies.

« Le gouvernement soutient toujours les efforts menés contre Ebola ou d'autres fièvres hémorragiques. Lorsque des épidémies mortelles comme Ebola ou le virus de Marburg font leur apparition, nous les en informons. Le président lui-même intervient à la radio et à la télévision pour annoncer l'épidémie et faire part à la population des mesures recommandées pour l'enrayer », a dit M. Lukwago à IRIN.

« Pour nous, qui sommes baignés dans une approche technique, il n'est pas facile de traduire le jargon en mots facilement compréhensibles par la population et le président est bon pour ça. Nous lui faisons part de nos recommandations, nous lui donnons les informations nécessaires et il simplifie le tout. Le message passe mieux lorsqu'il provient du gouvernement plutôt que d'un spécialiste. »

Pourquoi les mesures de contrôle fonctionnent-elles relativement bien en Ouganda ?

Selon les experts, le système ougandais de réponse aux épidémies, bien coordonné et fonctionnel, est comparable à ceux d'Afrique de l'Ouest.

Le ministère de la Santé, l'OMS et les responsables des districts se chargent de la coordination générale. Le ministère de la Santé et la Croix-Rouge ougandaise mènent des recherches de contact, effectuent un suivi des cas et donnent suite aux alertes lancées par les communautés concernant de nouveaux cas. Les hôpitaux de district et le ministère de la Santé se chargent du transport pour aller chercher les nouveaux cas suspects et pour les enterrements. Le CDC se charge de l'investigation de cas, de la réponse épidémiologique, de la gestion des données et des analyses en laboratoire.

MSF, le ministère de la Santé et les hôpitaux de district apportent des soins cliniques et des traitements. D'autres partenaires fournissent du matériel et des financements par le biais du ministère de la Santé.

Le laboratoire du CDC à Entebbe effectue rapidement des tests de diagnostic pour Ebola et d'autres FHV, ce qui a permis d'identifier huit épidémies de fièvre hémorragique ces quatre dernières années. Parfois, le CDC a envoyé des équipes pour tenter d'identifier l'origine animale d'une épidémie.

« En travaillant avec le ministère de la Santé, nous avons aidé à mobiliser une équipe d'intervention dans le district touché et à apporter une aide immédiate. Ces facteurs ont contribué à la capacité de l'Ouganda à apporter une réponse fonctionnelle et bien coordonnée aux épidémies », a dit M. Shoemaker à IRIN.

Pourquoi l'Ouganda est-il convaincu de s'en sortir face à Ebola ?

« L'expérience qu'a l'Ouganda des épidémies d'Ebola et d'autres FHV a permis au pays d'identifier rapidement ces épidémies. Il est donc capable de mettre en oeuvre une investigation et une réponse structurées avec tous les composants nécessaires pour une intervention globale et un enrayement de l'épidémie en relativement peu de temps », a dit M. Shoemaker à IRIN.

« L'Ouganda a enrayé ces épidémies avec plus d'efficacité que les pays d'Afrique de l'Ouest, car ces derniers sont relativement peu expérimentés face à des épidémies de cette nature. L'Ouganda suit les mêmes procédures d'intervention que les pays d'Afrique de l'Ouest, mais celles-ci sont effectuées plus tôt et sont coordonnées plus rapidement grâce à la collaboration entre le ministère de la Santé et ses partenaires », a-t-il expliqué.

« En raison de ses antécédents en matière d'épidémies de FHV, la population ougandaise n'a pas peur de consulter en cas de maladie ou d'exposition à un cas confirmé. Cela permet l'identification de la plupart des nouveaux cas dès que les symptômes se présentent. Ces patients peuvent alors être placés en quarantaine et commencer un traitement avant de pouvoir contaminer d'autres personnes », a-t-il ajouté.

« Nous aussi nous avons paniqué lors de la première épidémie en 2000, qui a tué un de nos médecins [Mathew Lukwiya]. Tout le monde considérait Ebola comme une maladie mystérieuse. Mais depuis, nous avons remarqué que nous sommes toujours sujets à Ebola. Alors, chaque fois que nous rencontrons un cas suspect, nous sommes prêts à faire face au pire des scénarios. C'est donc moins la crise », a dit M. Lukwago à IRIN.

« L'existence de nos unités de santé réparties dans tout le pays et de vétérans de la lutte contre Ebola nous a aidés à contrôler ces épidémies. Nous encourageons généralement les hôpitaux qui signalent une épidémie à mettre en place un centre de mise en quarantaine et nos vétérans se précipitent pour aider dans ces structures d'isolement et de confinement. »

« Ces pays d'Afrique de l'Ouest n'ont pas la chance d'avoir investi suffisamment dans le système de santé comme l'a fait l'Ouganda. Les pays touchés sont les plus mal lotis », a dit M. Ssengooba.

« En milieu rural, il n'y a pratiquement aucune structure s'apparentant de près ou de loin à un établissement de santé. Là où ces structures existent, le personnel ne peut qu'offrir des soins de santé de base. Le système entier est dirigé par des personnes qui sont pour la plupart des bénévoles et non des experts ou des professionnels de la santé », a-t-il précisé.

« Lorsqu'il s'agit de gérer des épidémies, de prendre en charge des patients, de mettre des gants, d'installer des perfusions, il faut des personnes formées et, actuellement, les pays touchés sont à la traîne en matière d'amélioration des systèmes de santé. C'est pourquoi l'épidémie s'y propage plus rapidement. »

Quels sont les plans d'urgence mis en place ?

Depuis 2010, le ministère de la Santé a mis en place, en partenariat avec le CDC et l'UVRI, un programme de veille des FHV et de tests en laboratoire jamais vu auparavant, avec des sites de surveillance sentinelle dans tout l'Ouganda et des personnels équipés et formés pour correctement identifier les cas de FHV, les signaler et transporter les échantillons. Financé par les CDC, le laboratoire à haut niveau de confinement pour les FHV à Entebbe a par ailleurs été rénové et modernisé pour mener de nombreux tests diagnostics dans un environnement sûr et permettre une confirmation rapide des cas suspects.

« Ce programme a confirmé sept épidémies de FHV en Ouganda et un en RDC [République démocratique du Congo, voisin de l'Ouganda] depuis 2011. Dès lors, des investissements considérables ont été faits pour améliorer la surveillance globale et le système d'alerte en Ouganda », a dit M. Shoemaker à IRIN.

« Dans le cadre du plan d'urgence, le ministère dispose constamment de fonds d'urgence catalyseurs et d'épidémiologistes et de cliniciens toujours prêts à se rendre sur le terrain en cas d'épidémie », a dit M. Lukwago.

« Avec Ebola, tous les fonds disponibles sont débloqués immédiatement. Nous nous disputerons plus tard. La peur de débloquer des fonds peut coûter des vies et davantage d'argent, comme c'est le cas en Afrique de l'Ouest. L'objectif est de faire en sorte de limiter les cas à ceux qui sont déjà infectés et donc de ne pas avoir de nouveaux cas. »

« Le principal plan d'urgence est simplement d'investir dans l'amélioration du système de santé. Formons des gens qui sauront quoi faire. Donnons-leur les outils adéquats et les compétences nécessaires », a dit M. Ssengooba à IRIN.

« Nombre de ces [travailleurs de la santé en Afrique de l'Ouest] n'ont même pas d'équipements de protection tels que des gants et ne savent pas non plus les utiliser. Si des gens ne les ont jamais utilisés, vous ne pouvez pas leur en donner pendant l'épidémie et vous attendre à ce qu'ils les utilisent correctement. Les gens ont tendance à sauter les étapes », a-t-il dit.

« Nous devons nous assurer que le système est conçu de manière à faire face à toutes les situations », a-t-il ajouté.

Comment le sujet est-il couvert par les médias ?

Selon M. Lukwago, l'Ouganda a utilisé le DHIS2 avec efficacité pour signaler et surveiller les cas suspects, ainsi que pour lancer des alertes par courriers électroniques, SMS, messages radiophoniques et émissions télévisées dans le cadre des plans de réponse aux épidémies. Le ministère de la Santé a mis en place un Centre d'opérations d'urgence permanent à Kampala pour coordonner ces activités.

« Si nous avons une épidémie d'Ebola n'importe où en Ouganda, la majorité des personnes qui ont un téléphone en seront informées dans les deux heures qui suivent par alerte SMS. Nous communiquons également par le biais de la radio et de la télévision, équipement que possèdent la plupart des gens. À la fin de la journée, presque tous les Ougandais sont au courant de l'épidémie », a dit M. Lukwago à IRIN.

« Notre population ne doute d'aucune information que nous leur donnons. C'est ce qui a manqué en Afrique de l'Ouest, où de nombreuses personnes ont soupçonné que c'était quelque chose importé par les Européens ou d'autres étrangers, etc. Ils se méfiaient donc des informations données par le gouvernement », a-t-il ajouté.

so/cb-ld/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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